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vendredi 1 juillet 2016

L'Histoire troublée des relations Turquie-Israël 2/4 Premiers accrocs



L’HISTOIRE TROUBLÉE DES RELATIONS TURQUIE-ISRAËL

2/4 - Premiers accrocs

Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps



Erdogan à Jérusalem

Lors du déclenchement de la Seconde Intifada, à l’automne 2000, la Turquie voulut quand même maintenir sa relation privilégiée avec Israël et refusa donc d’interférer dans les affaires intérieures israéliennes . Cela ne l’empêcha pas de s’intéresser aux problèmes rencontrés par les Palestiniens qui ont toujours été loyaux vis-à-vis de l’Empire ottoman. Malgré la neutralité du gouvernement, la presse turque ne cessa de critiquer avec force la répression israélienne. 



Yossi Sarid

Israël ne tarda pas à réagir à travers le ministre de l’Éducation, Yossi Sarid, qui proposa l’instauration d’une journée de commémoration du génocide arménien ; un tabou en Turquie. En réaction, la nomination du professeur Ehud Toledano comme ambassadeur à Ankara, fut récusée par la Turquie sous prétexte qu’il avait accusé la Turquie de massacres sur le peuple arménien quelques années plus tôt.
Erkaban

Un tournant va s’opérer en novembre 2002, avec la victoire aux élections générales de l’AKP (Parti pour la justice et le développement). Les militaires turcs gardaient cependant  l’illusion qu’ils pouvaient préserver les intérêts turcs et israéliens mais la Turquie n’était plus celle de 1997 quand l’armée avait poussé à la démission le premier ministre Necmettin Erbakan, proche des islamistes. Les Turcs opèrent alors un revirement. En mars 2003, ils s’opposèrent à l’intervention américaine en Irak, et interdirent leur territoire aux forces engagées dans l’opération. Les Israéliens, qui voyaient dans la chute de Saddam Hussein une priorité absolue, interprétèrent cette attitude comme un accroc sérieux dans leurs relations avec les Turcs.
Pour maintenir un Irak faible et surtout divisé, les Israéliens apportèrent leur soutien aux Kurdes irakiens au grand dam des Turcs. Mais Israël ne pouvait se passer de l’appui turc face à la Syrie et à l’Iran et c’est pourquoi tout sera fait pour ménager Ankara. Shimon Pérès, Ariel Sharon, Ehud Barak et le général Benjamin Ben Eliezer se rendirent à Ankara en mission de bons offices sans tenir compte de la prudence de l’État-major israélien qui refusa de diffuser aux Turcs les informations du satellite de reconnaissance Ofek-4. Les Industries Aéronautiques Israéliennes s’opposèrent de leur côté à l’intégration de certains composants ultra-perfectionnés dans le programme de modernisation des chasseurs turcs F-5. La Turquie se tourna alors vers l’Allemagne pour acquérir plusieurs centaines de chars Léopard 2 d’occasion.
Yasar Buyukanit

La situation ira en s’envenimant durant la deuxième guerre du Liban de 2006. Erdogan condamna publiquement «l’action disproportionnée et les frappes de l’armée israélienne», tout en assurant discrètement Israël de son soutien face aux périls qui menaçaient la région. Il montra ainsi son attachement à la «Triple Alliance» unissant Israël, la Turquie et les États-Unis en nommant à la tête des armées le général Yasar Buyukanit, connu pour ses sympathies envers les dirigeants militaires américains et israéliens. Mais il contrebalança cette décision en accueillant à grandes pompes à Ankara Khaled Mechaal, chef politique du Hamas, ce qui ne manqua pas d’attirer la colère des Israéliens.
Mechaal-Erdogan

Mais les deux pays ont toujours veillé à sauvegarder leurs intérêts communs. La Turquie aida en particulier Israël à mettre un terme au programme nucléaire clandestin syrien. Dans la nuit du 5 au 6 septembre 2007, l’aviation israélienne détruisit le site nucléaire d’Al-Kibar, après avoir survolé le territoire turc dans les deux sens. Les aviateurs israéliens commirent l’erreur, peut-être volontaire, de larguer des réservoirs supplémentaires au-dessus du territoire turc en laissant des traces visibles de leur passage. Ehud Olmert et Shimon Pérès furent contraints de présenter leurs excuses officielles et de  promettre l’arrêt de tout appui aux Kurdes d’Irak. Ils s’engagèrent par ailleurs à livrer à Ankara dix drones Héron pour lutter contre le PKK.
Abdullah Gül

