EN IRAN, LE SANG CONTINUE DE COULER
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Des
informations sur la réalité de la situation en Iran parviennent à traverser le
filtre gouvernemental pour décrire le véritable état insurrectionnel dans
lequel est plongé le pays. Les mollahs affirment qu’ils ont durement maté le
soulèvement du peuple iranien en neutralisant les meneurs mais au prix d’un
bain de sang.
Cliquer sur la suite pour voir les vidéos inédites
Après avoir été totalement coupé, Internet fonctionne de manière
aléatoire et limité, suffisamment cependant pour recevoir quelques informations
et images glaçantes, hormis celles manipulées par le régime. Le gouvernement
iranien veut faire croire qu’il a réussi à mobiliser des millions de citoyens
en sa faveur mais bien sûr il s’agit de poudre aux yeux car le soulèvement est
à la limite de la guerre civile. Il semble que les pertes subies par les
Iraniens soient moindres que celles annoncées par le régime qui cherche à
montrer sa détermination et à décourager les manifestations pour leur prouver
que leur vie est en danger.
Il
est certain que les mollahs sont en difficulté, plus qu’ils ne veulent
l’avouer. Mais les faits sont là. Ainsi 720 banques ont été incendiées et leurs
réserves d’argent parties en fumée. Des milliers de pompes à essence ont brûlé, limitant la fourniture d’essence donc les déplacements. 18 écoles religieuses
ont été incendiées en même temps que des milliers de Corans pour marquer le
rejet de cet islam par la population. Les opposants ont détruit plusieurs
bureaux des services de renseignements pour faire disparaître les dossiers des
opposants.
Cela
a été certainement exécuté avec la complicité de certains miliciens de base.
Des officiers rebelles ont tué, dans plus de 200 villes, plusieurs commandants
du régime. Il n’existe aucune certitude sur la réalité des pertes subies par
les Iraniens bien que le régime cherche à intimider la population. Certains
avancent l’idée que leur gonflement a pour but de forcer les États occidentaux
à cesser leur soutien au régime iranien. Mais la réalité est là. Les mollahs
ont perdu leur aura d’invincibilité, leur légitimité, des biens irremplaçables,
des hommes aux combats et leurs fidèles sont tétanisés par l’intensité de la
contestation.
Les
faits ne trompent pas. Les Bazaris du pays ont appelé à une grève générale le samedi
et dimanche sans que le régime puisse les obliger à rouvrir. Cette grève s’est
étendue à Téhéran, à Tabriz, à Mashad, dans la région du Kurdistan et la région
Sistan-&-Baloutchistan. Les autorités n’ont diffusé aucune image des bazars
de Chiraz, Ispahan et des villes du sud du pays. On ne voit d’ailleurs aucune
image de ces villes contrôlées par leurs habitants que le régime espère reprendre
à l’usure en isolant ses ennemis.
En
dehors de Chiraz et d’Ispahan, le port de Mah-shahr, principal port pétrolier
et commercial du régime, est dans une situation de blocage, confirmée par des images montrant
la prise de la ville par les émeutiers et l’arrêt de toute circulation vers le
port et sa zone industrielle. Le régime, qui n’a que faire de sa réputation
auprès de l’opinion internationale, ne cesse d’annoncer des massacres pour
dissuader les opposants, en vain. Des combats dans le sud du pays à Shadegan
ont entraîné la mort d’un officier de la police de cette ville. Plusieurs
officiers fidèles ont été assassinés à Mah-shahr et à Chiraz.
L’armée
bouge ; en effet une force anti-régime composée d’officiers rebelles a été
constituée. La seule défense du régime est la désinformation. C’est pourquoi il
limite l'accès à Internet pour désorganiser les communications entre rebelles. Le drame est que les rebelles sont abandonnés par les Occidentaux, partagés entre leurs besoins de
pétrole et la nécessité de promouvoir leurs industries d’exportation. Ils ne font
rien pour aider la contestation et lui permettre de se prolonge, malgré son
manque de moyens.
Des
informations et des vidéos font état d’un soulèvement armé de certains membres
de la milice contre leurs chefs et des signes de l’implosion de ce qui a
toujours constitué la colonne vertébrale du régime. Le 26 novembre, sur la base
Ghadir d’Ispahan, centre de formation des miliciens, des instructeurs et des
élèves ont ouvert le feu sur leurs commandants faisant 7 morts et 56 blessés. Des
informations fuitées révèlent la démission de 41 commandants des Pasdaran.
L’organisateur de la prière du vendredi à Khorramābād, dans l’ouest du pays, a démissionné
sous prétexte d’une haine profonde des habitants pour le clergé sachant aussi
qu’ils «sont armés et très dangereux». On constate de plus en plus la
volonté de plusieurs miliciens de marquer leur fidélité au Shah d’Iran, Mohammad-Reza
Shah Pahlavi.
Des
miliciens rebelles apportent leur soutien logistique à la lutte armée dans les
villes de Sistan-&-Baloutchistan. Les
troupes restées encore fidèles sont épuisées physiquement et moralement ;
certains éléments envisagent de déserter. Les informations parviennent à être
publiées, malgré la coupure d’Internet, grâce à l’application Bridgefy largement
utilisée par les manifestants de Hongkong. La complicité des miliciens avec la
population est prouvée par l’arrestation de plus de 10 membres de la milice
anti-émeute en raison de leur participation au soulèvement à Téhéran.
Général Nassiri |
Le
général de brigade Ali Nassiri, ancien responsable des services de
contre-espionnage des Gardiens de la révolution iraniens, qui a fui son pays en
avril 2019, conseille les opérations depuis l’étranger. Ses proches opposants
issus de la milice ont annoncé que la population était dans la rue et
promettait de venger les habitants tués dans les combats pour la ville. Ils ont
diffusé les noms et les photos de six commandants qui étaient intervenus à
l’arme lourde pour casser le blocus des habitants de Mahshahr afin de libérer
l’accès à ses zones industrielles et portuaires.
En
résumé, une vraie guerre a été lancée contre les derniers partisans du régime
notamment dans la région pétrolière de Khuzestân et aussi contre la forte
rébellion au sein de la milice qui affaiblit le régime et réduit sa capacité de
riposter. La guerre médiatique, contre la propagande du régime, qui tente de
transformer les manifestations hostiles en manifestations contrôlées, est
battue en brèche. Il ne fait aucun doute que les mollahs sont malmenés sur le
sol iranien. La situation commence à leur échapper et pour s’en sortir ils
usent d’une forte violence en procédant à une répression terrible.
Le
peuple iranien se bat avec les mains nues dans le silence complice du monde
occidental qui, pour sauvegarder ses intérêts économiques, est prêt à brader
l’essence même des droits de l’homme. Où sont les manifestants à Paris qui s'élevaient contre les trois ou quatre morts de Gaza ? Pour Israël c'est une nouvelle leçon donnée, prouvant qu'il ne peut rien attendre de l’étranger surtout quand celui-ci à les yeux fixés sur la ligne de la balance commerciale. Il ne peut et ne doit compter que sur ses
forces et sur sa population pour garantir son existence.
1 commentaire:
Cher Jacques,
Ton article parait bien documenté.
Dommage que ce qui se passe en Iran n'apparait pas du tout dans les grands médias occidentaux. Loin des yeux, loin du cœur.
Amitiés,
Gérard
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