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lundi 14 janvier 2019

Pourquoi Israël annonce dorénavant ses actions militaires



POURQUOI ISRAËL ANNONCE DORÉNAVANT SES ACTIONS MILITAIRES 

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©  Temps et Contretemps
            

          C’est une première en Israël, on n’attendra plus la publication de l’information dans un media étranger pour rapporter les attaques de Tsahal contre la Syrie ou le Liban. La censure militaire n’aura plus à interdire la publication de ce qui étaient en fait des secrets de Polichinelle. On ignore s’il s’agit d’un changement définitif de tactique de Benjamin Netanyahou ou d’une stratégie exceptionnelle à l’occasion du départ à la retraite de Gadi Eizenkot.



Dans l’application de ce nouveau concept, le gouvernement a ainsi annoncé au cours du dernier Conseil des ministres que des frappes, revendiquées ouvertement par le premier ministre et le chef d’État-major, avaient eu lieu autour de la zone de al-Kiswah au sud de Damas. Plusieurs cibles iraniennes situées en Syrie ont été frappées simultanément par l’aviation israélienne et ses missiles : «Au cours des dernières 36 heures, l'armée de l'air a attaqué des entrepôts iraniens contenant des armes iraniennes dans l'aéroport international de Damas. L'accumulation des attaques récentes montre que nous sommes plus déterminés que jamais à agir contre l'Iran en Syrie, comme nous l'avions promis ».
            Il s’agit d’un fait jusqu’à présent rarissime que les dirigeants israéliens s’expriment en détail sur des opérations de Tsahal : «Nous avons remporté des succès impressionnants en vue de bloquer l’implantation militaire iranienne. L’armée israélienne a attaqué des cibles iraniennes et du Hezbollah des centaines de fois». En écho, le chef d’État-major, d’ordinaire très avare d’interview, a confirmé à la veille de son départ à la retraite que «Nous avons atteint des milliers de cibles sans revendiquer notre responsabilité ni demander de crédit». Il a été plus loin en dévoilant la guerre secrète qui a été menée depuis 2017 contre la force Al-Quds, l’unité d’élite des Gardiens de la révolution, commandée par le général Kassem Soleimani.
Kassem Soleimani et ses officiers

Gadi Eizenkot, avec l’accord du pouvoir civil, a été au-delà de la révélation des  attaques parce que selon lui : «Nous avons constaté un changement important dans la stratégie de l’Iran. Leur vision était d’influencer considérablement la Syrie en mettant en place une force pouvant compter jusqu’à 100.000 combattants chiites venus du Pakistan, d’Afghanistan et d’Irak. Ils ont construit des bases de renseignements et une base aérienne au sein de chaque base aérienne syrienne, et ils ont amené des civils pour les endoctriner». L’objectif d’Eizenkot était ouvertement «d’humilier Kassem Soleimani».
            Il est vrai que, par prudence, les frappes n’ont pas été menées à l’intérieur de la zone contrôlée par les Russes, Tartous et Lattaquié, mais dans la région de Damas prouvant ainsi que Tsahal pouvait continuer à agir dans la région sous couvert d’une coordination entre les armées russe et israélienne. Cela est d’autant plus nécessaire depuis le départ annoncé des Américains de Syrie. Eizenkot a expliqué que le combat contre l’Iran et le Hezbollah fut la priorité de son mandat : «Nous avons une supériorité totale sur le renseignement dans ce domaine. Nous bénéficions d’une totale supériorité aérienne. Nous avons une forte dissuasion et nous avons la justification d’agir».
Benny Gantz et Benjamin Netanyahou

            Plusieurs explications peuvent être avancées pour le changement de tactique du gouvernement israélien, la première et la moins glorieuse a trait aux élections législatives du 9 avril 2019. Netanyahou a besoin de réaffirmer qu’il est toujours l’homme sécuritaire que certains candidats lui contestent parce qu’ils l’accusent de chercher en fait à  masquer les affaires de corruption dans lesquelles il est impliqué.
Akram Al-Kaabi chef de milice irakienne

