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vendredi 5 février 2021

Perspectives électorales figées en Israël

 


PERSPECTIVES ÉLECTORALES FIGÉES EN ISRAËL


Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps 


          Si l’on voulait résumer la situation électorale en Israël à la veille de la clôture du dépôt des listes, on pourrait la résumer en quelques phrases. Le Likoud, sûr de lui-même et encore dominateur, est en tête de tous les sondages, laissant ses poursuivant à plus de 15 sièges d’écart. Le Centre plie mais ne se rompt pas. La Gauche sort péniblement de la torpeur et de l’abime dans lequel ses précédents dirigeants l’ont plongée. Les religieux orthodoxes se maintiennent fidèles à eux-mêmes grâce à la discipline imposée par leurs rabbins. Enfin, les partis arabes souffrent de leurs divisions au point de risquer de perdre quelques plumes. C’est pratiquement la même situation qui a existé lors des trois précédents scrutins, certaines tentatives politiques remplaçant d’autres.



Soldats d'origine éthiopienne


Alors on maudit le système électoral à la proportionnelle intégrale alors qu’il n’est pas coupable des dérives des dirigeants politiques qui ne savent ni s'entendre et ni se regrouper. En Israël, il est important que toutes les composantes du peuple juif soient représentées à la Knesset. Il appartient aux députés d'organiser un gouvernement de coalition qui ne soit pas de transition et qui perdure au moins pendant deux à trois ans ; l’idéal serait pendant toute la mandature de quatre années. Contrairement aux critiques, le système n’est pas si mauvais puisqu’il a tenu depuis la création de l’État.

Certes la stabilité est plus grande dans un système majoritaire, mais certaines minorités sont alors exclues de la gouvernance et se voient obligées d’agir dans la rue à défaut d’avoir des représentants au parlement. Mais le système israélien a été amélioré à l’usage pour éliminer les fantaisistes et les individualistes, comme Flatto-Sharon élu en 1977 alors que 14.173 voix suffisaient pour élire un député. En imposant un seuil électoral minimum 3,25%, il faut un minimum de 38.000 voix élire un député et 148.000 voix au moins pour être admis à la Knesset. Ce seuil augmente à chaque élection au fur et à mesure que la population augmente ce qui rend plus difficile l’accès à la députation. Ainsi le nombre de listes éligibles est réduit à chaque élection, 9 à 10 parviennent après avoir d'ailleurs forcé les regroupements des micros partis.



Cette difficulté, qui s’accroit à chaque élection, pousse certains dirigeants politiques à faire les frais de leur assurance. Ils avaient souvent un statut assuré dans leur parti mais ils ont voulu être calife à la place du calife et ils ont tout perdu à l’instar de Moshé Yaalon, Ron Huldaï, Ofer Shelah, Yaron Zelekha, Bezalel Smotrich et Avi Nissenkorn qui se retrouvent exclus de la Knesset ou condamnés à mendier une place éligible dans une autre liste.

            Le drame reste que les élections du 2 mars 2020 avait fait éclore de nouvelles pousses qui pouvaient modifier l’équilibre des vieux partis. Des jeunes et des femmes, compétents et volontaires, apportaient un peu de souffle à un système vieilli, sclérosé et sans avenir. Mais la patience, une vertu politique rare, a manqué chez ceux qui viennent de décider de quitter la scène politique après moins d’un an de présence à la Knesset. Quelques femmes méritantes et compétentes ont fait une brève incursion dans le monde des hommes pour devenir aussitôt leurs victimes à l’instar de Omer Jankélévitch, Hila Peer, Michal Cotler-Wunsh, et d’autres encore.

Les ministres souvent débutants de Gantz


On ne reverra plus ces nouveaux venus car ils ont été terrassés par la déception des querelles internes et des guerres d’égos qui les ont décimés. Ils avaient cru à un renouvellement de la classe politique mais, au final, les mêmes continueront à décider du sort des Israéliens, les mêmes professionnels de la politique. En 2020, les listes avaient fait la part belle aux femmes, dans une sorte de quasi-parité, orthodoxes exclus, mais à l’exception du parti Avoda, elles ont quitté pour retrouver les postes auxquels elles ont été confinées depuis de longues années, à savoir les postes subalternes. A noter cependant la désignation en place éligible sur la liste des Travaillistes d'Emilie Moatti, francophone née à Netanya et compagne de l'ancien ambassadeur Daniel Shek. 

Les vrais hommes politiques sont ceux qui savent aller jusqu’au bout de leur défi et ne pas être stoppés ni découragés par la première embûche. C’est à cela qu’on les reconnait. Benny Gantz n’a pas été de ceux-là. Il avait un boulevard devant lui, avec à ses côtés des dirigeants de premier ordre qui l’avaient suivi avec discipline, décidés à en découdre avec Benjamin Netanyahou, des gens de tous horizons et de tous bords politiques, de droite comme de gauche et même des apolitiques qui ont trouvé plaisir à se frotter à la politique, pour certains une innovation.

