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samedi 9 janvier 2021

Les Arabes sont très courtisés en Israël

 

LES ARABES SONT TRÈS COURTISÉS EN ISRAËL

Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps

    

Candidats arabes

        L'élection législative prévue pour le 23 mars 2021 qualifie les Arabes israéliens de persona grata après avoir été voués aux gémonies. Ils sont courtisés même et surtout par les partis de droite. À l’exception de Meretz qui a toujours réservé des places à la population arabe, en particulier deux dans le top-5 de sa liste, d’autres partis s’intéressent à les inclure comme candidats. Le président du parti Meretz, le député Nitzan Horowitz, a proposé le placement en place éligible de Mme Jida Rinawi-Zuabi, candidate arabe née à Nazareth, en quatrième position sur sa liste, aux côtés d'un autre député arabe, Issawi Freij. Elle remplacera l'ancien député juif Ilan Gal-On, qui a décidé de ne pas se présenter à cette campagne électorale.



Nail Zoabi

          Le plus révélateur est aussi l’attitude du Likoud qui veut intégrer un arabe, Nail Zoabi, ancien directeur d’école du village de Nein, près de Nazareth dans le nord d'Israël, dans le cadre d’une campagne visant à attirer les électeurs arabes. Netanyahou, qui est à la recherche de voix pour se maintenir au sommet n’a pas caché qu’il espère recueillir les votes de la communauté arabe lors des prochaines élections de mars. Il a d’ailleurs ostensiblement effectué plusieurs visites très remarquées dans des villes arabes israéliennes et il s'est montré aux côtés du millionième vacciné, habitant comme par hasard Oum el Fahm, siège des nationalistes islamistes. Zoabi, qui a démissionné il y a plusieurs semaines de son poste d’enseignant, est un partisan de Netanyahou et un activiste de longue date du Likoud. Militant social, il prône, contrairement à beaucoup de ses collègues de sa communauté, le service national pour les Arabes israéliens.

Bibi ou Tibi

Le temps est loin où le Likoud criait le slogan «Bibi ou Tibi» du nom d’un leader arabe. L’heure est dépassée où Netanyahou mettait en garde les Israéliens : «Le gouvernement de droite est en danger. Les électeurs arabes se rendent en masse aux urnes. Les organisations de gauche les transportent en autobus». Caduque est la proposition d’installer des caméras dans les bureaux de vote des régions à prédominance arabe. Portée alors par les membres du Likoud, cette proposition accusait sans fondement les partis arabes de truquer le vote en leur faveur. Mais aujourd'hui, les Arabes sont devenus en urgence des personnes fréquentables.

Les choses ont beaucoup changé depuis le mois de mai 2020 lorsque Benny Gantz avait envisagé de créer un gouvernement minoritaire avec la seule neutralité des partis arabes et sans leur participation. Tous les partis s’étaient alors élevés contre l’inconscience d’un général qui se permettait de mettre en danger le pays en laissant entrer dans la bergerie le loup arabe. Aujourd’hui les Arabes sont accueillis à bras ouverts par le Likoud qui a besoin de leurs voix pour se hisser à la première place. Les trois précédentes campagnes électorales ont connu une constante, celle de vouer aux gémonies les populations arabes israéliennes devenues des repoussoirs, par la force des discours et des exclusives. Les attaques systématiques menées par la droite contre une communauté faisant pourtant partie intégrante de l’État d’Israël est un paradoxe qui ne s’explique que par la haine véhiculée jusqu’au paroxysme. Ils confondent les Arabes israéliens avec ceux de Gaza et de la Cisjordanie.  

Diplômés arabes

Le paradoxe est que certains dirigeants politiques exècrent la présence arabe à leurs côtés mais refusent la création d’une entité palestinienne qui pourrait s’avérer une solution salutaire pour les éloigner. Eux chez eux, et nous chez nous. Mais ils savent que ce n'est pas aussi facile de se séparer totalement car on a besoin d’eux à condition de les tolérer avec un statut de citoyens de deuxième zone : exister et vivre sans droits. Pourtant les Arabes israéliens sont loin d’être des terroristes. Nationalistes certes mais à de rares exceptions, ils ne sont pas prêts à tuer. 

