LE
REGARD DE JACQUES BENILLOUCHE POUR
TRIBUNEJUIVE.INFO
LA POSITION
AMBIGÜE DE LA TURQUIE
La Turquie ne semble pas avoir définitivement fixé la position à
adopter vis-à-vis d’Israël. Elle donne l’impression d’avoir eu la main forcée
par Barack Obama qui avait mandaté son secrétaire d’État John Kerry auprès de Tayyip
Erdogan pour obtenir une réconciliation entre les deux anciens alliés. Les
excuses présentées par Benjamin Netanyahou au gouvernement turc n’ont pas
totalement débloqué la situation. Et pourtant la gravité de la situation aux
frontières avec la Syrie impose le renouvellement de la coopération entre
Ankara et Jérusalem pour gérer ensemble le problème des armes chimiques risquant
de tomber entre des mains ennemies.
Arrogance israélienne
Kerry et Erdogan |
Au
cours de la première année de la révolution en Syrie, Israël avait fait des
estimations qui s’avèrent aujourd’hui erronées. Il s’attendait à la chute
inévitable et rapide du régime de Bassar Al-Assad. Or la guerre perdure en
Syrie et, dans ce contexte, Obama avait exercé des pressions fortes sur le
premier ministre turc pour qu’il renoue avec Israël afin de maintenir un front
commun contre la Syrie.
Erdogan
donne pourtant l’impression de chercher à mettre Israël à l’épreuve pour «casser son arrogance»
à vouloir se comparer à la puissante Turquie. Il estime que sa population de 70
millions d’habitants, la taille de son pays et le million de soldats turcs
n’ont rien de comparable avec les chiffres concernant Israël, dont l’armée
certes forte, est en état d’infériorité numérique et dont l’espace territorial
est presque un confetti. L’orgueil d’Erdogan n’a pas de limite et il rêve de
restituer à la Turquie ses splendeurs du passé, du temps de l’empire ottoman. C’est
pourquoi il cherche à imposer, en mégalomane, son influence dans un
Proche-Orient où règnent des potentats arabes anachroniques.
Empire ottoman |
Il n’arrive pas à effacer de sa
mémoire l’incident de la flottille de Gaza qu’il considère comme une insulte en raison de ses neufs morts. Il semble à présent vouloir obtenir plus que les excuses déjà
présentées. Il a compris qu’il pouvait d'abord tirer un grand bénéfice à des fins de
politique intérieure, ensuite renforcer le statut de la Turquie dans le monde musulman
et enfin marquer quelques points vis-à-vis de la communauté internationale. Il est
convaincu que seuls les intérêts régissent les rapports entre États.
Liberté de la presse
rognée
C’est pourquoi Tayyip Erdogan
poursuit sa stratégie pour devenir l’homme fort à la fois dans son pays et au
Moyen-Orient. Il accroit son travail de sape contre ceux qui lui résistent. Il
a réduit au silence les généraux de son armée, mis à la retraite d’office ou
emprisonnés. Il s’attaque à présent aux journalistes qu’il veut museler parce qu’ils
font preuve de trop de liberté à son gré. Sur un diktat du premier ministre, la direction du grand journal turc, Habertürk, a
été contrainte de limoger une de ses plumes célèbres, la journaliste Amberin Zaman,
parce qu’elle critiquait le gouvernement sur sa position à l’égard de la
réconciliation avec les Kurdes. Le chroniqueur Milliyet Hasan Cemal a connu le
même sort.
Amberin Zaman |
Plus de 30 journalistes ont été
touchés par des mesures similaires dans tout le pays, donnant une image
dégradée de la démocratie en Turquie, dirigée par le «Nouveau Sultan»,
sobriquet donné par la presse à Erdogan en
raison de sa volonté hégémonique
d’être le chef incontesté d’un État quasi-islamique. Le gouvernement n’apprécie
pas la manière dont les journalistes couvrent le conflit avec la Syrie. Ainsi
la journaliste vedette Ceyda Karan, de la télévision Habertürk-TV a été elle-aussi licenciée pour avoir présenté un reportage sur le soutien turc à l’ASL
(armée syrienne libre), jugé offensant sinon maladroit. Erdogan verrouille la
presse et a interdit aux journalistes de se rendre en Syrie.
