BENOÎT XVI DANS L'OMBRE DE JEAN- PAUL II
Par Jacques BENILLOUCHE, Slate.fr
A
l’occasion des obsèques de Benoît XVI, nous publions à nouveau notre article du
13 mai 2009 paru dans Slate.fr. Benoît XVI avait entamé sa première journée de
visite en Israël dans le cadre de son voyage pour resserrer les liens avec la
communauté juive.
Le voyage de Benoît XVI a déçu
Shimon Peres reçoit Benoit XVI |
La visite du Pape n'a pas enthousiasmé les foules
israéliennes. Georges Bush, le dernier invité officiel, avait drainé à
l'aéroport Ben Gourion une foule immense qui avait tenu à saluer en masse, pour
la dernière fois, le meilleur ami d'Israël. Peu de citoyens se sont déplacés
pour le nouveau pape parce que la froideur de Benoît XVI à leur égard ne les y
incitait pas. Le président Shimon Pérès, en service commandé, avait pourtant
fait l'effort de prononcer des paroles de bienvenue en latin «Salut au
croyant parmi les croyants qui entame aujourd'hui une visite en terre sainte»
mais il savait qu'il avait une rude tâche pour dissiper la méfiance accrue des
Israéliens vis-à-vis de son invité.
L'opinion israélienne estime que le voyage du
Saint-Père n'a pas été préparé avec toute l'attention particulière nécessitée
par les derniers développements et particulièrement son origine allemande. Ses
conseillers l'ont peu aidé pour aplanir, avant tout acte, les malentendus qui
se sont fait jour puisque de nombreux officiels israéliens vont jusqu'à
prétendre que sa visite n'était pas souhaitée. Benoît XVI a eu droit à tous les
honneurs dus à un chef d'État mais l'absence remarquée du deuxième personnage de
l'exécutif israélien, le président du parlement Reuven Rivlin, tendait à
démontrer la mauvaise humeur des politiques.
Par ailleurs, sur l'injonction de leur chef
spirituel, le rabbin Ovadia Yossef, les ministres du parti religieux Shass ont
reçu l'ordre de boycotter la cérémonie d'accueil du pape. Les consignes données
pour que cette absence soit «discrète» pouvaient difficilement trouver
une réelle application tant les tenues noires des orthodoxes faisaient défaut
parmi l'assistance. Le passé du pape, qui a été soupçonné d'avoir flirté avec
les jeunesses hitlériennes, ne constitue pas l'unique raison de cette mauvaise
humeur car les politiques ont voulu aussi lui signifier leur désappointement et
leur lassitude devant l'insistance nouvelle du Vatican à réclamer la
souveraineté sur la plupart des lieux saints de Jérusalem.
L'image d'un pape sanglé dans son uniforme de la
Wehrmacht
Il est difficile de ne pas comparer ce voyage à celui du précédent pape. Jean Paul II ne s'était pas rendu à Jérusalem pour visiter uniquement les lieux saints mais pour reconnaitre au peuple juif le droit de vivre dans sa propre patrie et pour signifier aux catholiques qu'il fallait cesser de le considérer comme le peuple déicide. Il s'était préparé de longue date et avait progressivement convaincu ses fidèles que les Juifs ne devaient faire l'objet d'aucun «enseignement du mépris». Son voyage était l'aboutissement de 22 années d'investissement pour réconcilier les Juifs et les Chrétiens. C'est dire s'il était suffisamment préparé à se présenter aux portes de Jérusalem.
Les messages des deux papes se distinguent sur la forme et sur le fond. L'image d'un pape sanglé dans son uniforme de la Wehrmacht était dans tous les esprits israéliens et dans la bouche de tous les commentateurs de la télévision qui n'ont pas hésité à franchir le pas. Jean Paul II avait transmis un message d'amour et de compassion tellement puissant que les musulmans s'étaient sentis aussi concernés que les Juifs par ses commentaires. Il avait doublé son message d'un évangile social que le responsable du syndicat israélien Histadrout aurait pu cautionner tant les termes étaient appropriées à la réalité du moment. Le social semblait primer sur le spirituel dans la bouche du chef de l'Église.
En revanche, Benoît XVI s'est placé dès son premier
discours sur un plan purement politique : il a souhaité que les Israéliens et
les Palestiniens se réconcilient pour que «chaque peuple puisse vivre dans
son pays respectif, dans des frontières sures et reconnues internationalement».
Les hôtes, croyant entendre un diplomate de l'ONU plutôt qu'un chef de l'Église,
ne paraissaient pas dépaysés. Il a certes évité d'aborder les sujets litigieux en
revanche, il a accru le sentiment de méfiance, sinon de rejet, à son égard.
L'étape ratée de Yad Vashem
Benoît XVI à Yad Vashem |
Benoît XVI n'a pas réitéré le geste le plus
significatif de son prédécesseur qui, le premier dans l'Histoire, avait demandé
pardon pour les péchés commis par l'Église catholique envers les juifs. «Nous
pardonnons» avait-il dit, «et nous demandons pardon. Prions pour qu'en
évoquant les souffrances endurées par le peuple d'Israël à travers l'histoire,
les chrétiens reconnaissent les péchés commis par bon nombre d'entre eux contre
le peuple de l'Alliance». Il avait ajouté sa désapprobation de «l'aspect
sombre du passé de l'Église, durant les époques caractérisées par les
conversions forcées, le soutien aux croisades et la création de l'Inquisition».
