UN DUR NOMMÉ
COMMANDANT DES GARDIENS DE LA RÉVOLUTION
Par Jacques
BENILLOUCHE
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Général Hossein Salami |
Le
guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, a nommé le général de brigade Hossein
Salami commandant en chef du corps de Gardiens de la Révolution islamiste en
remplacement de Mohammad Ali Jafari dont il était l’adjoint. Aucune information
n’a été donnée sur les raisons de cette décision non attendue. Certains lient
cette nomination à la décision des États-Unis, le 8 avril, de placer les GRI
sur leur liste noire des «organisations terroristes étrangères» ce qui impose de nombreuses sanctions en
matière d'économie et de déplacement à ses membres et à ses groupes et à ses
individus.
Attentat Iran |
Ce changement pourrait être aussi motivé par l’attentat revendiqué
par le groupe Jaïch al-Adl, en février 2019, qui avait fait une vingtaine de
tués parmi les Gardiens, dans la province du Sistan-Balouchistan.
C’était la première fois que Donald
Trump désignait une partie du gouvernement d’un autre pays comme une menace. Par
ailleurs, il avait choisi ce moment, un jour avant les élections israéliennes, pour
aider la campagne électorale de Benjamin Netanyahu, qui a remercié Trump «pour
avoir protégé le monde de l'agression et du terrorisme commis par l'Iran».
Les Gardiens de la révolution |
Le
corps des Gardiens compte plus de 125.000 membres dont 20.000 faisant partie du
corps naval. A l’origine les Gardiens étaient chargés d’assurer la sécurité du
Golfe persique et du détroit d’Ormuz par où passent les pétroliers mais ils
sont devenus au fil du temps l’épine dorsale du régime. Le Corps des Gardiens,
qui relève directement de l’ayatollah Khamenei, exerce une profonde influence
sur la politique et l’économie et dispose de ses propres forces aériennes,
navales et de renseignement. Il est également responsable du développement des
missiles balistiques de l'Iran et exploite une filiale connue sous le nom de
force Al Qods, qui mène des opérations clandestines et d'autres activités au
Liban, en Syrie et en Irak sous la direction du général Soleimani.
Ali
Khamenei a choisi un dur pour remplacer Jafari et en a fait l’annonce
lui-même : «Considérant vos capacités et votre expérience significative
avec différentes responsabilités révolutionnaires, je vous promeus général de
division et commandant en chef des Gardiens de la Révolution».
Né
en 1960, Hossein Salami a fait des études en génie mécanique à l'université des
sciences et de la technologie d'Iran. Lorsque la guerre Iran-Irak a été lancée,
il avait rejoint l'Armée des Gardiens de la Révolution islamique. Après la fin
de la guerre Iran-Irak, il continue ses études et obtient un master en gestion
de la défense. En 2009, Salami est nommé commandant adjoint du Corps des
Gardiens de la révolution islamique. Avant cette prise de fonction, il avait occupé les postes suivants : commandant de l'université de commandement et
d'Etat-major de GRI (1992-1997), adjoint aux opérations du personnel commun de
l'GRI (1997-2005), commandant de la Force aérienne de FAGRI (2005-octobre 2009)
et commandant adjoint de l'Armée des Gardiens de la Révolution islamique
(2009-2019).
Sans
que l’on puisse donner une caution à ses dérives verbales faites à destination
interne pour encourager ses troupes, il aime lancer des menaces, en
particulier contre Benjamin Netanyahou, en octobre 2018, en lui conseillant de «s’entraîner
à nager dans la mer Méditerranée car il pourrait être forcé de s’enfuir de son
pays». Il use beaucoup d’esbrouffe ce qui lui enlève une partie de sa
crédibilité. Pour lui Tsahal : «ne
constitue pas un niveau de menace élevé pour nous, le Hezbollah suffirait à le
détruire». C’est de bonne guerre. Il est revenu aux années historiques, du
temps de l’égyptien Nasser, puisqu’il a repris la dialectique habituelle
empruntée aux pays arabes de l’époque, qui eux ont beaucoup évolué.