Benny Gantz aurait pu forcer la chance, comme Itzhak Rabin en 1992, en constituant un gouvernement minoritaire avec le soutien passif des partis arabes. Il aurait dû affirmer avec force que ceux qui aujourd’hui sont à la pointe du combat contre le coronavirus, ces médecins, ces infirmiers et ces pharmaciens arabes sont des citoyens à part entière et qu’il n’avait aucune honte à les inclure dans son gouvernement. Mais on l’a montré du doigt et on l’a accusé de trahir le monde juif, voire Israël, alors que quelques mois plus tard Netanyahou a décidé que les Arabes avaient le droit d’être des alliés du Likoud. Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais. C’est la différence entre un pur débutant et un expert en politique. Gantz aurait pu constituer une coalition minoritaire transitoire qui aurait été immédiatement suivie par quelques frondeurs du Likoud, les mêmes qui aujourd’hui ont créé le parti «Nouvel espoir».

Le quarteron décimé

Mais il fallait le cran d’un retors en politique et ne pas pêcher par manque d’expérience politique, par une droiture sans faille et même par naïveté. En cassant le groupe du «quarteron», il a signé sa fin politique et brisé par là-même les espoirs de ceux qui se trouvent orphelins aujourd’hui, désespérés même parce que l’avenir est sombre, à qui on ne refera pas le coup du renouveau en démocratie. Mais les Israéliens choisissent en toute liberté et on ne peut pas les accuser de respecter la démocratie ; c’est leur droit même si les mêmes squattent le pouvoir depuis 12 ans. Le renouvellement régulier de la classe politique n'est pas encore pour demain sachant que les pseudos adversaires du Likoud seront des alliés demain par goût des portefeuilles ministériels et en dehors de toute conviction politique.

1 commentaire:

bliahphilippe a dit…

La lecture faite des dissenssions ego et petitesses des personnages de la politique israélienne qu'ils appartiennent à la gauche, à la droite ou au Centre que l'on baptise ce Centre un peu plus à gauche ou un peu plus à droite est exacte.
l'analyse ne souffre pas de contradictions majeures sauf sur un point essentiel que l'auteur évacue trop vite sans l'explication qu'elle mérite se contentant d'une pirouette à laquelle en apparence toute personne non pas lucide, mais sensible ne peut que souscrire. Le diable se cache dans les détails de la phrase suivante :"Benny Gantz aurait pu forcer la chance, comme Itzhak Rabin en 1992, en constituant un gouvernement minoritaire avec le soutien passif des partis arabes. Il aurait dû affirmer avec force que ceux qui aujourd’hui sont à la pointe du combat contre le coronavirus, ces médecins, ces infirmiers et ces pharmaciens arabes sont des citoyens à part entière et qu’il n’avait aucune honte à les inclure dans son gouvernement." En effet, s'il n'y'a rien à redire au point de vue humain et social à ce sujet sans passer pour un obscur raciste borné. Mais il faut avoir le courage d'expliquer que ces partis arabes soutiennent les objectifs les plus radicaux des palestiniens avec lesquels ils s'identifient quant aux buts qui n'ont rien de rassurants pour la société israélienne. Les dirigeants de ces partis soutiennent les terroristes, (Bichara à l'époque, Zoabi en excursion antisraélienne sur le Marmara et les discours de ceux d'aujourd'hui ne laissent planer aucun doute pour qui se veut honnete ), ne critiquent pas le hamas lorsqu'il envoie des bombes sur les villes israéliennes.Ils militent en fait pour la destruction du sionisme, donc de l'Etat d'Israel. Rabin et Peres avaient un besoin de ces partis pour faire passer le accords d'Oslo-bien qu'Arafat qui le disait en arabe ne les considérait que comme une "étape", on sait quels étaient ses penchants! Mais la situation a changé-la période d'Oslo a laissé des marques profondes dans la sociéte israélienne - aprés que le terrorisme ait mis fin de facto aux illusions de la gauche et la majorité des électeurs n'est pas prete à redonner faute de confiance sur cet aspect essentiel ses voix à des hommes ou des partis susceptibles de s'allier avec des ennemis. Certes Gantz ou d'autres auraient pu le faire mais avec le risque de voir détruit tout avenir politique. Or il en sera ainsi tant que les partis arabes en question n'auront pas changé en toute crédibilite et sincérité leurs discours d'identification aux objectifs palestiniens. La volonté d'écarter Natanyahou,qu'on le soutienne ou non ne justifie pas pour ce gain politique immédiat de passer outre cette réalité dérangeante. Au passage Natanyahou conscient du poids des arabes pour les justes raisons exposées brièvement par l'auteur est allé les courtiser, du moins ceux de leurs électeurs qui ne s'identifient pas aux destructeurs de la société israélienne.