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lundi 30 novembre 2020

Les Israéliens jugeront Joe Biden sur l'Iran

 

LES ISRAÉLIENS JUGERONT JOE BIDEN SUR L’IRAN

Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps

Accord de Vienne 2015
   

     Il n’est un secret pour personne qu’Israël a toujours été opposé à l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, signé le 14 juillet 2015 par les pays du P5+1 (États-Unis, Russie, Chine,  France et Royaume-Uni, auxquels s'ajoute l'Allemagne), ainsi que l'Union européenne et l'Iran. Au temps de Barack Obama, l’Iran imposait ses vues au monde occidental soumis à un chantage économique d’abord puis terroriste ensuite. Lorsque Donald Trump est arrivé au pouvoir, sa première décision fut de se retirer de cet accord et de mener une politique conforme aux objectifs d’Israël. Il était alors en totale identité de vue avec Netanyahou qui estimait que les mollahs au pouvoir en Iran ne pouvaient être encouragés à poursuivre leur politique néfaste.



    Israël avait mis en garde les États-Unis que cet accord n’apportait rien au peuple iranien mais consolidait au contraire les Gardiens de la Révolution et son bras armé la force Al-Quds, le Guide suprême Khamenei et surtout toutes les milices inféodées aux Iraniens, le Hezbollah en particulier. La levée des sanctions sous l’ère Obama a donné un souffle économique aux militaires iraniens qui ont pu étendre leur influence en Syrie, en Irak, au Yémen et au Liban. Le succès iranien s’est confirmé au bout du chemin.

Parviz Fattah

      Donald Trump avait réussi à renverser l’équilibre des pouvoirs en faveur d’Israël, au moins sur le plan psychologique. Le journal officiel syrien Al-Watan avait confirmé que l’Iran avait alors suspendu l’aide financière au régime d’Assad et avait beaucoup de mal à financer ses mercenaires à l’étranger. L’iranien Parviz Fattah, à la tête de la Fondation Mostazafan, organisation caritative qui contrôle des pans entiers de l’économie du pays, avait alors révélé que le général Soleimani (éliminé depuis) l’avait informé qu’il n’avait plus de fonds pour payer les Fatemiyoun (mercenaires afghans) et qu’il devait trouver d’autres sources de financement. Trump avait donc réussi à affaiblir l’Iran sans tirer un coup de feu.

   Le Hamas et le Hezbollah ont aussi subi le contrecoup de la raréfaction des fonds iraniens. Le Hamas a été contraint de réduire ses dépenses et de s’adresser au Qatar pour son financement. Le Hezbollah a dû, de son côté, réactiver sa branche de collecte de fonds pour «fournir de l’argent au djihad et contribuer à l’aide pour que la bataille continue».

Hassan Rohani

   Donald Trump avait réussi à rendre désastreuse la situation économique de l’Iran qui a été actée par le président iranien lui-même, Hassan Rohani. Les Iraniens ont reconnu les effets désastreux des sanctions américaines qui ont brisé leur économie. Le rial iranien s’est effondré puisqu’il cotait 30.000 rials pour un dollar alors qu’il en faut aujourd’hui 43.000 rials. Durant cette année les exportations de pétrole ont chuté à un niveau record ce qui influe sur le budget de l’État.

   Israël a profité de cette crise interne pour frapper le régime iranien hors de ses frontières. L’armée israélienne a lancé de nombreuses frappes contre des installations de stockage iraniennes et contre les forces Al-Quds basées en Syrie.  Tsahal n’a jamais cessé de harceler les Iraniens pour que leur matériel ne soit pas livré au Hezbollah. Ainsi en 2019, il avait lancé des missiles de croisière contre des cibles militaires iraniennes et syriennes près de Damas. En août et en novembre 2019, Tsahal a détruit des dizaines d’infrastructure iraniennes en Syrie après avoir mené des frappes aériennes dans le nord de Bagdad. Encore aujourd'hui les frappes se poursuivent. De nombreux militaires iraniens ont été tués ou blessés. Et malgré ces déconvenues, le régime iranien n’a pas réagi car sa position était trop affaiblie. L’Iran s’est contenté de déclarations belliqueuses stériles ont été tués. Le 26 novembre 2011, 19 miliciens pro-iraniens, en majorité pakistanais, ont été tués dans une frappe en Syrie.

