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dimanche 8 décembre 2019

Le nouvel antisémitisme se pare d'antisionisme



LE NOUVEL ANTISÉMITISME SE PARE D’ANTISIONISME

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
            
Rassemblement contre l'antisémitisme à Paris le 19 février 2019

            L’Assemblée nationale a adopté le 3 décembre 2019, par 154 voix pour et 72 contre à gauche sur 577 députés, un texte sans valeur contraignante. La résolution reprend la définition de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), déjà validée par le Parlement européen et 20 pays dont 16 de l’UE. Le texte assimile l’antisionisme à l’antisémitisme. Si plusieurs députés ont déploré une «résurgence» de l’antisémitisme, on ne peut pas dire qu’ils ont été nombreux à se rassembler autour de ce texte, après une réunion houleuse à l’Assemblée nationale. Les opposants à ce texte craignent qu’il ne soit instrumentalisé pour délégitimer la critique du gouvernement israélien et de l’occupation en Cisjordanie. Encore faut-il savoir à quel antisémitisme on fait allusion.



            L’ancien antisémitisme se rattache à celui d’Europe de l’Est, du début du XXème siècle, qui s’est répandu dans le continent. Il était inscrit depuis longtemps de manière intrinsèque dans les gènes européens et a trouvé son apogée après une mutation qui a conduit à l’avènement d’Hitler, avec pour conséquence les six millions de morts de la Shoah. Cet antisémitisme classique reportait sur les Juifs, qualifiés de «parasites», tous les maux de l’humanité à travers un consensus international. Il a été momentanément rangé dans les armoires de l’Histoire lorsqu’il a été supplanté par le nouvel antisémitisme représenté par l’islam radical devenu la bannière de la lutte contre l’immigration musulmane.
            Ce nouveau concept, émanant de l'islam fondamentaliste, tend à se manifester comme une opposition au sionisme et à l'État d'Israël mais non pas aux Juifs. Les antisémites se sont alors démarqués en se cachant derrière leur combat contre l'islamisme mais ils n'ont pas fait illusion. Avec une certaine orchestration, plusieurs organisations internationales en ont fait leur cheval de bataille tout en prétendant cependant qu’elles s’adressaient uniquement à Israël.

            Pourtant cet islam radical est couplé ouvertement avec une résurgence des attaques contre les Juifs et les symboles juifs conduisant à une banalisation des croyances antisémites dans les discours publics. En fait, les partisans de ce nouvel antisémitisme prétendent qu’ils s’attaquent à l'antisionisme et à l'antiaméricanisme alors qu’il s’agit d’une forme déguisée de l'antisémitisme. Considérée comme légitime dans un débat, la critique rend triviale la diabolisation d’Israël sous forme d’exploitation de l'antisémitisme.
            Cette nouvelle vague d'antisémitisme se répand dans le monde en accroissant les préjugés contre Israël. Alors pour ne pas être en butte aux critiques, nombreux parmi les ennemis de l'Etat juif sont ceux qui tentent d’accréditer l’idée qu’il y a une distinction à faire entre antisémitisme et opinions anti-israéliennes. Ils pensent qu’en supprimant l'antisémitisme, on pourrait supprimer du même coup les arguments contre Israël. Alors ils se cachent derrière ce nouvel antisémitisme pour faire croire qu’ils n’adhèrent plus aux attaques contre les Juifs.
            Cela explique que de plus en plus d’adeptes juifs ou israéliens de Marine Le Pen, tentés moins par son idéologie que par les mesures radicales qu’elle propose, justifient leur démarche de rejoindre ses rangs dès lors que le RN fait croire qu'il rejette l’antisémitisme historique. Les partisans de l'extrême-droite utilisent l’alibi que l’antisémitisme actuel n’a rien à voir avec celui qui prévalait du temps des nazis, dans l’entre-deux guerres. C’est évidemment un leurre bien entretenu par les médias. D’ailleurs l’attentat du Musée juif de Bruxelles, qui coïncide avec une montée de l’extrême-droite en Europe, est utilisé comme moyen de détourner l'attention sur l’antisémitisme des partis nationalistes radicaux fascistes ou néo-nazis.
            Les médias se sont emparés du concept du nouvel antisémitisme pour justifier l’inquiétude des Juifs soumis aux islamistes dans les pays européens. Alors pour camoufler leur haine persistante des Juifs, les nouveaux antisémites se retranchent derrière l’argument que leurs cibles sont en réalité les vagues d’immigration musulmane coupables de préparer un changement irréversible de la démographie en Europe. La culpabilité du Juif est momentanément écartée pour ne pas choquer ceux des nouveaux adeptes encore marqués par la Shoah. Les Israéliens participent inconsciemment à l’émergence de cette théorie car ils se refusent à lier ouvertement l’antisémitisme classique contre les Juifs et la montée des partis d’extrême-droite ultranationaliste en Europe.
Viktor Orban et Netanyahou

