Slim Lokman |
Le Liban semble entrer dans une phase de décomposition
ultime. On savait que le meurtre d’opposants était chose courante, le passé en
témoigne. L’assassinat de l’opposant et critique du Hezbollah, Lokman Slim, abattu
d’une balle dans sa voiture, vient s’ajouter à une liste déjà longue au milieu
d’un chaos qu’on n’aurait pas imaginé il y a encore quelques années, où malgré ses
difficultés, le pays du cèdre parvenait à se relever. Il est aujourd’hui à
genoux et à deux doigts de la guerre civile.
Un manifestant brandit la photo de Lockman Slim critique du Hezbollah |
Ce qui ne présage surtout rien de bon pour son peuple et
les réfugiés syriens qui sont plus de 1,5 millions pour une population de six
et in fine pour Israël. Avoir à sa frontière un pays et une population
désespérée est une menace humanitaire et sécuritaire qui n’a rien à envier à
une menace militaire. Dans un passé récent Israël a dû faire face à des
infiltrations, relativement importantes pour un petit pays, en provenance du
Soudan notamment.
La victime Lokman Slim, personnalité connue, producteur de
films, organisateur de forums politiques, était le fondateur de l’organisation
de documentation et de recherche UMAM qui avait pour objectif de créer un fonds
d’archives sur les violences passées en vue de sensibiliser le pays à une
prévention de nouvelles violences. C’était donc un gêneur, non seulement
critique notoire de l’organisation terroriste, mais aussi enquêteur à propos de
crimes passés et la recherche des auteurs. On a donc voulu le faire taire
définitivement six mois après l’explosion du port de Beyrouth.
Funérailles multi-religieuses de Lokman |
À date, l’enquête n’a pas avancé. Bien qu’on montre du
doigt les responsables, beaucoup de monde savait, c’est l’omerta. Dans ce pays
hélas totalement fracturé, écartelé, livré aux luttes de clans et de pouvoir
entre hommes politiques corrompus, milices qui vivent au crochet des habitants
et autres puissances régionales, la pandémie aura été la plaie de plus qui
s’est abattue sur ces hommes, ces femmes, ces enfants qui sont à bout.
La banque centrale libanaise a averti qu'elle pourrait
manquer d'argent sous peu, pour financer les subventions. Si cela se
produisait, les observateurs sur place dont l’ONU et des ONG locales, prédisent
une catastrophe. Si les autorités arrêtent de subventionner les produits
de base que sont la farine et le carburant, cela aurait pour effet de précipiter
potentiellement plus des trois quarts des Libanais dans la pauvreté. On en
est là ! car les subventions ne règlent pas le problème chronique des
inégalités criantes dans le pays. Le prix de la farine a pratiquement triplé
depuis le début de la crise.
À qui profite le crime ? C’est la question que se
posent chaque jour les habitants et les réfugiés. Jusqu'ici, les subventions
étaient de l’ordre d’environ 750 millions de dollars (613 millions d'euros) par
mois, la réduction des coûts voit ce montant diminuer à environ 450 millions.
Cette hémorragie financière ne pourra pas durer et enfonce encore plus le pays
dans l’anarchie. Ce qui sera la porte ouverte au Hezbollah pour se saisir du
pouvoir, même si pour sauvegarder les apparences, le président de la République
Michel Aoun, dont on connaît la collusion avec le groupe terroriste, a confié à
Saad Hariri la mission de former un nouveau gouvernement. On sait que les chefs
de clans libanais ne s’intéressent pas à l’intérêt supérieur du pays, mais
uniquement au leur et ne feront rien pour que ce gouvernement voit le jour. Les
grandes puissances s’avèrent également impuissantes à cet égard. La diplomatie,
qu’elle soit française ou européenne est totalement impuissante à régler quoi
que ce soit, malgré de vivifiantes déclarations et sa commisération renouvelée.
Manifestation dans le port de Tripoli |
Le pays est confiné pour 30 jours dans une situation
sanitaire, sécuritaire et économique au bord de l’effondrement total. Plus de
200 manifestants et soldats ont été blessés dans des émeutes de la faim à
Tripoli. Les forces de sécurité ont tenté de mettre tous les moyens habituels
en œuvre sans grand succès et ce malgré des mises en garde et des tirs de
mitrailleuse. La croix rouge a traité plusieurs dizaines de blessés par balles
de caoutchouc. À noter que devant la relative passivité des soldats, ce sont
les forces de sécurité intérieure qui sont intervenues plus violement,
provoquant de nombreux blessés.
Parallèlement, Tsahal semble s’attendre à la reprise d’un
conflit limité dans son ampleur avec le Hezbollah qui doit absolument démontrer
sa force et sa capacité à «être le
dernier rempart contre l’ennemi sioniste» slogan bien connu. Dans le passé,
les terroristes s’étaient servis de boucliers humains en défense, pour éviter
les bombardements. Il faut imaginer ce qui se passerait si demain, face au
désespoir de tout cette population et en particulier une partie des réfugiés,
le Hezbollah poussait devant lui une marée humaine qui franchirait les grilles
de la frontière pour y trouver à manger, y être soignés et traités en êtres
humains. Tsahal ne pourrait sans doute pas tirer sur ces manifestants comme le
font ses voisins sans hésitation.
Manifestants face aux forces de sécurité intérieure |
C’est un nouveau défi auquel Israël doit se préparer, même
si sur le papier cette éventualité paraît inimaginable. Avant que des
terroristes ne creusent des tunnels et ne surgissent en Israël, personne
n’avait imaginé que ça se produirait, et pourtant ! L’imagination de
l’organisation terroriste est sans limite, on ne saurait la sous-estimer. La
misère de ces populations est telle qu’Israël représente un havre de salut
sinon de paix. Peut-être est-ce aussi une opportunité pour Israël de trouver le
moyen d’avoir une action envers les Libanais et les réfugiés, pour démontrer sa
bonne volonté et son humanisme. C’est à la fois un défi mais aussi une
opportunité d’innover politiquement et humainement. Après tout, peut être que
tout cela n’est sorti que de ma seule imagination ?
3 commentaires:
Cela fait déjà un certain temps que plus aucun lecteur de l'Orient le jour ne traite le Hezbollah de "la Résistance".
Chaque fois qu'un des leur parle de l'ennemi sioniste il se fait rabrouer.
Qui se souvient de cette bonne barrière - Hagader hatova - initiative de Shimon Peres en 1976 - et de l'aide offerte par Israël à son voisin libanais dans le domaine de la santé et de l'économie? On disait alors que le Liban serait le premier pays à faire la paix avec Israël. Hélas, on connait la suite.
http://rachelarnaud.unblog.fr/2008/10/15/libanon-love/
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