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dimanche 12 mars 2023

Israël, ta démocratie fout le camp par Alain PIERRET

 

ISRAËL, TA DÉMOCRATIE FOUT LE CAMP !


Par Alain PIERRET

Ancien Ambassadeur de France en Israël

Copyright © Temps et Contretemps

 

Alain Pierret de dos avec Chirac et Shamir

        Du 20 juillet 1986 au 2 août 1991, j’ai représenté notre pays en Israël. Ces cinq années ont, à l’évidence, compté parmi les plus enrichissantes de ma carrière diplomatique. Elles n’ont certes pas été toujours faciles, mais elles m’ont beaucoup apporté, tant sur le plan professionnel qu’au regard des relations humaines que j’ai engagées et développées avec les membres de la forte majorité juive comme au sein des communautés arabes. L’exercice de mes fonctions a subi des contraintes durables, telle la déclaration reçue du rabbin Meir Kahane [1] qui menaça de faire «couler le sang des diplomates français» lorsque je demandais – et obtins, non sans difficulté, l’extradition d’un Juif venu de France après l’assassinat à Besançon d’un Français (de surcroît d’origine arabe). La police de Tel Aviv me mettra sous sa protection pendant une semaine.



Récemment dans un café à Paris


Mais j’ai eu le privilège d’établir d’étroits, voire chaleureux, rapports avec les responsables politiques de cette période :

- Yitzhak Rabin me proposa de venir jouer au tennis avec lui, tout en me déclarant que «l’Europe (était) hors-jeu» en matière de discussion avec Israéliens et Arabes palestiniens.

- Yitzhak Shamir, bon francophone depuis ses deux années de rétention à Djibouti décidées par un magistrat colonial français qui ne voulait pas le remettre aux Anglais.

- Shimon Pérès m’offrit à mon départ une magnifique représentation stylisée de Jérusalem en argent et m’adressa par la suite son livre Battling for Peace dédicacé.

- Moshe Arens, ministre des Affaires étrangères puis à la Défense pendant la guerre du Golfe, ce qui me valut de nombreuses rencontres. Y compris sur un plan ironique, le 14 juillet 1990, où je fus convoqué à trois reprises à Jérusalem, soit 420 km dans la journée.

- Benjamin Netanyahou, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, rencontré rapidement à son retour des États-Unis. Le 22 octobre 1990, l’institut Yad Vashem organisa une journée d’études sur «le sauvetage d’enfants juifs en France, 1940-1944». Nous dévoilons ensemble une plaque rappelant le courage discret des habitants du Chambon-sur-Lignon. Protestants, ils savaient ce que persécution des minorités veut dire.

Alain Perret et la plaque au nom de son père


Le 18 juillet 2018, la Knesset a adopté une loi fondamentale (constitutionnelle) avancée par le Premier ministre Netanyahou dans son quatrième mandat, loi qui symbolise Israël en «État-nation du peuple juif». Il est, entre autres mesures, choquant de retirer à l’arabe son statut de langue nationale. Ce faisant, M. Netanyahou donne à son pays un régime où les caractères ethniques l’emportent sur les valeurs collectives. Dans l’histoire, les exemples abondent, avec pour résultat des crises graves, voire conflictuelles. On le constate aujourd’hui près de chez nous, en Catalogne, au Royaume-Uni, en Belgique, voire en Ukraine ou en Corse.

Ces transformations ne suffisent pas. Ces derniers jours, à la requête du Premier ministre, la Knesset s’est arrogé le pouvoir de désigner les membres de la Cour suprême. Principe lui aussi – et avant tout – fondamental de la démocratie, l’indépendance de la Justice est mise en cause.



Dans moins de trois mois, Israël et les communautés juives dans le monde commémoreront le soixante-quinzième anniversaire de la création de ce nouvel État, Israël. Le 4 avril 1957, David Ben Gourion, son auteur et Premier ministre, fit devant les responsables de l’armée cette déclaration dont j’ai retenu ces extraits : «… la bande de Gaza présente des dangers majeurs – il était clair que si nous restions à Gaza… alors que le Monde nous blâme […] ce serait une catastrophe pour l’État d’Israël.[…] À mon avis, le côté moral est la condition de toute notre existence ; si nous perdons le droit moral de notre existence aux yeux du peuple (juif) et aux yeux du monde – Israël ne peut survivre».

