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mercredi 3 février 2021

Charte de l'islam en France, leurre ou réalité par Francis MORITZ

 

CHARTE DE L’ISLAM EN FRANCE, LEURRE OU RÉALITÉ


Par Francis MORITZ

          

Les représentants de 5 des 9 fédérations qui approuvent la charte
          
      Depuis des mois, sinon depuis des années, les autorités cherchent à organiser l’islam à l’image du Consistoire israélite. La tâche est rude ; le président Sarkozy avait ouvert la voie en 2012 avec le résultat que l’on sait. Le troisième ministre de l’intérieur et des cultes de ce gouvernement s’y essaye à son tour. Tout semblait avoir réussit, lorsque le président de la république déclarait urbi et orbi à propos de la signature de cette charte par cinq des fédérations sur les neuf constituant le CFCM : «un engagement net et précis en faveur de la République».



L’imam, Cheikh Djelloul Bouzidi (à gauche) et le recteur de la Mosquée de Paris,

Le CFCM est constitué d’un grand nombre de fédérations sinon même de sous fédérations, d’associations cultuelles. Chacune d’elles avait remis au président du CFCM sa contribution, chargé d’en réaliser la synthèse, de la faire accepter par ses confédérés et ensuite de la présenter au ministre de l’intérieur et des cultes, avec l’assentiment du président. Le résultat final est à l’image du paradoxe bien connu du verre à moitié vide ou du verre à moitié plein. Pour certains, qui s’en félicitent, c’est mission accomplie, car les autorités se refusent à afficher ni échec ni semi-réussite. Pour d’autres qui ne les félicitent pas, c’est condition nécessaire mais pas suffisante pour être véritablement l’outil qui permettra d’établir sereinement la coexistence et l’intégration pleine et entière de la communauté musulmane au sein de la République dans le total respect de ses lois et institutions.

Cette séquence et les conditions qui ont prévalu à l’accouchement douloureux de cette charte que toutes les fédérations n’acceptent pas, révèlent une fracture majeure entre les groupes au sein de cette communauté qui représente de l’ordre de 15% de la population d’une part, de l’autre l’impuissance du CFCM de légitimer son rôle. Enfin, cela ne lui permet pas d’imposer l’adoption pleine et entière d’un texte qui constitue, certes une avancée, entre rien avant et un peu plus après, au point de vue des principes, mais qui finalement est au rabais quoi qu’on en dise. C’est un gros caillou dans la chaussure. Il souligne enfin l’incapacité des autorités d’imposer ce que tous les citoyens respectent déjà en France, la loi et les institutions.

Il est inquiétant que le troisième ministre des cultes du quinquennat, doive se plier à une négociation avec les représentants d’une partie de la population pour qu’elle accepte de respecter le cadre républicain. Ce qui révèle un mal profond au sein de l’institution qui ne peut pas exercer son autorité à l’heure où on s’apprête à voter une loi sur le «séparatisme». Le sixième article de la charte pose problème à certaines fédérations : il demande aux signataires de ne pas faire la promotion de l’islam politique, de ne pas diffuser de discours nationalistes en défense des régimes étrangers, et de financer de plus en plus les lieux de culte sans recours aux fonds étrangers.

Université d’Osnabrück, formation des iman en langue allemande

Le CCMTF est une association musulmane française, mais elle dépend du ministère turc des affaires religieuses (ou Diyanet). Elle soutient la politique nationaliste et musulmane conservatrice du président Erdogan dont on connaît les appréciations sur le président de la République et consacre une très grande partie de ses activités à l’éducation et à la politique. Une partie de ses membres sont des citoyens français, alors que le gouvernement turc emploie et paie les salaires de ses imams et finance les locaux. Si ce n’est pas une ingérence étrangère, quel nom lui donner ?

Foi et pratique, l’une des trois qui refuse la charte, est issue du mouvement islamique du Tabligh. La charte la désigne explicitement comme un courant de l’islam politique. Les deux autres fédérations, turques, revendiquent aussi un islam politique, qu’elles assument. Elles veulent faire de la politique et rejette le principe de ne pas pouvoir recevoir des financements étrangers, partie intégrante de leur identité. Assani Fassassi, le secrétaire général de la Fédération française des associations islamiques d'Afrique, des Comores et des Antilles (FAIACCA), tweetait «le Coran est limpide, il y est écrit : nulle contrainte en religion».  C’est une réponse de rejet qui dit le fond, en peu de mots.

Formation des Imams en Allemagne

On refuse également le passage à la loi de 1905 qui obligerait à présenter des comptes, donc les sources de financement. L’exécutif veut surtout en savoir plus sur le financement des mosquées. «On a besoin de savoir d'où vient l'argent, qui le touche, pour quoi faire. Ça, il faut s'en assurer», martelait déjà Emmanuel Macron en février 2020, lors d'un déplacement à Mulhouse consacré au «séparatisme islamiste»,  le second mot a disparu du projet de loi.

La France répugne à regarder ce qui marche ailleurs, au nom de la notion bien enracinée de «l’exception française». L’Allemagne s’est emparé du sujet depuis 2010 avec une population musulmane de l’ordre de 6% sur 83 millions. Dix ans plus tard, en 2020 elle dispose de facultés qui forment des imans de langue allemande, ce qui s’appelle «l’exception allemande». En France on veut estampiller des imans «à la française». Vaste programme ! La charte parle des principes, mais on a oublié de préciser quand, comment, sérieusement ? Par principe l’intendance suivra !

