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jeudi 16 avril 2020

La fin de la commedia dell'aerte en Israël


LA FIN DE LA COMMEDIA DELL’ARTE EN ISRAËL

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
            

         C’est ainsi qu’on peut qualifier la situation qui dure depuis le 9 avril 2019, après les élections qui se sont soldées par un fiasco général. Les scrutins des 17 septembre 2019 et 2 mars 2020, ont été à l’avenant. Aucun clan n’est arrivé à dégager une majorité de 61 sièges. Alors la population est lasse d’une coquetterie stérile qui dure et qui pénalise le pays. La crise sanitaire, doublée d’une crise économique, nécessite le regroupement des énergies et l’abandon des clivages. Netanyahou exigeait l’immunité face aux juges ; il l’aura. De toute façon, la prison pour les grands serviteurs de l’État est inutile. Le président Moshé Katsav, le premier ministre Ehud Olmert et le rav Arie Derhy ont connu les affres de l’enfermement mais l’un est entré dans l’oubli, l’autre cherche à se replacer dans le circuit politique et le dernier officie toujours dans son ministère. La prison ne les a pas changés.


Prison Abou Kabir près de Tel-Aviv

            Alors évidemment une grande déception s’est emparée de ceux qui, dans la gauche historique, prônaient la victoire du droit sur la politique. Une grande déchirure, qui se comprend, les envahit. Mais la réalité s’impose, dure, difficile, dramatique même quand on voit la disparition du parti qui a été à l’origine du pays. La faute aux Travaillistes qui n’ont pas évolué avec leur temps ; ils n’ont pas rénové leur logiciel politique pour se défaire de leurs scories qui les ont minés. Seul, isolé, réduit à sa plus simple expression, Meretz restera l’étendard de ceux qui ne veulent pas renoncer à leur idéologie désuète. Il résistera aux vagues et au tsunami politique parce que ses convictions sont profondes.
            Le pays doit aborder sa mutation. La crise a démontré qu’il dépend plus que jamais de l’étranger et que sa force et sa puissance sont relatives. Pour cela il doit réunir toutes les sensibilités pour éviter au pays une chute dramatique qui risque de l’envoyer pour quelques années en pénitence.


            Chaque jour, les nouvelles rassurantes pour certains, honteuses pour d’autres, étaient distillées à l’envie pour amener progressivement les Israéliens à accepter le dénouement : «Les tentatives des équipes de négociation pour parvenir à un gouvernement d'unité sont toujours en cours, leur objectif étant de compléter le libellé des annexes législatives nécessaires à la finalisation de l'accord. Nous avons déclaré clairement que nous ne permettons pas que l'État de droit, ni aucun des autres principes fondamentaux que nous avons exposés, soit endommagé».

            En fait tout était prêt dans les cartons pour la formation du gouvernement d'urgence nationale que les Israéliens souhaitaient. Des fuites nous avaient même donné la partie Kahol-Lavan du gouvernement. Pour certains Gantz a été le traître, pour d’autres le dirigeant pétri de pragmatisme. Mais avec Gabi Ashkenazi, ils pourront insuffler une certaine modération au camp de la droite, voire une certaine politique sociale indispensable. L’avenir nous le dira.

            Le président israélien Réouven Rivlin n’est pas étranger à cette issue car il avait lancé un véritable ultimatum aux deux protagonistes dans la course à la formation d’un gouvernement. Il avait choisi l’équilibre entre le refus de renouveler le délai accordé à Benny Gantz pour mettre sur pied une coalition et celui de ne pas désigner Netanyahou pour cette tâche. Pour un ancien faucon du Likoud, il a prouvé qu’il était un vrai homme d’État impartial.

            Il est certain que Gantz et Netanyahou laisseront des cadavres sur leur chemin. On ne peut pas dire qu’il s’agisse des extrêmes mais c’est tout comme. Yamina et ses extrémistes de droite, Avigdor Lieberman pourtant le faiseur de roi, Yaïr Lapid l’intransigeant et les éternels rejetés, les Arabes israéliens.
            C'est la mort dans l'âme que nous devons accepter cette solution bâtarde qui évite le recours à de nouvelles élections, inutilement coûteuses parce que stériles. Israël ne peut pas tenir sans nouveau budget de guerre, économique et sanitaire. Mais rien n’est encore signé et il existe suffisamment d’impondérables pour être prudent sur l'issue des négociations car, selon Benny Gantz, Netanyahou remet systématiquement en cause les accords après les avoir acceptés.
          Une autre ère va commencer et les joutes oratoires serviront de trame à une nouvelle commedia dell’arte. C’est la politique qui l’impose. Le public applaudira ou non mais il attend des actes tangibles qui le sortiront de sa torpeur actuelle.  