Un peu trop fanfaron pour un
général sérieux, il savait exagérer, ce qui enlevait tout sérieux à un
discours datant des années 1960 : «Nous annonçons que si Israël
entreprend de nous faire la guerre, cela débouchera sur son élimination et sur
la libération des territoires occupés. Les Israéliens n’auront même pas de
cimetière en Palestine pour enterrer leurs corps. La stratégie de l’Iran est de
rayer de la carte politique le régime sioniste, et les Israéliens y contribuent
par leurs menées criminelles».
On n’arrivait plus à le tenir comme
s’il voulait donner des gages à sa nouvelle nomination. Il allait crescendo, s'élevant d’un cran à chaque discours. Ainsi, le 19 février sur la chaîne iranienne
Irinn-Tv, il avait prévenu que l’Iran se préparait «à briser l’Amérique,
Israël et leurs partenaires et alliés parce que notre guerre n’est pas une
guerre locale et que nous avons des projets pour vaincre les puissances
mondiales». Pour faire bonne figure, selon l’agence de presse Tasnim, il
avait conseillé aux Israéliens «de ne pas jouer avec le feu, car nous les détruirons avant que les États-Unis ne puissent les aider».
Le changement de chef des
Gardiens semble être une manœuvre psychologique à des fins internes mais aussi
pour contrecarrer les difficultés qui attendent l’Iran avec l’aggravation des
sanctions. Il faut un homme fort pour calmer l'opinion, voire la dompter. Donald Trump a décidé de mettre fin aux exemptions permettant à huit
pays d’acheter du pétrole iranien, afin de «porter à zéro les exportations»
de brut iranien. A partir de début mai, ces pays – la Chine, l’Inde, la
Turquie, le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, l’Italie et la Grèce – seront
exposés à des sanctions américaines s’ils continuent d’acheter du pétrole
iranien. Cette décision risque de mettre à mal l'économie iranienne et d'accentuer la mauvaise humeur de la population qui souffre.
Bien sûr Hossein Salami joue du
froid et du chaud en affirmant que son pays ne déclenchera jamais de guerre
contre les autres pays, tout en étant entièrement disposé à riposter en cas
d’attaque : «L’Iran ne représentera jamais de menace pour un pays
qui ne déclenche pas de guerre contre
nous, car jamais nous ne déclencherons
la guerre. Mais si un pays commet une erreur de calcul, la stratégie de Téhéran
sera de riposter». Khamenei a besoin d’un général qui puisse lever le ton pour assurer son prestige : «Nous avons rehaussé notre capacité balistique. La
tolérance n’est nullement recommandée face à un ennemi qui ne comprend que le
langage de la force ; il faudra donc lui parler en utilisant le langage de la
force».
Il a déclaré que son pays avait développé une «capacité
stratégique pour détruire Israël. Nous avertissons les sionistes que si une
nouvelle guerre éclatait, cela entraînerait leur fin». Il a averti que les
combattants du Hamas palestinien et du Hezbollah libanais étaient prêts à faire
vivre un «enfer à l’entité sioniste». Le général Salami a déclaré enfin que
la stratégie de l’Iran était «d’effacer à terme Israël de la carte politique
mondiale».
Selon des informations de
sources sécuritaires, il semble que Hossein Salami ait l’intention de fermer le
détroit d'Hormuz en réponse à la levée par les Etats-Unis des dérogations d'achats de pétrole iranien et à la décision de l'Arabie saoudite et des Émirats
arabes unis de compenser l'écart entre les prix du pétrole du marché et ceux effectivement payés et moins élevés par les huit pays qui
avaient reçu des dérogations des États-Unis. Pour Salami : «Selon le
droit international, le détroit d'Ormuz est un passage maritime et si nous ne
pouvons pas l'utiliser, nous le fermerons».
Avant lui, un autre militaire avait tenté de créer un blocus maritime dans la région ; on sait ce qu’il lui est arrivé ainsi qu’à son pays. Tant que l’agressivité et les menaces
seront les seuls arguments employés de manière internationale, alors l’Iran
sera condamné à sacrifier son peuple au profit des armes de destruction
massive. Il est à craindre que l'Iran soit poussé à la provocation armée par un général qui veut justifier sa nomination.
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