La majorité des citoyens juifs n’a pas peur des Arabes car ils les côtoient tous les jours, aux urgences dans les hôpitaux ou dans les pharmacies parce qu’ils sont médecins sortis des mêmes universités. Ils les rencontrent dans les supermarchés alors qu’ils préparent les étals où dans les innombrables chantiers où ils construisent des logements certes, mais des écoles et des maternelles. Même si certaines caissières portent le voile, elles estiment faire partie de la communauté israélienne malgré leur spécificité religieuse. Depuis longtemps le voile est un non-événement en Israël.

Caissières de supermarché

            Parce que les Arabes s’estiment volontairement brimés matériellement, alors certaines manifestations ont lieu dans des villages presque abandonnés, pour réclamer leurs droits naturels d’avoir de l’eau, de l’électricité et des écoles. Alors, ils sont accusés de double appartenance. 

La population arabe n’est pas celle Cisjordanie ou de Gaza : «Nous sommes des Israéliens, nous nous sentons israéliens, nous parlons souvent un excellent hébreu, nous sommes diplômés de l'université, mais nous sommes toujours considérés comme des citoyens de seconde zone». Le leader de la liste arabe, Ayman Odeh, avait tiré ses conclusions : «Nous sommes considérés comme des citoyens de seconde zone, mais nous ne les laisserons pas faire. La communauté arabe n’intéresse pas le Premier ministre Benjamin Netanyahou». Mais aujourd’hui la droite les voit autrement tandis que Ben Gourion, bien avant elle, en avait fait ses ministres.

    Bien sûr on ne peut pas, en un pas de géant, modifier les consciences mais l’intégration pourrait se faire par étapes, au fur et à mesure que les réalités prennent le pas sur les blocages politiques. Des Arabes doivent être progressivement intégrés au gouvernement pour qu’ils reprennent confiance dans l’État au sein duquel ils veulent vivre parce que c'est aussi le leur. Ils voudraient que la haine disparaisse des relations. Si le docteur Samer Haj Yehia a été nommé «chairman of the board of directors» de la plus grande banque israélienne, Bank Leumi, alors tout autre Arabe peut trouver un poste similaire où il prouvera sa loyauté.

Jusqu’ici, la minorité arabe qui représente pourtant 16 % du corps électoral israélien n’avait que peu de poids politique en raison d’un taux d’abstention parce qu’ils n’étaient pas admis dans les partis «sionistes» et que les partis arabes ne répondaient pas à leur préoccupation. C’est dans cet esprit que Ayman Odeh, le charismatique leader de la liste arabe unie, avait déclaré avec fracas l’année dernière qu’il accepterait de siéger dans une coalition avec des partis sionistes. Benny Gantz n’avait pas pris la balle au bond comme le fait aujourd’hui Netanyahou. Il a refusé catégoriquement de siéger avec eux malgré leurs appels du pied. C'est à cela qu'on juge un dirigeant expérimenté d'un dirigeant pur.

Et pourtant, à la surprise générale, les électeurs arabes sont allés voter en masse sans que Benny Gantz n’en ait profité.  Les Arabes ont évolué. Ils ont refusé les appels à la pitié mettant l’accent sur la souffrance des Palestiniens. Le véritable enjeu de ce scrutin pour la communauté arabe est sa place dans la société israélienne alors que le «deal du siècle», qui ne concerne pas les Arabes israéliens enterre un peu plus la solution moribonde à deux États. L’annexion de tout ou partie de la Cisjordanie par Israël pose le problème in fine de l’intégration d’une nouvelle population arabe au sein d’Israël. S'ils sont solidaires, les Arabes israéliens se sentent peu d'affinité avec ceux de Cisjordanie et de Gaza. 

