Visite à Berlin de Riad Al Maliki et H. Maas |
Même si on ignore encore quelle sera la future politique de l’Autorité Palestinienne, une évidence s’impose car les dernières évolutions ont bouleversé les paradigmes en place depuis des décennies. Il y a quelques jours, une visite qui aurait (presque) pu passer inaperçue a eu lieu à Berlin. Le ministre des affaires étrangères de l’Autorité, Riad Al-Maliki, a rencontré son homologue Heiko Maas. Cet homme de 65 ans en charge des Affaires étrangères de l’AP depuis 2007 est un diplomate chevronné. Il est sans doute l’un des rares, sinon le seul à avoir été éduqué dans une institution créée et affiliée encore aujourd’hui aux Jésuites, l’université Pontificale de Javeriana en Colombie. Cette visite n’est pas due au hasard. Il n’appartient à aucune faction et saura peut-être retenir des solutions réalistes pour les deux parties, l’A.P. et Israël.
Heiko Maas |
L’A.P. estime qu’elle dispose d’une fenêtre de tir favorable avec
l’arrivée du président Joe Biden. Après sa rupture des accords de mai 2020 avec
Israël, afin de manifester sa «bonne volonté», elle a repris sa
collaboration sécuritaire avec Israël. Plus sérieusement il s’agit de lutter
contre la pandémie et d’éviter un effondrement économique. Personne n’est dupe,
mais on sauvegarde les apparences. Il semble également qu’on soit revenu à une reprise
des relations avec comme référence les accords d’Oslo, sans le dire
explicitement. Ce qui n’a pas manqué de provoquer l’ire des terroristes du
Hamas et de celle du Hezbollah qualifiant cette décision de «coup de
poignard dans le dos».
On est encore loin d’une réconciliation et d’élections, annoncées
pour l’année prochaine par l’AP. Heiko
Maas a exprimé sa satisfaction de voir cette collaboration «sécuritaire»
réactivée. Le fossé n’a jamais été aussi grand entre l’AP corrompue et figée
qui ne vise que sa propre survie et les terroristes de Gaza, qui eux visent la
seule division des factions palestiniennes, outil pour la conquête du pouvoir à
leur seul profit. Cette profonde
division, pourrait aider à ramener l’A.P. à la table des négociations.
Les Palestiniens semblent avoir au moins pris conscience du
multilatéralisme des relations internationales. L’A.P, qui misait depuis des
années sur le soutien inconditionnel des pays arabes et la non-reconnaissance
d’Israël, a brutalement perdu ses marques. Après avoir rappelé avec éclat
certains de ses ambassadeurs dans le Golfe, elle les a renvoyés, prenant en
compte ces nouvelles réalités, mais le cœur n’y est plus. Les grands
protecteurs d’hier sont devenus des partenaires tout au plus.
Cela explique le choix de se tourner vers l’UE avec l’Allemagne
comme interlocuteur privilégié. Le
langage diplomatique a ses limites, mais on ne peut pas ne pas entendre la
petite musique derrière les mots. Les Palestiniens sont évidemment informés du
différend majeur existant entre l’Allemagne et la France en matière de doctrine
de défense et donc de doctrine militaire. Il semble qu’ils essayent de se
glisser dans ce trou de souris. Ils pensent que l’attachement de l’Allemagne de
la chancelière Merkel, dont la popularité est au zénith et sa volonté de
conserver un lien spécial avec les États-Unis tant au sein de l’Otan qu’en
dehors, constitue aussi une sorte de porte d’entrée privilégiée vers la Maison
Blanche.
On lui reconnaît un rôle d’intermédiaire alors que la France est laissée
de côté. Sans doute les responsables palestiniens constatent-ils que la
diplomatie française, présente dans de nombreux forums, ne parvient pas à faire
valoir ses positions. Pour mémoire, parmi d’autres, le format de Normandie pour
le dossier du Donbass, le groupe de Minsk pour la Biélorussie, les sanctions
avec la Russie, l’absence d’impact sur ce qui se passe en Syrie, autant de
dossiers qui n’avancent pas. Les Palestiniens sont déçus par la France, malgré
toutes les déclarations et votes en leur faveur dans les organisations
internationales. Ils en ont tiré les conséquences. Le pari est osé mais peut
avoir des retombées positives, dans un contexte qui ne leur est pas
particulièrement favorable.
Riad Al-Maliki a déclaré avoir délibérément choisi Berlin comme
destination pour son premier voyage à l'étranger depuis le déclenchement de la
pandémie «pour montrer à quel point nous faisons confiance à l'Allemagne».
C'était son premier contact avec son homologue allemand. Le changement de
gouvernement attendu aux États-Unis ouvre une fenêtre d'opportunités, a-t-il
déclaré : «Les Palestiniens sont prêts à ouvrir un nouveau chapitre».
