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mercredi 18 décembre 2019

En Iran, le sang continue de couler


EN IRAN, LE SANG CONTINUE DE COULER

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
            

          Des informations sur la réalité de la situation en Iran parviennent à traverser le filtre gouvernemental pour décrire le véritable état insurrectionnel dans lequel est plongé le pays. Les mollahs affirment qu’ils ont durement maté le soulèvement du peuple iranien en neutralisant les meneurs mais au prix d’un bain de sang. 
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         Après avoir été totalement coupé, Internet fonctionne de manière aléatoire et limité, suffisamment cependant pour recevoir quelques informations et images glaçantes, hormis celles manipulées par le régime. Le gouvernement iranien veut faire croire qu’il a réussi à mobiliser des millions de citoyens en sa faveur mais bien sûr il s’agit de poudre aux yeux car le soulèvement est à la limite de la guerre civile. Il semble que les pertes subies par les Iraniens soient moindres que celles annoncées par le régime qui cherche à montrer sa détermination et à décourager les manifestations pour leur prouver que leur vie est en danger.

            Il est certain que les mollahs sont en difficulté, plus qu’ils ne veulent l’avouer. Mais les faits sont là. Ainsi 720 banques ont été incendiées et leurs réserves d’argent parties en fumée. Des milliers de pompes à essence ont brûlé, limitant la fourniture d’essence donc les déplacements. 18 écoles religieuses ont été incendiées en même temps que des milliers de Corans pour marquer le rejet de cet islam par la population. Les opposants ont détruit plusieurs bureaux des services de renseignements pour faire disparaître les dossiers des opposants.

            Cela a été certainement exécuté avec la complicité de certains miliciens de base. Des officiers rebelles ont tué, dans plus de 200 villes, plusieurs commandants du régime. Il n’existe aucune certitude sur la réalité des pertes subies par les Iraniens bien que le régime cherche à intimider la population. Certains avancent l’idée que leur gonflement a pour but de forcer les États occidentaux à cesser leur soutien au régime iranien. Mais la réalité est là. Les mollahs ont perdu leur aura d’invincibilité, leur légitimité, des biens irremplaçables, des hommes aux combats et leurs fidèles sont tétanisés par l’intensité de la contestation.

            Les faits ne trompent pas. Les Bazaris du pays ont appelé à une grève générale le samedi et dimanche sans que le régime puisse les obliger à rouvrir. Cette grève s’est étendue à Téhéran, à Tabriz, à Mashad, dans la région du Kurdistan et la région Sistan-&-Baloutchistan. Les autorités n’ont diffusé aucune image des bazars de Chiraz, Ispahan et des villes du sud du pays. On ne voit d’ailleurs aucune image de ces villes contrôlées par leurs habitants que le régime espère reprendre à l’usure en isolant ses ennemis.

            En dehors de Chiraz et d’Ispahan, le port de Mah-shahr, principal port pétrolier et commercial du régime, est dans une situation de blocage, confirmée par des images montrant la prise de la ville par les émeutiers et l’arrêt de toute circulation vers le port et sa zone industrielle. Le régime, qui n’a que faire de sa réputation auprès de l’opinion internationale, ne cesse d’annoncer des massacres pour dissuader les opposants, en vain. Des combats dans le sud du pays à Shadegan ont entraîné la mort d’un officier de la police de cette ville. Plusieurs officiers fidèles ont été assassinés à Mah-shahr et à Chiraz.

            L’armée bouge ; en effet une force anti-régime composée d’officiers rebelles a été constituée. La seule défense du régime est la désinformation. C’est pourquoi il limite l'accès à Internet pour désorganiser les communications entre rebelles. Le drame est que les rebelles sont abandonnés par les Occidentaux, partagés entre leurs besoins de pétrole et la nécessité de promouvoir leurs industries d’exportation. Ils ne font rien pour aider la contestation et lui permettre de se prolonge, malgré son manque de moyens.
            Des informations et des vidéos font état d’un soulèvement armé de certains membres de la milice contre leurs chefs et des signes de l’implosion de ce qui a toujours constitué la colonne vertébrale du régime. Le 26 novembre, sur la base Ghadir d’Ispahan, centre de formation des miliciens, des instructeurs et des élèves ont ouvert le feu sur leurs commandants faisant 7 morts et 56 blessés. Des informations fuitées révèlent la démission de 41 commandants des Pasdaran. L’organisateur de la prière du vendredi à Khorramābād, dans l’ouest du pays, a démissionné sous prétexte d’une haine profonde des habitants pour le clergé sachant aussi qu’ils «sont armés et très dangereux». On constate de plus en plus la volonté de plusieurs miliciens de marquer leur fidélité au Shah d’Iran, Mohammad-Reza Shah Pahlavi.

            Des miliciens rebelles apportent leur soutien logistique à la lutte armée dans les villes de Sistan-&-Baloutchistan.  Les troupes restées encore fidèles sont épuisées physiquement et moralement ; certains éléments envisagent de déserter. Les informations parviennent à être publiées, malgré la coupure d’Internet, grâce à l’application Bridgefy largement utilisée par les manifestants de Hongkong. La complicité des miliciens avec la population est prouvée par l’arrestation de plus de 10 membres de la milice anti-émeute en raison de leur participation au soulèvement à Téhéran.
Général Nassiri
            Le général de brigade Ali Nassiri, ancien responsable des services de contre-espionnage des Gardiens de la révolution iraniens, qui a fui son pays en avril 2019, conseille les opérations depuis l’étranger. Ses proches opposants issus de la milice ont annoncé que la population était dans la rue et promettait de venger les habitants tués dans les combats pour la ville. Ils ont diffusé les noms et les photos de six commandants qui étaient intervenus à l’arme lourde pour casser le blocus des habitants de Mahshahr afin de libérer l’accès à ses zones industrielles et portuaires.

            En résumé, une vraie guerre a été lancée contre les derniers partisans du régime notamment dans la région pétrolière de Khuzestân et aussi contre la forte rébellion au sein de la milice qui affaiblit le régime et réduit sa capacité de riposter. La guerre médiatique, contre la propagande du régime, qui tente de transformer les manifestations hostiles en manifestations contrôlées, est battue en brèche. Il ne fait aucun doute que les mollahs sont malmenés sur le sol iranien. La situation commence à leur échapper et pour s’en sortir ils usent d’une forte violence en procédant à une répression terrible.
            Le peuple iranien se bat avec les mains nues dans le silence complice du monde occidental qui, pour sauvegarder ses intérêts économiques, est prêt à brader l’essence même des droits de l’homme. Où sont les manifestants à Paris qui s'élevaient contre les trois ou quatre morts de Gaza ? Pour Israël c'est une nouvelle leçon donnée, prouvant qu'il ne peut rien attendre de l’étranger surtout quand celui-ci à les yeux fixés sur la ligne de la balance commerciale. Il ne peut et ne doit compter que sur ses forces et sur sa population pour garantir son existence.



1 commentaire:

Unknown a dit…

Cher Jacques,
Ton article parait bien documenté.
Dommage que ce qui se passe en Iran n'apparait pas du tout dans les grands médias occidentaux. Loin des yeux, loin du cœur.
Amitiés,
Gérard