L’État-régalien s’est affaibli au fil des années et des choix de nos élites dirigeantes. Il est aujourd’hui privé des moyens suffisants pour exercer son autorité. C’est désormais devenu un débat sinon un combat entre partisans et adversaires de l’intégration et ceux de l’assimilation. En conclusion, la véritable question posée, mais pas tranchée par cette charte, disposerons-nous d’un islam de France, quand et comment ou continuerons-nous à parler de l’islam en France.

 

 Lien  La pédagogie religieuse islamique est une invention allemande

https://www.hu-berlin.de/de/pr/nachrichten/november-2020/nr-20115-2

 

3 commentaires:

Marianne ARNAUD a dit…

Tout le monde l'aura compris, nous ne sommes plus au temps où Napoléon, quelle que soit son opinion personnelle sur les Juifs, avait pu réunir une assemblée de 95 notables juifs nommés par les préfets des départements qui, après un an de délibérations, avaient signé à l'unanimité, un accord de soumission au Code civil français.
Or depuis les années 1970, sous l'influence de certains intellectuels, tels Deleuze, Derrida et autres Foucault, "l'assimilation" - qui est toujours inscrite dans la loi française - a été abandonnée au profit de la notion "d'intégration" qui peut se résumer en une phrase répétée à satiété : "la diversité est une chance" !
Le président Macron, lui-même, après Chirac, Sarkozy..., n'a-t-il pas déclaré récemment : "Dans notre code civil figure encore cette notion problématique d'assimilation. Elle ne correspond pas à ce que nous voulons faire. Nous devons miser sur l'intégration..."
Mais le philosophe Vincent Coussedière, qui vient de publier aux éditions du Seuil un "Éloge de l'assimilation", rappelle cette phrase de Fernand Braudel : "Assimilation possible, acceptée, c'est bien je crois le critère des critères pour une immigration sans douleur."
Mais pour que cela fonctionne, il faut que le groupe à assimiler soit minoritaire, ne soit pas soumis à des influences contraires, ni à des injonctions contradictoires.
L'avenir est donc très sombre : au mieux, nous allons assister ce qui se met déjà en place, à savoir : la libanisation de la France. Au pire, nous allons connaître à plus ou moins brève échéance, ce que nous avons déjà vécu cent fois dans notre histoire, une guerre civile.

Yaakov NEEMAN a dit…

@Marianne ARNAUD Lors des guerres de religion qui ont opposé catholiques et protestants au XVIè siècle, les deux camps avaient chacun une réelle et intense pratique religieuse. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui : la France est profondément déchristianisée, comme en témoigne le faible taux de remplissage des églises. L'incendie qui a ravagé la cathédrale de l'île de la Cité, à Paris, est emblématique de cette déchristianisation. Certes, en face, il y a une minorité musulmane qui est assez active. Mais à mon sens, à court terme il n'y aura ni guerre civile ni libanisation : les Français vont tout doucement accepter les dogmes de l'Islam, qui professe comme le christianisme l'existence d'un D.ieu unique, et qui fait aussi (tout au moins en théorie) une place importante à la charité. Les banques françaises ont d'ailleurs préparé le terrain dans ce domaine, puisqu'il semble que le droit musulman (qui interdit l'intérêt) soit déjà accepté dans les transactions immobilières dans l'Hexagone. C'est quand la démographie ne sera plus favorable aux Français de souche que les choses risquent d'exploser. Mais nous ne serons plus là pour voir ça. On suivra l'actualité depuis l'autre monde. Il paraît que de là-haut, on voit tout...

Francis MORITZ a dit…

Merci d'avoir pris le temps de lire l'article. On peut le completer :

En 1807, Napoléon convia une assemblée de 111 notables juifs nommés par les préfets, puis réunira durant un mois un grand Sanhédrin (réunion des grands rabbins) de manière à recevoir des réponses claires et sans ambiguïté à une série de questions :

-«Est-il licite aux juifs d’épouser plusieurs femmes?»
-«Le divorce est-il permis par la religion juive?»
-«Une juive peut-elle se marier avec un chrétien et une chrétienne avec un juif?»
-«Les juifs nés en France et traités par la loi comme citoyens français regardent-ils la France comme leur patrie? Ont-ils l’obligation de la défendre ? Sont-ils obligés d’obéir aux lois et de suivre les dispositions du Code Civil?»
-«Qui nomme les rabbins?» etc

Respecter les règles du Code civil
La réponse des représentants laïcs et religieux du judaïsme sera unanime.
Aux deux premières questions, la réponse donnée sera la suivante : «Il est défendu aux Israélites de tous les Etats où la polygamie est prohibée par les lois civiles, d’épouser une seconde femme du vivant de la première, à moins qu’un divorce avec celle-ci, prononcé conformément, aux dispositions du Code Civil et suivi du divorce religieux, ne les ait affranchis des liens du mariage.»

La question la plus épineuse avait trait aux mariages mixtes. Elle donna lieu à de vives discussions entre les rabbins et laïcs.
Le grand Sanhédrin déclare finalement que «les mariages entre israélites et chrétiens, contractés conformément aux lois du Code civil, sont valables ; bien qu’ils ne soient pas susceptibles d’être revêtus de formes religieuses, ils n’entraîneront aucun anathème».

A la question de l’attachement des juifs à la France, la réponse sera également unanime : «La France est notre patrie, les Français sont nos frères». «Les juifs sont prêts à défendre la France jusqu’à la mort». Ce qu’ils feront lors des deux grands conflits mondiaux au XXe siècle.
Dans ce dernier paragraphe tout est dit.