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mardi 9 janvier 2018

Armement : La Turquie lâchée par les Etats-Unis et Israël



ARMEMENT : LA TURQUIE LÂCHÉE PAR LES ÉTATS-UNIS ET ISRAËL

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps

            
Armée turque
          
     L’attitude ambiguë des Turcs vis-à-vis de Daesh, qui avait bénéficié d’une part de sa neutralité et d’autre part de l’aide de l’armée d’Erdogan, avait poussé les Etats-Unis à reconsidérer leurs relations avec ce pays de l’Otan. Par ailleurs, la rupture des relations diplomatiques avec Israël, puis leur reprise timide, n’a pas réinstallé le climat de confiance qui avait longtemps prévalu entre ces deux pays et surtout entre les deux armées.



Brigade YPG

            Le refroidissement des liens avec les Américains était consécutif à la décision de Washington d’armer le groupe kurde YPG (Unités de protection du peuple), qui combat en Syrie mais qui est considéré par la Turquie comme un groupe terroriste. La Maison Blanche avait estimé, à l’époque, que les Forces Démocrates Syriennes, un groupe armé composé majoritairement de combattants kurdes, était la «seule force sur le terrain capable de s’opposer à Daesh». Les Américains avaient tenté de calmer les appréhensions d’Erdogan, en vain : «nous sommes conscients des soucis liés à la sécurité de notre partenaire turc de la coalition. Nous voulons rassurer le peuple et le gouvernement turc que les Etats-Unis sont engagés à prévenir d’éventuels risques et à protéger notre allié de l’OTAN».
            La décision du président Trump de fournir des armes aux Kurdes syriens avait marqué un changement déterminant dans la géographie politique du Moyen-Orient. En choisissant de soutenir leur allié kurde en Syrie, les Etats-Unis avaient ignoré les doléances de la Turquie qui voulait à tout prix empêcher l'établissement d'un État kurde indépendant pour éviter une contamination avec ses propres Kurdes. Les Américains ont alors envoyé des mitrailleuses lourdes, des armes antichars, des mortiers, des voitures blindées et des équipements d'ingénierie pour renforcer les Kurdes alors que la Turquie faisait tout pour persuader les États-Unis de rompre leur alliance avec les Kurdes syriens.
Erdogan Assad en 2010

            Les Américains n’avaient pas apprécié le résultat désastreux des guerres menées par la Turquie pour étendre son influence dans le nord du Moyen-Orient. Elle a eu une attitude sinueuse au gré du vent. Depuis 2011, elle a cherché à renverser le président Bachar al Assad et à empêcher les deux millions de Kurdes syriens de prendre le contrôle d'une large bande de territoire le long de la frontière sud de la Turquie. Les efforts turcs pour arrêter l'avance kurde ont largement échoué et l'intervention des troupes terrestres turques à l'ouest de l'Euphrate en août 2016 n'avait été qu'un demi-succès. Si la Turquie a tenté de se présenter face aux États-Unis en tant qu'alliée capable de remplacer le YPG dans la bataille contre Daesh, elle avait une arrière-pensée évidente consistant à s'intéresser davantage aux Kurdes qu'à Daesh. Les Américains l’ont vite compris.
Réunion trio Turquie, Iran, Russie

            Les Kurdes syriens craignaient qu’après la défaite de Daesh, les États-Unis n'aient plus besoin d’eux et reviennent à leur ancienne alliance avec la Turquie parce qu’elle est restée membre de l'OTAN et qu’elle protège le flan-Est de l’Europe. Mais les Turcs n’ont pas été patients et ont préféré modifier leur stratégie d’alliance en cherchant d’autres sources d’approvisionnements militaires sans prendre en compte le fait que leur armée était entièrement équipée de matériel américain et israélien. L’entêtement d’Erdogan a mis son armée en difficulté au moment où elle avait le plus besoin de matériel sophistiqué, les drones en particulier, pour combattre la rébellion kurde. Il a préféré se tourner vers ses anciens ennemis.   

            Ainsi Moscou et Ankara ont signé un accord sur la livraison de missiles S-400 le 29 décembre 2017. Les deux pays travaillaient depuis plus d'un an sur ce contrat, estimé à 2,5 milliards de dollars. Les premières livraisons sont prévues pour mars 2020. Ces batteries seront utilisées de manière indépendante par des personnels turcs, et non par des conseillers russes. La fourniture de missiles russes à la Turquie inquiète les alliés d'Ankara au sein de l'Otan, notamment parce que les missiles S-400 ne peuvent pas être intégrés aux structures militaires de l'Alliance atlantique.

            Outre la Russie, la Turquie cherche à étendre tout azimut sa coopération dans les projets d'armement avec d'autres pays ce qui équipe son armée de manière hétéroclite. Elle avait signé en novembre une lettre d'intention avec la France et l'Italie pour renforcer la coopération militaire, notamment dans le secteur balistique et la défense antimissile. Le consortium franco-italien Eurosam et les firmes turques du secteur ont étudié la faisabilité d'un système basé sur le missile SAMP-T produit par Eurosam et déterminé les besoins communs des trois pays. Ankara a également investi dans le développement de sa propre industrie de défense, dans des domaines aussi divers que les hélicoptères de combat, les chars, les drones et les navires de guerre.