Les Israéliens attendaient beaucoup de l'étape de
Yad Vashem, le mémorial de la Shoah. Il pouvait être le lieu de l'explication,
de la mise au point et des regrets peut-être mais, la déception fut grande
devant le discours rigide, convenu et plat d'un Benoît XVI qui n'a fait aucun
effort pour surprendre son auditoire ou pour le conquérir. Ses paroles sur
l'universalité faisaient hors-sujet, au sens scolaire du terme, alors que les
Israéliens attendaient de lui qu'il utilise au moins une fois le mot «nazi»
dans ses phrases et qu'il fustige les responsables de la Shoah.
Ils attendaient également qu'il s'explique sur le
négationnisme affiché par son évêque Richard Williamson qui avait contesté
l'existence des chambres à gaz. Il a donc trahi toutes les attentes car il
s'est borné à regretter «la mort» et non «l'extermination» des
Juifs, sans désigner nommément les coupables de leur éradication systématique.
Un pape qui ne mesure pas la signification des mots
à leur juste valeur, et surtout leur symbole, est soit mal préparé, soit
profondément attaché à son dogme et à ses convictions. La susceptibilité des
Juifs sur la Shoah n'est pas une légende. Lorsque le grand rabbin d'Israël et
président de Yad Vashem a comparé son destin à celui du Saint-Père,
c'est-à-dire «celui de l'enfant que j'étais à Buchenwald tandis que vous
viviez votre histoire de votre côté», le pape s'est borné à sourire comme
s'il y avait matière à voir dans cette image tragique autre signification qu'un
drame humain. Certains ont vu dans ce survol rapide des persécutions juives une
caution au silence du pape Pie XII durant le génocide nazi.
À la fin de la cérémonie de Yad Vashem, Jean Paul II
avait béni Israël en présence de son président Ezer Weizman; une façon
éclatante de reconnaître l'État par l'Église et dans un dernier geste public,
il avait inséré dans le Mur des Lamentations une prière «demandant pardon
pour les actes antisémites perpétrés par les catholiques». Cette image a
brillé et brille encore dans l'esprit du milliard de catholiques qui ont adoré
leur pape précurseur.
«Impopulaire»
La maladresse volontaire de Benoît XVI fait par
ailleurs l'objet de supputations sur sa volonté manifeste d'intransigeance. Il
a refusé de suivre les conseils de sa délégation de Cardinaux qui lui
enjoignaient de se présenter au Mur, à l'instar de Jean Paul II, sans signe
distinctif apparent. Il a tenu à s'afficher ouvertement avec une grosse croix
portée à son cou, dans une sorte de provocation déplacée afin de manifester son
indépendance à l'égard de ses hôtes. Au mieux, certains y ont vu une faute de goût.
Le grand quotidien Yediot Aharonot barrait sa
première page, le jour de l'arrivée du pape, d'un qualificatif éloquent «Impopulaire».
Benoît XVI n'a rien fait pour démentir les journalistes, ni l'opinion
israélienne et ni les représentants de la Nation dont qui ont estimé voir dans
ce voyage un recul de la papauté au moins en ce qui concerne les relations
judéo-chrétiennes. Ils se consolent en pensant qu'il ne s'agit pas là de la
première bévue du nouveau pape et comptent sur l'intelligence des protagonistes
pour que la vingtaine d'années de combat de Jean Paul II ne finisse pas en un
simple souvenir historique.
2 commentaires:
Personne n'a encore réellement compris, sauf peut-être Rambam, la raison pour laquelle le christianisme est apparu dans l'histoire. Je vais essayer de résumer cela en quelques phrases.
L'une des raisons de la destruction du Deuxième Temple, outre toutes celles connues, expliquées et bien documentées (meurtres et lashon ara entre juifs), c'est la colère du Créateur contre Ses rabbins, incapables de faire rayonner à l'extérieur la lumière de la Thora. N'oublions pas que la mission du peuple juif, c'est d'être le phare des nations. Au moment de la destruction du Temple, l'immense majorité des nations est restée idolâtre. Pour ramener les peuples à Lui, le Créateur, qui désire la reconnaissance de toutes les nations, va alors susciter une nouvelle religion, non plus monothéiste pure et dure comme le judaïsme pharisien, mais comprenant trois divinités : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. (Je mets des majuscules, parce que, en tant que Créateur, soucieux du devenir de Ses Créatures, il est AUSSI le Maître de l'Histoire.) Ces trois divinités sont aussi SES créations. Grâce à elles, Il a offert à l'humanité païenne, la possibilité de passer du polythéisme à une version plus épurée, le réduisant à trois niveaux. En espérant qu'ils sauront passer de 3 à 1. Mais à présent qu'Israël est revenu sur sa terre, et que sa lumière commence à briller, le christianisme va avoir de moins en moins de raison d'être. Ai-je été clair ? Des questions ?
Monsieur Neeman,
On peut dire que vous avez traité avec une certaine désinvolture du mystère chrétien de la Sainte Trinité, à savoir : le Dieu en trois personnes. Mais laissons cela car nous nous souvenons que Saint Augustin lui-même, qui avait essayé de le comprendre, ne s’en était pas sorti.
Et venons-en à cet autre sujet : « Mais à présent, dites-vous, qu’Israël est revenu sur sa terre… le christianisme va avoir de moins en moins de raisons d’être. »
J’ai donc une question : cette disparition de christianisme au profit du judaïsme, à combien de temps l’évaluez-vous ?
Car d’après les statistiques : le nombre de Chrétiens dans le monde – 2,2 milliards – représentent 32% de la population mondiale, tandis que nombre de Juifs dans le monde – 14 millions – représentent 0,2% de la population mondiale.
Très cordialement.
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