ISRAËL, ÉMIRATS, CONTRE-TERRORISME
ISLAMIQUE
Par Francis MORITZ
L’élection américaine a eu lieu. Le suspens est terminé.
Alors au Moyen-Orient où rien ne s’arrête jamais, back to business. Après
l’accord de normalisation avec Israël, le prince Mohamed Bin Zayed semble
devenir le plus solide allié d’Israël, parmi
les pays du Golfe. La lutte commune contre le terrorisme islamique apparaît
comme un dénominateur commun, avec des stratégies parfois divergentes. C’est
d’autant plus surprenant que les Émirats Arabes Unis n'ont subi aucune attaque
djihadiste, bien que désignés comme cible. Ils ont adopté une stratégie à deux
variantes, l’une dite forte, l’autre dite flexible, contre les
menaces potentielles dont le niveau reste élevé.
Du point de vue des cibles, on identifie deux groupes
distincts, Dubaï et Abu Dhabi où résident quelques milliers d’Occidentaux non-musulmans
d’une part, et de l’autre, les cinq émirats de Sharja, Ajman, Ras al-Khaima,
Fujehira et Umm al-Qaywayn plus pauvres et moins peuplés. Les deux groupes
pourraient constituer des cibles. Parallèlement au flux touristique, cette
population - avec les hôtels et autres attractions touristiques - représente
une cible djihadiste par excellence. Dans tous leurs médias, Dubaï et Abu Dhabi
sont emblématiques de la déviation et du péché en terre d’islam, le Dar
al-Islam.
Dans le droit musulman classique, les divisions
principales sont le Dar al-Islam (le territoire de l'Islam),
régit par la charia, le Dar al-Sulh (le territoire de
l'accord) désignant les terres non-musulmanes qui ont conclu un accord avec
un pouvoir musulman et le Dar al-Harb (le territoire de
guerre) désignant les terres non-musulmanes dont les dirigeants sont appelés à
se convertir à l’islam.
Ce qui nous désigne. Par contraste, les émirats plus pauvres et moins peuplés offrent moins de cibles de
choix et appliquent une sécurité réduite. Ce qui les rend plus vulnérables. En
décembre 2014, une enseignante américaine vivant aux Émirats, a été poignardée
à mort par une émirienne à Abu Dhabi. La meurtrière a été exécutée. L'année
suivante, les autorités ont démantelé une cellule islamiste qui planifiait
plusieurs attaques contre des centres commerciaux et des hôtels.
Avec leur stratégie, les Émirats ont neutralisé al-Islah,
la branche émiratie des Frères Musulmans. Plus largement, ces dernières années
ont vu les autorités prendre un grand nombre de mesures dont des expulsions. En
septembre 2015, deux individus originaires de l’Inde, qui avaient publié des
commentaires pro-Daesh sur Facebook, ont été expulsés. Cinq membres présumés
de Daesh d'origine indienne, âgés de 20 à 25 ans, ont été expulsés d'Abu Dhabi.
Les services de renseignement avaient intercepté des communications dans
lesquelles le groupe évoquait des plans de recrutement et de possibles
attaques. Il s’agit donc d’anticipation et de prévention. Ce que les États de
droit ont beaucoup de mal à concevoir.
Les Émirats participent activement à la coalition
internationale contre Daesh pour démanteler les réseaux terroristes. Leurs
efforts pour lutter contre le financement du terrorisme revêtent une importance
particulière, car le Golfe a toujours été une plaque tournante de la collecte
de fonds privés pour des causes islamistes. L’importante infrastructure
bancaire, constitue un risque potentiel de blanchiment d’argent par les réseaux
djihadistes. C’est désormais une priorité des États du Golfe, avec parfois des
résultats contrastés.
MbZ inspecte son armée |
Le groupe de travail contre le terrorisme financier a
renforcé le partage d'informations. Les Émirats se montrent discrets sur leur
action, leur objectif principal est l’interruption des flux financiers des
particuliers et certaines des activités
telles que les ventes de pétrole sur le marché noir, ainsi qu’interdire l'accès
au système bancaire international. Les Emirats participent à une surveillance renforcée
des fonds collectés sous l’étiquette charitable
en collaborant avec l'Unité de lutte contre le blanchiment d'argent et les cas
suspects (AMLSCU). Les groupes se réclamant de Dawa (la prédication de l'islam) représentent un
danger permanent. C’est pourquoi des publicités télévisées produites par le
gouvernement émirati sont diffusées pendant les périodes d'observance
religieuse ; elles incitent les citoyens et les résidents à s'abstenir de faire
des dons via des canaux non approuvés, y compris à des centres religieux, car
les fonds pourraient «sans le savoir soutenir les terroristes». D'un point de vue
occidental, cela peut sembler étrange et inefficace. Cependant, dans un pays de
moins de dix millions d'habitants, dont 10% seulement sont des émiratis de
naissance, cette mesure a démontré son efficacité.
Soldats émiratis au Yémen |
Les Émirats ont pris des mesures pour empêcher que leurs
nationaux rejoignent des groupes djihadistes. Depuis 2014, ils ont développé
une coopération sécuritaire régionale limitée, qui supposait la mise en commun
de moyens et last but not least, une forme d’abandon de souveraineté. Ce que le
blocus du Qatar a compromis.
En matière de stratégie
flexible, les Émirats s’appliquent à influencer les institutions et les centres
religieux ainsi qu’à contrer les réseaux sociaux, en finançant une contre
propagande en ligne. Ce qui pourrait inspirer nos pays occidentaux. Cet effort
est prolongé activement par l’action de personnalités connues qui renouvellent
en public la critique de l’idéologie radicale. L’organisme en charge des affaires
islamiques collabore avec les autorités religieuses. Les Émirats partagent un
projet avec les Etats-Unis, SAWAB, contre Daesh, également un Think Tank
HEDAYAG contre la violence terroriste, fondé en 2012 avec le soutien des
membres européens du Forum antiterroriste. Plus largement, les Émirats
considèrent que la menace la plus sérieuse vient de l’extérieur. Le fait est
que tout le pays fait l’objet d’une surveillance très active. L’expulsion
d’étrangers soupçonnés de menées terroristes vient accréditer cette thèse.
Avion ravitailleur émirati Airbus
On doit aussi tenir compte de leur position en matière de
politique étrangère, qui ne coïncidera pas toujours avec celle d’Israël. Les
Émirats seront-ils de simples partenaires avec leurs différences, ou des alliés
avec qui il faudra composer ? Permettront-ils éventuellement la reprise
d’un dialogue fertile avec les Palestiniens ? Un avenir proche nous
donnera des réponses. Peut-être que Mahmoud Abbas prendra enfin sa retraite et
que les citoyens pourront voter ? Autant de sujets que le nouveau
président Joe Biden trouvera sur sa table.
En politique, point de morale, on ne s’interdit rien. Le
dernier exemple en date s’est produit le 5 novembre à l’ONU lors du vote du
Comité de décolonisation, où les récents amis d’Israël, EAU, Bahreïn et Soudan
ont voté 8 résolutions anti-israéliennes. Désormais leurs ressortissants
pourront se rendre en Israël sans visa et visiter le «Haram al Sharif»
qui n’est autre que le Mont du Temple.
Une fois de plus on relèvera la consistance des instances onusiennes qui
s’appliquent à vouloir ignorer et effacer la réalité historique et religieuse
entre Israël et le Mont du Temple, lieu sacré s’il en est. Mais la réalpolitique
est à ce prix !
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