Les 4 pays du format du Trèfle en réunion au Caire |
Mardi, en marge d'une réunion avec son homologue Heiko Maas,
Al-Maliki a déclaré que «l'implication directe du ministre Maas avait donné
aux Palestiniens le sentiment que l'Allemagne peut jouer un rôle important».
Il a également souligné que l'Allemagne assure actuellement la présidence du
Conseil de l'UE et est membre du Conseil de sécurité de l'ONU et participe
également au «format feuille de trèfle» avec l'Égypte, la France et la
Jordanie. Les quatre pays avaient rendu public en juillet un avertissement à
Israël relatif à de possibles sanctions face aux annexions de territoires.
Toutefois l’Allemagne avait refusé d’évoquer de telles mesures.
Alors que l’UE est frappée d’immobilisme en raison de ses conflits
internes, l’Allemagne aspire à se donner un rôle actif qui a échappé à la
France, dans la nouvelle réalité au Moyen Orient et de prendre part au
processus engagé au Moyen Orient par Donald Trump. Elle veut aussi proposer une
sorte de «new deal» transatlantique entre UE et les États-Unis de Joe
Biden, forte de sa relation privilégiée de toujours avec les États-Unis, après
le grand amour avec Barack Obama et le désamour d’avec Donald Trump.
Paradoxe des paradoxes, on voit dans cette séquence l’absurdité
d’avoir 27 ministres des affaires étrangères qui conduisent chacun une
politique à l’intérieur d’une Europe aphone, qui n’arrivent toujours pas à
s’exprimer d’une seule voix, bien que forte de ses 446 millions de citoyens.
3 commentaires:
A force de "penser" ce qu'à son avis la majorité de son électorat pense - c'est à dire voir le monde comme on le rêve, sans projection sur l'avenir - Netanyahou n'est pas capable de voir le danger. Pour le dire clairement : sa stratégie c'est conserver des millions de Palestiniens sous la coupe d'Israël sans leur accorder de citoyenneté. On peut penser pour X raisons - droits historiques, contraintes sécuritaires, etc. - qu'un Etat palestinien à côté d'Israël n'est pas acceptable. Mais alors, il faut l'assumer, et comme certaines figures du Likoud tel le président Rivlin, dire qu'ils auront aussi la nationalité israélienne.
Loin de moi l'idée de m'imiscer si peu que ce soit, dans la politique menée par Israël, mais - paradoxe du "paradoxe des paradoxes" - voilà que monsieur Moritz que j'identifie comme juif israélien, qui admet donc qu'Israël, pays de 9,2 millions d'habitants, jouisse de tous les privilèges dévolus à un État indépendant (frontières, lois propres, justice indépendante, système de défense, etc.), dénie à la France, pays de 67 millions d'habitants, qu'il en soit de même pour elle, et parle d'"absurdité" en constatant qu'elle n'a toujours pas renoncé à toutes ses prérogatives régaliennes, au profit de l'Allemagne - dont l'UE n'est que le faux nez - sur laquelle il ne tarit pas d'éloges.
Qu'il me soit donc permis de rappeler ici, à toutes fins utiles, que le peuple français avait rejeté à une large majorité, par référendum, le traité établissant une Constitution pour l'Europe :
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9f%C3%A9rendum_fran%C3%A7ais_sur_le_trait%C3%A9_%C3%A9tablissant_une_constitution_pour_l%27Europe
Chère Mme Arnaud, je remercie tous ceux qui prennent le temps de lire mes articles et d’y ajouter des commentaires, quand bien même je ne les partage pas. La référence aux 27 ministres des AE dans l’l’UE est une réalité, qui pose de très gros problèmes sur le fonctionnement de l’UE, plus spécialement en politique étrangère. C’était l’objet de mon commentaire factuel à ce sujet. Les faits sont les faits.. . Pour ce qui concerne la politique conduite par la France, je m’en tiens aux faits uniquement. Pour mémoire, vous avez raison, par référendum du 29 mai 2005 la France a rejeté le traité de Maastricht, mais il y eut une suite. Elle trouva son point d’orge par la signature du traité de Lisbonne le 13 décembre 2007 par les 27 membres de l’Union de l’époque. Il s’agit donc de 2 situations totalement opposées. Israël est seul au milieu de voisins qui n’étaient pas ses meilleurs voisins hier encore. Mais tout change. Je ne saurai prédire si Israël sera un jour membre de ce qui pourrait être une communauté d’intérêts et de défense au Moyen Orient. Les éléments sont très différents et les efforts et progrès à réalisés non moins difficiles et pour le moins complexes.
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