KAZAKHSTAN : DES INTÉRÊTS MILITAIRES AVEC ISRAËL
Par Jacques BENILLOUCHE
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La
visite de Benjamin Netanyahou au Kazakhstan est la première d’un premier
ministre israélien. Il a rappelé que le Kazakhstan fut «le premier pays
musulman à soutenir Israël» et le dernier des ex-républiques soviétiques à
déclarer son indépendance en 1991. Le président autoritaire Noursoultan
Nazarbaïev est au pouvoir depuis cette date. Le pays poursuit une politique
étrangère modérée, tout azimut, et maintient de solides relations avec la
Russie et la Chine voisine, ainsi qu'avec les États-Unis et le monde
occidental.
Israël
et le Kazakhstan ont établi des relations diplomatiques le 10 avril 1992.
L'ambassade d'Israël à Astana a ouvert en août 1992 tandis que l'ambassade du
Kazakhstan à Tel-Aviv a ouvert en mai 1996.
Le
Kazakhstan a réussi à développer son économie grâce à ses riches réserves de
pétrole et de gaz. Israël importe d’ailleurs 25% de ses besoins pétroliers de
ce pays. Le Kazakhstan, cinq fois plus grand que la France, est peu peuplé
relativement à son immense taille, 18 millions d’habitants comprenant 63% de
l’ethnie kazakhe ; le reste se répartit entre Russes, Ukrainiens,
Allemands et quelques Juifs. L’islam est la religion de 70% de la population.
La ville économique est Almaty, ancienne capitale, tandis que depuis 1997 la
capitale a été transférée à Astana.
Astana |
Le
Kazakhstan a une des économies les plus fortes en Asie centrale. Soutenu par la
vente de pétrole, l'économie a progressé d’une moyenne de 8% au cours de la
dernière décennie. Il détient 3% des réserves mondiales de pétrole et vise à
être parmi les 10 premiers producteurs de pétrole du monde d'ici 2020. Les
autres exportations principales sont le blé, le textile, l'élevage, et
l'uranium. Il est le rare pays de l’Est à avoir réglé sa dette au FMI avec sept
années d’avance. Le succès s’explique parce que, dès 1991, le Kazakhstan est
passé du régime soviétique à une économie de marché. Il s’est aussi distingué
par un système d’éducation de haut niveau avec une stratégie d'internationalisation
permettant des échanges avec l’Europe, grâce à un système de bourses permettant
la mobilité académique.
Lieberman avec le ministre de la,défense |
Avigdor
Lieberman avait favorisé le développement des relations avec le Kazakhstan dans
un souci de diversification internationale. Les approches ont permis que, le 20
janvier 2014, le ministre de la Défense du Kazakhstan Adilbek
Dzhaksybekov signe un accord de coopération militaire avec le ministre
israélien de la Défense Moshe Yaalon, formalisant les relations militaires et
de défense industrielle. Ce fut le premier voyage de Dzhaksybekov en Israël où
il avait rencontré les dirigeants des grandes sociétés industrielles y compris ceux
d’IMI (industries militaires d'Israël), d’Elbit Systems et de Rafael.
20 janvier 2014 avec Yaalon |
C’est
à ce moment que la coopération de défense kazakhe-israélienne a atteint une
nouvelle étape dans son développement. Les accords signés ont alors ouvert de
nouvelles possibilités de coopération entre les armées des deux pays. Israël
est devenu l'un des principaux partenaires commerciaux du Kazakhstan. Le président
Nursultan Nazarbaïev avait fait deux visites officielles en Israël, en décembre
1995 et en avril 2000. Au cours de sa deuxième visite, il était accompagné
d'une délégation de 110 membres, comprenant 15 ministres dont le ministre de la
Défense. En 2013, Astana avait dépêché un attaché militaire à l'ambassade en
Israël.
Visite de Nazarbaïev en 2000 |
Israël
a bénéficié des événements internationaux qui ont poussé le Kazakhstan à
diversifier ses fournisseurs d'armes. En particulier, les attaques terroristes
du 11 septembre 2001 ont incité le Kazakhstan à élargir ses activités de
coopération militaire internationale au-delà de ses partenaires traditionnels,
la Russie et la Chine. En plus d’Israël, les États-Unis et de nombreux pays
occidentaux sont devenus de nouveaux partenaires.