La situation a beaucoup évolué depuis. Les normalisations des relations diplomatiques des États arabes avec Israël peuvent justifier aujourd’hui l’entrée de ministres arabes au sein du gouvernement d’Israël comme un signal que l'époque de la guerre est révolue. Si Israël n’a plus peur de certains pays arabes au point de dialoguer avec eux, il n’y a aucune raison pour qu’il soit frileux avec ses propres citoyens, même arabes. Le contraire serait une contradiction véritable.

2 commentaires:

Jean CORCOS a dit…

Bravo, Jacques, mille fois bravo pour ce que tu as écrit ! Au risque de prendre à rebrousse poil beaucoup de lecteurs de la communauté ici, pour qui tous les problèmes - de la France comme du monde - "célézarabs". Oubliés, les maux dus par exemple à notre administration sclérosée, ou à l'innovation technologique qui s'est déportée ailleurs, ou à l'effondrement du niveau scolaire. Non, "célézarabs" ; dont beaucoup d'enfants n'ont pas contribué à relever le niveau dans certains quartiers, mais dont on ne veut pas voir non plus la proportion de plus en plus grande parmi les diplômés et les Bac+2 ou plus.

Je pense que la crise du COVID a ouvert les yeux à un grand nombre d'Israéliens qui ont réalisé leur importance parmi le personnel hospitalier,. En France, cela ne fera pas changer de ligne nombre de médias communautaires qui continuent de prioriser l'actualité sur l'islam politique - danger réel, mais qui ne doit pas faire oublier le reste ; ou des lecteurs ou auditeurs, préférant tellement ne voir que les voyous des Cités, et pas ceux qui se sont bien intégrés. "Last but not least", et clin d’œil personnel à l'attention d'anciens auditeurs énervés pour m'avoir entendu trop parler de ce monde là, on aura vu Netanyahou les courtiser, et des relations ouvertes avec quatre nouveaux pays arabes.

bliahphilippe a dit…

L'article en question péche par omission.
Il induit en erreur des lecteurs non informés parce qu'il n'avertit  pas des buts politiques antisionistes avoués des partis formant la liste arabe unie. L'article se devait de préciser que les partis en question militent objectivement -en utilisant les outils fournis par la démocratie -pour une disparition de l'Etat d'Israel qu'ils souhaitent voir dissoudre dans le cadre d'un programme politique masqué sous l'alléchant piège de "l'Etat de tous les citoyens" avec un programme propalestinien visant entre autres des retraits territoriaux qui ne laisseraient pas beaucoup de chances de survie à Israël tant il plairait au Quai d'Orsay et à l'ONU.
Or il ne s'agit pas ici de discuter droits économiques et sociaux des arabes israéliens. Aucun parti israelien fut-il de droite majoritaire ne s'y oppose, pour preuve l'immense effort de développement et d'intégration des arabes entre autres dans les universités par le biais de "discriminations positives" et ce depuis une bonne dizaine d'années!
L'obstacle non injustifiée des partis politiques de droite, du Centre droit et même du Centre gauche -on l'a vu aux dernières élections  provient de la réticence de ces partis qui composent je dirai  80% de l'électorat hostile au programme antisioniste avoué des partis arabes formant le sympathique cocktail ci dessous :
Première liste : Un parti à tendance nationaliste palestinienne et antisioniste (Ta’al),  un parti à tendance communiste qui prône la solution à l’État unique pour résoudre le conflit israélo-palestinien (Hadash). Deuxième liste, une alliance entre un parti antisioniste à tendance panarabe (Balad), et une formation politique incluant des islamistes (Ra’am)  .
Ces partis disposent comme partout ailleurs d idiots utiles qui se retrouvent principalement dans l'extreme gauche.
Ce n'est pas un hasard si Les affiches d’Ayman Odeh dans les rues de Tel-Aviv portaient l’inscription « This is real left ».
Par contre il est regrettable de n'avoir pas souligné que la droite incarnée par Natanyahou ne voit pas d'objection à inclure dans sa liste des arabes qui ne partagent pas l'opinion destructrice des leaders des partis arabes sus évoqués. 
Il eut été plus juste de placer le probléme des partis arabes et de la particularité de leurs leaders en Israel sous cet angle de fracture qui se distingue de l'intégration économique revendiqué par tous.