L’élection de l’islamiste Abdullah Gül (AKP) à la présidence de la République, le 28 août 2007, conforta l’idée que les militaires n’étaient plus en état de faire obstacle à la politique pro-islamique du gouvernement. Fini le temps où ils pouvaient dicter leur loi. Le gouvernement israélien réagit immédiatement en annulant le projet de construction de la canalisation pour l’acheminement d’eau douce depuis la Turquie. Il fut mis fin aux discussions sur l’oléoduc Ceyhan-Ashkelon tandis que le premier ministre turc essaya de raviver les relations bilatérales déplorables en se rendant en visite officielle en Israël.
Malgré une intransigeance de circonstance, le pouvoir islamique turc n’a jamais cherché à gêner la coopération politique. Face à l’amélioration des relations entre la Turquie et la Syrie, Erdogan  proposa à Jérusalem, fin 2007, d’intervenir en médiateur dans une négociation de paix entre Israël et la Syrie. L’année 2008 verra quatre rounds de négociations secrètes entre Jérusalem et Damas, via l’intermédiaire de diplomates turcs, avec des progrès substantiels. Un accord technique fut atteint sur le principe de la restitution du Golan annexé en 1981, moyennant sa démilitarisation totale et sa transformation en «zone franche» ; mais les dirigeants des deux côtés n’étaient pas déterminés à sauter le pas. Israël prendra prétexte du réarmement du Hamas par Damas et de tirs incessants de roquettes sur Sdérot  pour ajourner le cinquième round de négociations.
La guerre de Gaza en janvier 2009 bouleversa les relations turco-israéliennes. Le gouvernement turc appela les belligérants à la retenue tandis que les médias turcs se déchaînaient en  accusant Israël de s’attaquer à des civils. Israël fut contraint de rappeler tous les pilotes israéliens qui s’entraînaient en Turquie et pointa du doigt les nombreux convois d’armes iraniennes qui traversaient la Turquie à destination du Hezbollah et du Hamas. L’opération «Plomb durci» prit fin le 18 janvier 2009, quelques jours seulement avant l’entrée à la Maison Blanche de président Barack Obama. Face au millier de victimes palestiniennes , les autorités turques se sentirent dans l’obligation de réagir publiquement. Le 29 janvier, après un débat houleux avec le président israélien Peres, Erdogan claqua la porte de Davos pour devenir aussitôt un héros pour l’ensemble du monde arabe. Le gouvernement moribond d’Olmert n’arriva pas à juguler la colère du premier ministre turc. Quelques semaines plus tard, la nomination de Benjamin Netanyahou à la tête d’un gouvernement de droite ne fit qu’attiser la mésentente affichée entre Jérusalem et Ankara d’autant plus que le nouveau ministre des affaires étrangères, Avigdor Lieberman, multipliait les déclarations provocantes à l’égard des autorités turques.
Davos

Le partenariat avec la Turquie faisait l’objet d’un vaste consensus dans la classe politique israélienne à l’exception des partis russophone et ultra-religieux. Les premiers s’opposaient par principe à la Turquie tandis que les religieux ne se voyaient pas discuter et composer avec un État musulman. Or la survie de la coalition israélienne dépendait de ces partis charnières qui profitèrent de leur position pour saper l’amitié turco-israélienne. Dès lors, le gouvernement turc se senti libre de changer de politique moyen-orientale et se rapprocha des pays arabes avec l’ambition secrète cependant de prendre le leadership du monde musulman à la suite de l'Egypte.



À suivre …. 3/ La rupture

Lien pour la partie 1

 http://benillouche.blogspot.co.il/2016/06/lhistoire-troublee-des-relations.html



2 commentaires:

Marianne ARNAUD a dit…

Où on se rend compte que les amis de nos amis ne sont pas forcément nos amis. Tandis que, de surcroît, nos amis ont de plus en plus tendance à se comporter comme les ennemis de nos amis. Et que nous-mêmes discernons de plus en plus mal, qui sont nos amis et qui sont nos ennemis. Devant cet imbroglio devenu incompréhensible et inextricable qui va s'aggravant au fil du temps, il ne semble plus que la moindre réconciliation soit possible.

A suivre....

Aaron a dit…

En politique, il n'y a pas d"amis " mais seulement des intérêts..; Cela s'est vérifié dans le passé lorsque les Etats-Unis ont sacrifié le régime de Fomose pour reconnaître la Chine communiste et les Britanniques le gouvernement de Ian Smith en Rhodésie.....Cela s'apparente à une trahison.