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mardi 31 octobre 2017

Attentat contre le Hamas : on ne prête qu'aux riches



ATTENTAT CONTRE LE HAMAS : ON NE PRÊTE QU’AUX RICHES

Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps
            
Général Tawfiq Abu Naim

          Il est vrai que l’attentat contre le chef de la sécurité du Hamas à Gaza est intervenu au lendemain de l’identification du chef du Hezbollah au Golan, le plaçant sur la liste des cibles potentielles du Mossad. Mais il est prématuré, comme le fait un haut responsable du Hamas, d’accuser Israël d’être à l’origine de la tentative d’assassinat du général Tawfiq Abu Naim. Cette accusation porte d'ailleurs préjudice aux services de sécurité intérieure du Hamas car elle prouverait les lacunes évidentes dans la protection du chef de la sécurité et le degré d'infiltration du Mossad à Gaza. L’accès facile à une personnalité de cette importance prouverait, si Israël était l'auteur, qu’il existerait une collaboration étroite entre le Mossad et des collaborateurs au sein du Hamas.



Ismaël Haniyé a rendu visite au blessé

            Un engin explosif a blessé légèrement à la jambe et au dos, le 27 octobre 2017 au matin, Tawfiq Abu Naim devant la mosquée proche du camp de réfugiés de Nuseirat à Gaza. Khalil Al-Hayya, haut responsable du Hamas et membre du Conseil législatif palestinien, a immédiatement accusé Israël d'être derrière l'incident : «L'organisation blâme l'occupation et ses collaborateurs responsables de la dernière tentative de la vie du général Tawfiq. Une tentative d'assassinat est lâche, et seuls les ennemis de notre peuple et de notre patrie sont capables d'accomplir un tel acte».  Le camp de réfugiés a été totalement bouclé pour tenter de capturer l’équipe de l’attentat.
Khalil Al-Hayya

            Il est trop tôt pour connaître avec précision les commanditaires et les auteurs de l’attentat. Mais Israël n’est pas seul à viser les chefs du Hamas. En effet la guerre entre le Hamas et le Djihad islamique a été récemment ravivée à la suite de la mort le 17 août d’un membre de la branche militaire du Hamas, Nidal al-Jaafari, tué dans un attentat suicide perpétré par un djihadiste. Cet épisode sanglant, qui résulte de la rivalité meurtrière existant depuis plus de dix ans, avait pour but de contrecarrer l’accord avec l’Égypte qui conditionnait l’allégement du blocus sous réserve que le Hamas empêche l’entrée des Salafistes à travers le Sinaï.
            À la suite de l’attentat, les bureaux du djihad islamique de Gaza et de l’Armée de l’Islam, proche d’Al-Qaïda, ont été fermés et leurs membres arrêtés. Des raids contre des maisons et des camps d’entraînement djihadistes ont été lancés ; des dizaines de personnes avaient été arrêtées, dans le quartier de Tal al-Sultan à Rafah d’où venait Mustafa Kullab, l’auteur de l’attentat-suicide. La répression s’était encore poursuivie en ce mois d’octobre au moment même du déplacement au Caire de la délégation du Hamas. Nour Issa, qui avait combattu en Libye et avait été ensuite envoyé à Gaza pour y créer une antenne de Daesh, et trois de ses adjoints furent emprisonnés. En 2011, après l’enlèvement et le meurtre d’un militant italien, Vittorio Arrigoni, le Hamas avait exécuté deux militants salafistes soupçonnés d’en être les auteurs. Un réel contentieux existe donc entre ces deux clans islamistes. De là à estimer que le djihad voulait se venger du Hamas, il n'y a qu'un pas à franchir.
Djihad islamique à Gaza
          
            Mais des analystes arabes, fidèles à leur théorie du complot et du bouc émissaire, se sont mis à divaguer en prétendant qu’Israël finançait l’État islamique au Sinaï pour saper l’autorité du Hamas. Aujourd’hui encore, Israël est désigné comme commanditaire de l’attentat contre Tawfiq Abu Naim. Même si Israël a les moyens d'éliminer des terroristes, il s'agit d'une accusation légère car on passe sous silence le fait que le djihad islamique a pour objectif de torpiller toute réconciliation politique Fatah-Hamas. Ces extrémistes islamiques veulent emporter le Hamas dans une stratégie de violence car ils ont compris le sort qui leur était réservé par le Fatah et par le Hamas. Ils veulent donc réchauffer le front de Gaza pour provoquer Israël. Ils condamnent toute action diplomatique puisque l’essence même de leur combat consiste à entretenir la violence.
            Il semble en fait qu’Israël n’a rien à reprocher à Abu Naim, qui a longtemps été prisonnier en Israël et qui a de ce fait entretenu des relations avec les services de sécurité. Sans le qualifier de traître, il a fini par être atteint du syndrome de Stockholm après avoir vécu durant une période prolongée avec ses geôliers. Il a ainsi développé une sorte d'empathie, de contagion émotionnelle vis-à-vis de ceux-ci. Aujourd'hui, il occupe une fonction de responsable de l’ordre, sorte de ministre de l’intérieur, et ne peut pas être assimilé à un militaire engagé sur le front contre Tsahal. 
Zone tampon entre l'Egypte et Gaza

         Les Israéliens savent qu’il s’agit d’une personnalité qui a les faveurs des Égyptiens puisqu’il supervise la mise en place d'une zone tampon avec Gaza pour empêcher l'infiltration d'agents terroristes et la contrebande d'armes dans le nord de la péninsule du Sinaï. Il aurait été par ailleurs adoubé par le président Mahmoud Abbas pour assurer, pour le compte de l’Autorité, le contrôle civil de la bande de Gaza. 

            Il pourrait donc exister un lien entre l'attentat perpétré contre Abu Naim et l’accord de réconciliation palestinien qui n’entre pas dans la stratégie du djihad islamique. L’enquête, si elle est sérieuse, permettra de lever le flou sur les commanditaires de l’assassinat raté, sauf si le Hamas profite de l’occasion pour exécuter sans procès des opposants n’ayant aucun lien avec l’attentat. Israël n'avait aucun intérêt à éliminer un général chargé de maintenir l'ordre à Gaza. Israël n’avait aucun intérêt à se brouiller avec les Égyptiens. 

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