Ceyda Karan |
Provocation
Les israéliens ne comprennent pas le
jeu de balancier auquel s’adonne Erdogan qui souffle le chaud et le froid dans
le but de mieux monnayer auprès des américains sa réconciliation avec Israël. Ainsi
dans une sorte de provocation, le premier ministre turc a annoncé qu’il se
rendrait fin mai à Gaza, après une visite officielle aux États-Unis le 16 mai.
Dans un discours télévisé, il n’a pas précisé la date exacte de ce déplacement
comme s’il voulait laisser l’espace à un revirement. Le déplacement à
Washington était prévu pour avril, mais il a été repoussé sur demande
américaine car les États-Unis ne souhaitaient pas d’interférences avec les négociations
devant se tenir entre la Turquie et Israël.
Sakir Özkan présente ses lettres de créance à Mahmoud Abbas |
Alors qu’Israël avait accepté
d’adresser des excuses officielles à la Turquie et de négocier des indemnités
pour convenir d’un retour en poste des ambassadeurs des deux pays, la Turquie
est devenue le premier pays à mandater un ambassadeur auprès de l’Autorité
palestinienne. Ainsi, l’ambassadeur Sakir Özkan Torunlar, ex-consul turc à
Jérusalem, a présenté ses lettres de créance au chef de l’Autorité
palestinienne Mahmoud Abbas, à la Mouqataa de Ramallah.
Les turcs annoncent qu’ils ne souhaitent
pas être entrainés dans une «sale» négociation sur le montant des
indemnités de réparation à payer pour les morts du Mavi Marmara. Une délégation
israélienne est arrivée à Ankara le 22 avril pour engager des discussions sur la
normalisation des relations diplomatiques et sur la compensation financière pour
les morts du Mavi Marmara.
Yaacov Amidror |
Cette délégation comprendra le
conseiller à la sécurité nationale Yaakov Amidror, ainsi que le représentant du
premier ministre Joseph Ciechanover, ancien directeur général du ministère des
affaires étrangères. Ils auront à négocier face au vice-premier ministre turc
Bulent Arinc et au vice-secrétaire du ministère des affaires étrangères Feridun
Sinirlioglu. Un officiel turc a précisé déjà que la Turquie exigera de
substantiels dédommagements pour les familles des victimes : «Israël
sait parfaitement que nous ne sommes pas dans un processus de marchandage car
parler d’argent en échange de vies humaines n’est pas une chose plaisante».
Il affirme que les négociations ne seront pas faciles mais qu’en aucun cas le
processus de réconciliation ne sera mis en cause.
De leur côté, les israéliens veulent payer le même montant que le gouvernement turc avait payé en 2011 pour dédommager des victimes tuées par son armée, soit 70.000$ par personne. Mais les turcs exigent un montant supérieur car les victimes de la flottille ont été tuées, selon eux, sur ordre du gouvernement israélien.
Bulint Arinc |
De leur côté, les israéliens veulent payer le même montant que le gouvernement turc avait payé en 2011 pour dédommager des victimes tuées par son armée, soit 70.000$ par personne. Mais les turcs exigent un montant supérieur car les victimes de la flottille ont été tuées, selon eux, sur ordre du gouvernement israélien.
En revanche, il est sûr que les organisations touristiques turques tiennent à ce que le conflit soit
résolu au plus vite pour recevoir en masse, cet été, les voyageurs israéliens qui ont mis
comme condition de leur retour l’installation d’un ambassadeur israélien à
Ankara. La saison approche et les millions de dollars de revenus seront les
bienvenus dans les caisses des agences touristiques turques.
http://www.tribunejuive.info/politique/la-position-ambigue-de-la-turquie
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