            Les informations publiées par les Iraniens sont soit erronées, soit tronquées et toujours présentées comme une victoire contre "l'entité sioniste". Il devenait indispensable de rétablir les vérités surtout auprès de la population iranienne. Israël a compris que la propagande est devenue une arme indispensable dans le combat contre les Mollahs. 
          Une autre explication plus fondamentale justifie un soutien indirect aux rares éléments modérés en Iran et la nécessité d’informer la population iranienne sur la réalité militaire. Des affrontements verbaux entre le président Rohani et le général Soleimani avaient eu lieu lors d'une réception de l'Aïd Al-Fitr à Téhéran. Soleimani avait critiqué la réduction du budget des Gardiens de la révolution dans une confrontation violente qui avait nécessité l’intervention du président du Conseil de sécurité nationale, Ali Shamkhani. Les deux dirigeants sont en désaccord total sur le rôle, les coûts de fonctionnement et les interventions des Gardiens de la révolution en Syrie, en Irak, au Liban et au Yémen. Nicky Haley, représentante à l’ONU, avait mis le doigt sur l’inconséquence du pouvoir iranien qui dépense plus de 6 milliards de dollars par an pour maintenir à flot le régime d’Assad en Syrie, ainsi qu’un million de plus pour soutenir les milices Houthis au Yémen et Hezbollah au Liban.

            Les partisans de l'ingérence iranienne au sein du Moyen-Orient, sont les ayatollahs conservateurs et les Gardiens de la révolution dont le chef suprême Ali Khamenei soutient les actions de Soleimani et approuve les budgets de la force El-Qods. Les opposants aux opérations iraniennes à l’étranger sont menés par le président Rohani et quelques Ayatollahs modérés qui privilégient les développements militaires à l'intérieur des frontières iraniennes. Ils s’opposent à l’axe principal regroupant les milices en Irak, le Hezbollah au Liban et les Palestiniens, parce qu’il «constitue non seulement une perte de temps, mais détourne des ressources pour renforcer la stratégie iranienne réelle».
            Rohani n’est pas un saint mais un pragmatique qui soutient le programme de missiles balistiques et le programme nucléaire militaire, mais exige une réduction de l’implication iranienne à l’étranger. Il privilégie la défense intérieure. D’ailleurs il a réduit les budgets alloués au Hezbollah, au Hamas et au Djihad islamique palestinien depuis l'application des nouvelles sanctions américaines. 
Enterrement public de gardiens

          Dans ce débat interne iranien, Israël a choisi de mettre fin à l'ambiguïté de ses opérations contre l'Iran en Syrie, pour mettre en relief le transfert d'armes de haut niveau au Hezbollah et la fourniture de missiles de précision et de roquettes en Syrie et au Liban. Benjamin Netanyahou veut donc être certain que tous les camps iraniens sont conscients des pertes humaines et matérielles que leur a fait subir Kassem Soleimani qui a dilapidé en Syrie, en vain, des centaines de millions de dollars qui auraient pu être mieux utilisées au profit de la population. Mais Israël veut surtout montrer aux Iraniens qu’il est responsable des nombreuses pertes de hauts responsables des Gardiens de la révolution qui sont renvoyés dans leurs foyers dans des cercueils.   



3 commentaires:

Patrick a dit…

quel est l estimation des pertes de l Iran en Syrie ?
quel peut être la baisse du budget alloue aux forces al quds?
des questions sans réponse je suppose!

Jacques BENILLOUCHE a dit…

@Patrick

Les chiffres des pertes sont bien sûr secrets et souvent très sous-évalués.

Selon The Washington Post, au moins 67 Iraniens ont été tués en octobre et novembre 2015 alors qu’ils n’étaient que de 10 tués par mois depuis 2013. On évalue les pertes à 172 soldats iraniens de septembre 2015 à février 2016 dont au moins trois généraux le général Hossein Hamadani, le général de division Farshad Hasounizadeh et le brigadier-général Hamid Mokhtarband.

On ne dispose pas du montant du budget spécifique à El-Qods mais il doit représenter la presque totalité des 6 milliards par an dépensés pour la Syrie.

bliahphilippe a dit…

On peut deviner que bientot au tapis les Persans percés poussent des cris perçants. Comme dirait un syndicaliste français "ça c'est filoche".