Dès
le départ, les contacts militaires du Kazakhstan avec Israël se sont concentrés
sur trois domaines : la mise à niveau des équipements de l'ère soviétique, les
achats d'armes de pointe, et la production conjointe de matériel militaire. Le
Kazakhstan est particulièrement intéressé à coopérer avec les entreprises
israéliennes de défense dans les domaines des systèmes sans pilote, de la
sécurité des frontières, des capacités de commandement et de contrôle et des
communications par satellite. IMI produit des systèmes d'armes et modernise
ceux qui sont intégrés dans les forces armées ; Elbit Systems développe et
modernise divers systèmes d'armes, des véhicules aériens sans pilote (UAV),
l'avionique, les radars et les satellites de reconnaissance ; tandis que Rafael
produit divers missiles et systèmes de défense de la technologie des avions et
des missiles tactiques.
T72 |
Israël intervient pour le reconditionnement des vieux matériels de l'ère soviétique et pour l'optimisation technique des usines de fabrication locale. Ainsi, les entreprises militaires israéliennes ont signé de nombreux contrats pour la mise
à niveau de 600 chars soviétiques T-72, et de l'avionique du Sukhoi-25 des
forces de l'air Kazakhes. Ces accords ont permis de faire passer les
exportations israéliennes de 2,58 en 2001 à 7,4 milliards$ en 2010. Le Kazakhstan
construit actuellement, sous licence, le lance-roquettes multiples Naiza,
monté sur un châssis de camion, le canon tracté Aibat de 120mm, et le mortier
Semser, automoteur d’artillerie sur châssis de camion. Ces trois matériels
disposent de systèmes de navigation par satellite assurant la précision des
tirs et de systèmes de transmissions de données les reliant à des drones de
reconnaissance. De plus, l'industrie de l'armement du Kazakhstan espère
maintenant vendre des systèmes d'artillerie de conception israélienne, fabriqués
sous licence, à destination d'autres pays d'Asie centrale. Les responsables israéliens envisagent aussi de fournir des systèmes de drones pour la sécurité des frontières, des
capacités de commandement et de contrôle et les communications par satellite.
Shimon Peres en 2009 |
Mais les relations
bilatérales entre l’Iran et le Kazakhstan ont, à une certaine période, inquiété
Israël. Le président Shimon Peres s’était alors rendu sur place en 2009 à Astana pour
demander à Astana de cesser de vendre du minerai d'uranium à la République
islamique. Il a été entendu.
Synagogue d'Astana (Photo d'Albert Guenoun) |
La
communauté juive au Kazakhstan avait bondi de façon spectaculaire d’une part lorsque
Staline avait décidé d’exiler des milliers de Juifs de la zone de résidence et
d’autre part avec l’apport de plus de 8.500 Juifs rescapés de la Seconde Guerre
mondiale. Depuis 1989, près de 10.000 Juifs kazakhs ont émigré en Israël. La
première synagogue du pays a été ouverte en 2001 avec un centre communautaire. Aujourd'hui, la communauté juive du Kazakhstan
est évaluée à 3.300 âmes dans plus de 20 organisations juives et 14 écoles dont
certaines sont parrainées par l’Agence juive.
Benjamin
Netanyahou a profité de son voyage pour demander à Nazarbaïev de soutenir la
candidature d’Israël à occuper un fauteuil au Conseil de Sécurité, en retour, sachant que Jérusalem
avait appuyé la candidature au Conseil de Sécurité du Kazakhstan qui y siégera
en tant que membre non permanent le 1er janvier 2017.
2 commentaires:
Il ressort que ces pays d'Asie de l'ex URSS sont les seuls, quelque peu, des pays musulmans à avoir une situation de la femme meilleure que les autres pays musulmans du même continent ou ceux arabophones d'Afrique. En outre il y apparaît moins de haine anti-israélienne qu'ailleurs des pays musulmans. Peut être que le "sevrage obligatoire" au matérialisme dialectique et historique sous la férule soviétique y est pour quelque chose.
Je comprends mieux maintenant pourquoi Israel, proche de beaucoup de pays réticents à s'équiper en matériel américain ou russe, est devenu l'intérêt des Grandes puissances. Les USA en repli, ont besoin d'Israël (toujours fidèle aux USA) pour conserver leurs positions (bases militaires, contrats,...). Les russes qui sont sur l'offensive pour installer des bases en Syrie, en Lybie (Méditerranée !) mais surtout garder leurs positions en Asie Centrale, leur "ventre mou" depuis les indépendances post-1989. Sans parler de l'Inde...
Quel beau travail accompli depuis tant d'années. Merci surtout à Mr Liberman pour sa vision et ses efforts.
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