            Benjamin Netanyahou entretient d’ailleurs d’excellentes relations avec des pays de l’Est dont l’antisémitisme est dans leur Adn. La Hongrie par exemple fait face aux vieux démons de l'antisémitisme. Cependant, Viktor Orban, premier ministre a été reçu en grandes pompes à Jérusalem dans une sorte d'alliance contre l'islam radical.
          L’existence de deux types d’antisémitisme trouve grâce auprès de certains israéliens alors que les organisations juives refusent de faire un distinguo entre ces deux antisémitismes, arguant que les conséquences restent néfastes dans tous les cas. Devant les risques croissants de la pénétration islamiste en Europe, certains Israéliens seraient tentés de faire leur choix entre une Europe gangrenée par les Musulmans radicaux et l’Europe antisémite historique qui semble avoir mis de l’eau dans son vin. Ils minimisent la menace réelle d’une montée des extrémistes de droite estimant que ces derniers sont les seuls, selon eux, à pouvoir éradiquer ou freiner l’expansion islamiste.
        Alors que le RN n'a pas changé son idéologie de base, sauf à changer quelques têtes dérangeantes, l’alliance avec certains extrêmes n’est plus taboue entraînant de nombreux israéliens à ne pas juger infréquentable le parti de Marine le Pen sous prétexte qu’ils ont en commun la haine des islamistes radicaux qui favorisent une poussée de l’immigration vers Israël. Mais cet argument est éculé car les chiffres de l’immigration sont décevants en ce qui concerne les pays d’Europe, à l’exception de la France cependant.
            Certes Israël est pris en haute estime par de nombreux pays qui exècrent les islamistes car c’est le seul pays à les combattre avec force et le seul à les avoir domptés sur son sol.   
            L’ancien et le nouvel antisémitisme constituent les doigts d’une même main. L’un et l’autre se parent d’arguments qui ne trompent personne car la finalité reste toujours la haine du Juif et son éradication. C’est un même mal qui ronge depuis plusieurs siècles des peuples toujours enclins à trouver chez le Juif hier, et chez l’Israélien aujourd’hui, un bouc émissaire qui explique leurs échecs. Pour eux «casser de l’Arabe» est une obsession qui trouve, selon eux, une réalisation concrète en Israël. Mais les nombreux votes négatifs dans les instances internationales montrent que l'Etat juif est seul et ne peut compter que sur ses propres forces.  

2 commentaires:

Véronique Allouche a dit…

Lorsqu’ Alain Finkielkraut fut violemment apostrophé par ces mots un certain samedi à Paris : « sale sioniste retourne en Israël, elle est à nous la France. », on peut y comprendre une forme d’antisémitisme outrancière qui rejette la simple idée de l’existence du juif , aussi bien en diaspora qu’en Israël.
Effectivement la haine d’Israël se pare des atouts de l’antisionisme et se rapproche en cela des négationnistes de la Shoah. Il est triste de constater que les 127 signataires opposés au texte voté à l’assemblée soient tous juifs.
Les députés ayant signé cette résolution doivent être remerciés pour leur clairvoyance et leur prise de conscience des prémices des années 30.
Bien cordialement

Anonyme a dit…

Deux phénomènes très attristants se déroulent ces jours-ci de manière parallèle. D'une part, moins de la moitié des députés à l'AN ont participé au scrutin pour le vote de la résolution sur l'antisémitisme et l'antisionisme. Un grand nombre de députés du parti présidentiel (LREM) n'ont pas pris part au vote - quelques-uns partagent même les vues de l'extrême-gauche anti-israélienne (et antisémite). D'autre part, une partie des Juifs, et notamment des intellectuels, refusent d'être "confondu avec Israël" ou de réfuter les accusations mensongères et disproportionnées dont il fait l'objet.
Phénomène à relever : 350.000 juifs venant de 150 pays (!) ont "fait leur aliyah" en Israël depuis 10 ans ! Le sionisme se porte toujours bien - en dépit des tensions et des conflits internes qui concernent Israël ces temps-ci.