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dimanche 22 décembre 2019

La course vers l'extrême-droite israélienne



LA COURSE VERS L’EXTRÊME-DROITE ISRAÉLIENNE

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
          

          On s’est toujours posé la question pour comprendre pourquoi il existait plusieurs groupuscules d’extrême-droite alors que rien ne les différencie dans leur idéologie. Ils se retrouvent dans leur opposition à toute avancée palestinienne. Ils sont favorables à une intégration des implantations au sein de l’Etat d’Israël. Enfin ils veulent développer le judaïsme religieux et imposer la Torah comme fondement du droit. 




Smotrich, Gvir, Peretz

          La seule explication peut se trouver dans l’atavisme juif fondé sur la multiplication des chefs, à fortiori des chefs religieux puisqu’il existe de multiples interprétations de la Torah, chacune donnant naissance à une secte disposant de ses propres certitudes. Ajoutée à cela, la guerre des égos génère des querelles de sémantique que les Talmudistes adorent. Il est donc difficile à l’israélien moyen de se retrouver dans ce dédale politique.
            Mettant de côté leurs querelles de personnes, Habayit Hayehudi de Rafi Peretz et les Kahanistes de Otzma Yehudit dirigés par Itamar Ben-Gvir ont fini par accepter de faire une liste commune aux élections du 2 mars 2020. Il s’agit surtout d’assurer la survie de leurs groupuscules depuis que de Naftali Bennett a quitté le navire. Malgré cette alliance de circonstance, il n’est pas certain que ces deux partis parviennent ensemble à dépasser le seuil électoral de 3,25%. Pour s’assurer une existence à la Knesset, il faudrait qu’en plus, Bezalel Smotrich accepte de les rejoindre avec son parti Union nationale.

            Selon les termes de l'accord conclu entre les deux factions, Habayit Hayehudi prendra la première place sur la liste tandis qu'Otzma obtiendra les troisième, sixième et neuvième place sur la liste conjointe. Cela a aussitôt entraîné la réaction du député Yaïr Lapid : «La décision de Jewish Home de courir avec le raciste et anti-juif Otzma Yehudit est une honte pour le sionisme religieux. La Maison juive a perdu le droit de parler des valeurs juives».
            Gideon Saar de son côté, qui lorgne la première place au Likoud, tente lui-aussi d’attirer à lui l’électorat extrémiste du parti. Son positionnement n’est pas nouveau car, contrairement aux apparences, il n’a jamais fait partie de cette droite dite modérée. Il a toujours affiché sa sensibilité d’extrême-droite puisqu’en tant qu’étudiant il avait pris la tête du mouvement des jeunes de Tehiya (renaissance), dirigé par la passionaria Géoula Cohen qui vient de décéder. Il a toujours montré clairement ses opinions puisqu’il s’est opposé au désengagement de Gaza et vient à nouveau d’affirmer son opposition au discours de 2009 de Netanyahou au centre Begin-Sadate : «A travers le monde, on ne cesse de dire qu’une solution à deux États reste le parcours à suivre pour un accord. Il faut que je vous le dise : Ce positionnement n’aide personne. Deux États, c’est une illusion». 