            L’accord de développement de missiles aériens à longue portée, signé le 5 janvier 2018 entre la Turquie, la France et l'Italie vise à se défendre contre les menaces des avions furtifs, des drones et des missiles. Le consortium Eurosam, chargé du projet, est composé de Airbus, de l'italien Leonardo, du britannique BAE Systems, et du français Thales, dont les principaux actionnaires sont l'État français et le chasseur Dassault Aviation.
            Cette nouvelle stratégie turque est un virage à 180° dans son approvisionnement militaire dont on n’entrevoit pas précisément l’esprit puisque l’armée turque sera équipée d’un matériel de différente provenance. Il est vrai que la confiance est rompue entre les anciens alliés. Pour preuve, les Etats-Unis ont chargé leurs militaires de retirer dans les plus brefs délais les armes nucléaires US entreposées sur la base turque d'Incirlik.
            En revanche, la stratégique française, consistant à prendre langue avec les dictatures, la Turquie aujourd’hui et demain l’Iran, ne préfigure pas une logique rationnelle, sauf à courir après les dollars sans se soucier de leur odeur. Bien sûr il faut discuter avec ses ennemis mais les joint-ventures avec eux peuvent être assimilés soit à de la naïveté, soit à de l’inconscience car ces pays sont totalement imprévisibles et instables politiquement. Ils bafouent les droits de leur peuple, emprisonnent les contestataires et les journalistes, à l’instar des journalistes français Mathias Depardon et Loup Bureau, envoient à la potence les opposants et neutralisent leur armée.

            Erdogan a choisi le maillon faible pour renouer avec l’Union européenne, Emmanuel Macron plutôt qu’Angela Merkel. Le président français a vite ignoré la purge tout azimut lancée contre la population turque alors que l'Allemagne, plus réaliste, avait réclamé l'arrêt des discussions pour un rapprochement d'Ankara avec l'UE. Mais le président français veut devenir l'interlocuteur privilégié de la Turquie pour se préparer à prendre le leadership européen. Au moment où la Turquie est lâchée par les Etats-Unis, Israël et même l’Allemagne, Macron offre une bouée de sauvetage incompréhensible à Erdogan qui a salué les récentes déclarations françaises condamnant la reconnaissance par les Etats-Unis de Jérusalem comme capitale israélienne.

            Emmanuel Macron veut être pragmatique en dialoguant avec les dictateurs, Erdogan, Rohani et Al Assad, mais encore faut-il qu’il condamne avec force leurs agissements inconsidérés, de manière publique, et en particulier les atteintes aux droits de l’homme et de la presse. La balance commerciale française doit être vraiment déséquilibrée pour qu’il n’ait d’autre choix que de commercer avec le diable.    

3 commentaires:

V. Jabeau a dit…

Le PR Macron, obnubilé par la réussite économique clé de sa réélection en 2022, en arrive à lâcher ses alliés USA, Israël et même les Saoudiens, les décrivant comme des « fauteurs de guerre » en s’assurant ainsi de la bienveillance du public français qui ne veut pas de conflit armé à grande échelle et qui craint une cinquième colonne dans ses banlieues.
Mais ces retournements stratégiques sont longs avant de porter leurs fruits économiques, en revanche plus courts pour apporter des désordres politiques.
Je parie que dans 3 ans la situation diplomatique et sécuritaire de la France aura empiré.

Marianne ARNAUD a dit…

Cher monsieur Benillouche,

Vous faites fausse route sur toute la ligne. Comment pouvez-vous douter de notre Emmanuel ? Ce n'est pas à vous que je vais apprendre que son nom signifie : Dieu est avec nous ? Eh bien, c'est ce qu'il entend être. Il est le nouveau sauveur de la France, celui qui lui a rendu grandeur et honneur. Les magazines du monde entier ne s'y sont pas trompés, qui le voient, qui, en leader de la France, qui en leader de l'UE et même en leader du Monde !
A peine élu, il a su, d'une seule main de fer en imposer à Trump, puis en imposer à Poutine en le baladant dans le Salon des Batailles de Versailles. Aujourd'hui il est parti pour la Chine où il retournera chaque année. Il va se proposer comme intermédiaire dans le conflit entre les deux Corées.
Pour ce qui est de sa position concernant la Turquie, vous lirez avantageusement ce qu'en dit votre collègue de Slate : Ariane Bonzon. Vous constaterez qu'elle ne partage pas vos craintes, qu'elle ne doute pas un instant que la stratégie du président Macron ne soit la bonne.

http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/macron-erdogan-un-dialogue-franc-1020411.html

Alors soyez gentil, ne nous distrayez pas de ce nouveau deuil qui vient de s'abattre sur nous. Une chanteuse qui aimait les sucettes, en son jeune temps, vient d'être arrachée à l'affection des Français qui vont avoir bien du mal à s'en remettre.

Très cordialement.

2 nids a dit…

Toujours lucide Mr. Benillouche,

En ce qui concerne Mr. Macron, comme d'habitude les français, toujours prêt à collaborer, trahir, c'est une spécialité de ce pays, copiner avec les pires dictatures de la planète, détourner la tête quand il y a un génocide, se complaire dans le déni en manipulant sa population et ne pas régler les horreurs de la Shoah dont la France est amplement responsable, bref, ça pu encore la merde.
tôt ou tard, les français devront régler la dette...et être remis à leur place !