Monsieur le Premier ministre, je n’ai pas oublié nos rencontres, reprenez cette décision. J’ai trop aimé ce séjour en Israël, vous ne pouvez contredire David Ben Gourion !

 

[1]   Assassiné à Manhattan en 1990 par un Américain d’origine arabe.



 

4 commentaires:

Marc a dit…

A vous lire M. PIERRET, la France n'est plus une démocratie!
Il me semble que les membres du conseil constitutionnel sont nommés par le pouvoir politique (les présidents de la république, du Sénat et de l'assemblée nationale)!
La cour suprème en Israël a entre autres, le même rôle!
Le problème en Israël est l'absence de constitution et que le domaine de compétence de la cour suprème est trop étendu et mélange le politique et le judiciaire!

bliahphilippe a dit…

Malgré toute la sympathie à titre individuelle que l'on peut accorder à Monsieur Pierret, certainement une personne avec laquelle on aurait plaisir d'avancer les "commodités de la conversation", il n'en reste pas moins qu'es qualité de représentant ancien du corps diplomatique frrançais Monsieur Pierret est mal placé pour donner des lecons de morale et de démocratie à Israel.
-Sans rappeler les trahisons de la France au pire moment de l'histoire d'Israel("son amie son alliée"!) lors de l'embargo sur les armes vitales pour notre pays en 1967, de l'embargo sur les vedettes de Cherbourg payées par Israel, la complicité criminelle de Chirac ayant offert une centrale nucléaire à Saddam Hussein, le comportement violemment antiisraélien constant de son employeur le Quai d'Orsay etc..., monsieur Pierret devrait se souvenir que la France se situe au 34 ième rang en matiére de liberté d'expression (et donc de démocratie) derrière le Ghana et l'Uruguay...et loin derrière Israel!!
Par ailleurs comme il est dit dans la Parabole de la paille et de la poutre, Évangile de Luc, 6, 41 : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil à toi" !
Démocratie avez-vous dit ? Celle par exemple concernant le référendum de Maastricht? Que se serait-il passé en Israel si un gouvernement reléguait aux poubelles les résultats d'un vote populaire dans le cadre d'un référendum? Sans doute une révolution qui ne sest pas produite en France!
Sur l'arabe non langue nationale d'Israel : vous connaissez un seul pays arabo-musulman ayant adopté la langue d'une minorité ? En quoi êtes vous chagrin s'agissant du seul état Juif dans le monde pour le regretter chez nous? Serait-ce parce que la démocratie française semble s'accomoder bientôt chez elle avant Israel de ce changement?
Sur la réforme judiciaire : savez-vous puisque nous parlons démocratie que ce sujet non absent de la campagne électorale a fait l'objet d'un vote majoritaire ? Etes vous informé précisément des raisons multiples ayant conduit le peuple israélien a une volonté de changement-encore aujourd'hui dans les sondages à 70%!!Plus de 50% d'Israéliens voteraient contre leur démocratie?
Mais y'a t'il lieu de s'étonner que ce débat interne et complexe à la société israélienne vous amène à exprimer imprudemment de façon brutale "qu'Israel ta démocratie fout le camp"?!
Leçon pour leçon en matière de morale et de démocratie il serait bon de réaliser que votre intervention peut être perçue par beaucoup en Israel comme un paternalisme au surplus non conforme au réalisme du monde qui émerge sous nos yeux: celui auquel veut nous habituer le Quai d'Orsay. Avec ses succès récents au Maghreg et en Afrique !!



Georges Kabi a dit…

Un pays qui a adopte une langue de la minorite comme deuxieme langue officielle?
Le Paraguay de langue espagnole a ajoute le guarani comme deuxieme langue nationale reconnaissant ainsi les Amerindiens qui constituent la plus grande minorite de ce pays.
Il y en a d'autres: l'Inde a pour langue officielle une douzaine de langues mais la langue de l'ex-volobnisateur domine toutes les autres.
Je peux comprendre votre indignation. Apres tout vous etes originaire d'un pays de langue arabe, alors voir ce pays que vou aimez remettre sur la table le statut de la langue arabe est our vous une arete dans la gorge.

Marc a dit…

Georges,
A contrario, en Belgique, avoir 2 langues officielles n'est pas une réussite!
Mais, avec tout le respect que mérite M. Pierret, entendre d'un (ex) officiel français, après la façon dont on a traité nos langues régionales, ce reproche, est ... surprenant!