    Joe Biden ayant été laconique dans ses promesses de campagne, les Israéliens craignent que l’âge d’or des relations avec les États-Unis soit révolu et que l’équilibre des forces au seul profit d’Israël évoluera lorsqu’il entrera à la Maison Blanche. Actuellement aucun signe ne permet d’envisager le pire. A la rigueur, les Américains pourraient être moins inconditionnels en engageant le dialogue avec l’Iran. D’ailleurs, le président iranien vient d’appeler Biden à renouer les relations d'avant-Trump.

    Il est un fait que la victoire Biden renforcera le camp des modérés en Iran bien que, pour certains, la différence entre conservateurs et modérés ne soit que de la pure sémantique. Elle influencera cependant les prochaines élections présidentielles iraniennes du 18 juin 2021 sachant qu’Hassan Rohani laissera sa place après deux mandats. Les modérés rêvent déjà à l'allègement des sanctions, à la baisse de la pression maximale de l’administration Trump et à des relations diplomatiques apaisées. Joe Biden durant sa campagne avait fait part de son intention de s'engager sur une «voie crédible pour retourner à la diplomatie avec Téhéran». Il avait également évoqué la possibilité de revenir à l'accord conclu en 2015.

   L’Iran n’a pas d’autre choix que de faire profil bas face à une sévère crise économique, aggravée par la pandémie de Covid-19 qui a fait 37.000 morts officiellement. Hassan Rohani a salué la victoire de Biden en espérant qu’elle sera «une occasion pour le prochain gouvernement américain de réparer les erreurs du passé». Mais les Iraniens sont exigeants car ils veulent bien revenir au traité sur le nucléaire, sous réserve qu’ils perçoivent des «compensations pour les dommages causés». Il semble que le Guide suprême Ali Khamenei soit réticent à des relations apaisées mais il peut s’agit d’une simple posture politique.

Trump-Soleimani

   Les Américains auront la tâche ardue car les Gardiens de la Révolution ne pardonnent pas l’élimination de leur chef Qassem Soleimani. Alors le retour des Iraniens à la table des négociations se fera en plusieurs étapes. L’administration Biden, dont plusieurs membres ont fait partie de l’équipe Obama, autorisera l’achat de pétrole iranien et la vente des médicaments. John Kerry, qui a été le chef de la diplomatie américaine de 2013 à 2017 et qui a finalisé la signature de l’accord sur le nucléaire avec Mohammad Javad Zarif, pourrait favoriser une politique de petits pas bien qu'il soit chargé dorénavant du réchauffement climatique. Son expérience reste encore utile. 

Cependant, Joe Biden devra trouver une solution immédiate à l’augmentation du stock d’uranium enrichi, aujourd'hui presque huit fois supérieur à la limite autorisée. Par ailleurs, sur le plan balistique, l'embargo de l'ONU sur les ventes d'armes conventionnelles à l'Iran a par ailleurs expiré. L’idéal pour les Américains serait un accord plus large - nucléaire et balistique. La situation dramatique de l’économie iranienne pourrait le permettre.

   Même si le dialogue s’ouvrait avec l’Iran, les Américains ne renonceraient jamais à leur objectif de contrer l'influence iranienne au Moyen-Orient et de dénucléariser le pays. Il s’agit d’une priorité pour la nouvelle administration qui rejoint ainsi les préoccupations d’Israël.

1 commentaire:

Marianne ARNAUD a dit…

Cher monsieur Benillouche,

Pour en savoir un peu plus, sur les projets internationaux de Joe Biden, il ne serait peut-être pas inutile de prendre connaissance de cet entretien de 2019 - alors qu'elle était encore candidate à la présidence - que Kamala Harris avait accordé au Conseil pour les Relations Internationales :

https://salimsellami.wordpress.com/2020/11/26/la-politique-etrangere-de-la-nouvelle-vice-presidente-des-etats-unis/

Très cordialement.