             Cela explique que les sondages donnent moins de députés au Likoud dirigé par lui plutôt que par Netanyahou. Benny Gantz et ses amis préfèrent se trouver en face de lui plutôt qu’en face de Netanyahou qui arrive toujours à canaliser vers lui la majorité des militants de son parti. Le côté ultranationaliste de Saar effraie certains militants historiques du parti.
            On semble tout d’un coup découvrir le vrai Saar, l’adversaire résolu de la solution à deux États et surtout le tenant de la ligne dure au Likoud. On le découvre car sa stratégie actuelle est de contrer Netanyahou sur sa droite, là où il peut draguer le maximum de voix. D’ailleurs tous les jours, il enfonce son clou méthodiquement. Profitant de sa visite du quartier de Givat Hamatos à Jérusalem, il s’est prononcé contre le gel de la construction dans la région : «cet emplacement a une importance stratégique. La construction ici nuira à la continuité territoriale recherchée par les Palestiniens et servira de barrière à la création d'un État palestinien. Par conséquent, il y a également des pressions politiques, principalement européennes, pour empêcher la construction de Juifs ici. Givat Hamatos fait partie du plus grand gel des bâtiments à Jérusalem et ses environs, avec E1 et Atarot. Au total, plus de 17.000 logements sont gelés. L'avenir de Jérusalem sera déterminé par des actes, pas par des mots. Le gel de la construction dans la ville doit être arrêté. Si nous ne construisons pas, nous ne pouvons garantir l'avenir de la ville et de la majorité juive pour les générations à venir».
            On ne comprend donc plus ce qui distingue la droite du Likoud de la Nouvelle droite de Naftali Bennett, ni des groupuscules précités. Seul d'ailleurs se distingue Avigdor Lieberman par son côté nationaliste certes, mais anti religieux à outrance. Depuis longtemps l’opinion israélienne a basculé vers la droite extrême mais cette droite n’arrive pas à émerger et à montrer sa véritable puissance parce qu’elle reste divisée. L’ancien ambassadeur Arie Avidor pense d'ailleurs que «cet accord avait reçu l’encouragement de Netanyahou, soucieux que des voix d’extrême-droite ne se perdent à nouveau».



            Dans cet état d’esprit, Naftali Bennett craint lui-aussi pour son mini-parti, la Nouvelle Droite, qui voit la concurrence devenir plus agressive. Il a mis dans sa poche ses récriminations à l’égard de celle qui l’avait poussé dans l’ombre aux précédentes élections et il vient de lui offrir à nouveau la seconde place sur sa liste. Il n’est pas certain qu’Ayelet Shaked soit dans sa phase montante ; elle a fait illusion aux deux précédents scrutins et son positionnement de laïque parmi des sionistes religieux lui vaut une sérieuse opposition. Elle est qualifiée d'opportuniste qui avait cherché un accord d’abord avec Avigdor Lieberman qui lui a offert la deuxième place sur sa liste puis avait testé les intentions de Benny Gantz à son égard. Le Likoud ne lui avait pas pardonné son départ vers d'autres cieux. Elle est fragile mais surtout instable dans ses démarches. Ses dents longues la poussent à s'agiter plutôt qu'à se démener efficacement.  
            En fait il manque à tous ces micro-partis un fédérateur charismatique pour les conduire à la victoire puisque le pays est en majorité à droite. C’est à présent l’objectif que s’est fixé Gidéon Saar, ce qui explique qu'il veuille montrer son appartenance à la droite extrême, le seul moyen d’arriver au pouvoir par la grande porte. Mais il faudra d'abord qu'il tue le père pour prendre sa place.    

3 commentaires:

Unknown a dit…

Franchement , cela devient fatigant ces qualificatifs récurrents de " extrême droite israélienne" ou " droite extrême " parce qu'un profond débat de sémantique géopolitique en ferait fi ...en 2 coups de cuillère à pot !

Samy Bochner ( Paris )

Jacques BENILLOUCHE a dit…

@ Samy Bochner (Paris)

Nous ne pouvons que vous conseiller de changer de site car nous continuerons à utiliser les expressions "extrême-droite" et "extrême-gauche". Nous n’en connaissons pas d’autres pour cibler certains partis politiques.

Si vous prenez l’une de ces expressions comme une injure, alors vous faites erreur ou alors vous vous sentez visé, voire complexé.

Cordialement

Marianne ARNAUD a dit…

Cher monsieur Benillouche,

Plutôt que d'accepter de se laisser embourber dans les arcanes de cette politique politicienne qui n'est rien d'autre qu'une course pour le pouvoir par des moyens indignes d'un grand peuple, peut-être serait-ce le moment de faire une pause et de suivre - ne serait-ce que le temps d'un film - "les voies de la musique" que propose Daniel Barenboïm ?

https://www.youtube.com/watch?v=-8Ovg1v7F98

Très cordialement vôtre.