7 commentaires:

Elizabeth GARREAULT a dit…

Tu tapes férocement sur la gauche et balaies d'un revers de plume l'immunité a' Netanyahou. Une petite phrase déplorant et s'inquiétant sur la situation dramatique de l'Etat de droit qui part en sucettes aurait été préférable a' une constatation sur le fait que la prison ne réussit pas aux hommes politiques - Au fait, t'en connais des voyous pour qui la prison est rédemptrice?

Jacques BENILLOUCHE a dit…

@Elizabeth
Ce n'est pas moi qui ait réduit le parti travailliste à 2 députés, ce n'est pas moi qui ait poussé Peretz à rejoindre Gantz. Il faut constater que la gauche a failli. Mon propos est l'urgence à résoudre la crise économique qui nous guette. S'il faut passer par l'immunité de Bibi, j'achète. Ce n'est pas de bon cœur que j'ai écrit cet article mais par lassitude. J'avais le choix entre me plier à la réalité ou retourner en France car plus rien ne distingue l'Etat juif d'un Etat comme les autres. Je ne reconnais plus le pays où j'ai vécu en 1970/72 qui est devenu égoïste au plus mauvais sens du terme. Alors entre un homme en prison et la sauvegarde de ce qui reste d'un Etat juif, j'ai choisi le moins pire.

Nicolas Merlet a dit…

Cher Jacques,
Vous qualifiez l ideologie de Meretz de "desuete". J ai cherche dans le programme de Meretz
https://elections.meretz.org.il/wp-content/uploads/2019/04/platform-french.pdf
mais je n ai rien trouve de desuet. La lutte pour l Etat de droit, pour l independance du systeme judiciaire, pour les droits de l homme, pour une plus grande protection sociale et contre les inegalites, c est desuet pour vous? Avec 25% de chomeurs?

Jacques BENILLOUCHE a dit…

@Nicolas
Désuet qualifie quelque chose qui est dépassé, suranné, qui n'est plus à la mode.

Sinon comment expliquer que 150.000 à 200.000 Israéliens seulement sur 6 millions d’inscrits votent pour Meretz même si le programme est attrayant.
Je me base sur les faits en dehors de toute conviction.

邓大平 עמנואל דובשק Emmanuel Doubchak a dit…

Ce qui ressort surtout de cette crise, c'est la tristesse de voir un système politique mis en place pour ronger l'Etat et privatiser tout ce qui bouge au profit de minorités, démontrer à quel point le foutage de gueule et le chaos sont généraux. Tous les domaines prouvent non seulement l'incompétence, mais le mépris de la parole donnée: les mesures annoncées à grand renfort de conférences de presse non seulement trainent, mais dans de nombreux cas n'ont jamais été et ne peuvent pas être appliquées. La colère, voire la fureur, gronde et promet des lendemains très difficiles, sur tous les plans, la désillusion est terrible. Ceux qui constituent la colonne vertebrale d'une économie d'assistance à des minorités non productives ne reçoivent pratiquement aucune aide et les banques ne jouent pas le jeu, bien au contraire, elles insultent, avec une partie du service public, les gens qui les engraissent.

Quel que soit le scénario de sortie de crise, il sera accompagné d'une série de crises très profondes et dangereuses...

Avraham NATAF a dit…

Combien de temps un équilibre aussi fragile tiendra? Le pays a beaucoup changé. Dans le confinement, j'avais vu, les 4 soeurs, la fin de l'interview 'Eliza,e racontait comment elle avait perdu son garçon, sur la liste de cobayes de Mengele, de son arrivée en Israël, comment elle avait eut 2 enfants, combien elle était attachée à 'Israël cette terre qui donnait le droit d’être Juifs, pour chanter, accompagnée de son accordéon En nema tamur Mannheim.
Sur TV5, dans le programme "Skate le monde" un israélien de la nouvelle génération, affirmait; "Israël n'est pas un pays de Juifs mais un pays cosmopolite". Illusion ou réalité?

Unknown a dit…

Il ne faut voir que l'intérêt d'Israël et non les intérêts partisans,le Président a très bien saisi la situation,le budget sera établi,la situation l'exige ,un état ne peut pas vivre sans budget et priorités .la lutte contre le coronavirus qui touche Israel et encore plus la Diaspora,doit être la priorité ...