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samedi 20 octobre 2012

LA BÊTE BOUGE ENCORE EN SYRIE



LA BÊTE BOUGE ENCORE EN SYRIE

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
 
                 
Wissam Al-Hassan

       L’attentat qui vient d’être perpétré à Beyrouth est de la même facture que celui qui a éliminé l’ancien premier ministre Rafik Hariri. Même modus operandi, même haine, même détermination, même acte vengeur, même menace et même avertissement.


Général sunnite

            Empêtré dans un combat de plus en plus violent avec des rebelles déterminés, Bassar Al-Assad veut prouver qu’il garde encore un œil sur le Liban voisin, en tant que parrain qui régente l’avenir d’un pays martyrisé refusant de se soumettre aux diktats d’un président sanguinaire. Il veut prouver qu’il garde sa capacité de nuisance avec l’aide de ses alliés du Hezbollah. Après l'explosion d'une voiture piégée dans le quartier de la place Sassine, en pleine cœur de Beyrouth, le 19 octobre 2012, l’attentat contre le chef du bureau des renseignements des FSI, Wissam El-Hassan,  pourrait marquer un tournant majeur au Liban.

Michel Samaha
 
Ce général sunnite de 47 ans était honni par le régime de Damas qu'il soupçonnait d'être derrière l'assassinat en 2005 de Rafik Hariri. Il se savait en danger puisqu’il avait contraint sa famille à un exil à Paris. Son efficacité à la tête des renseignements ne s’est pas démentie puisqu’il s’est attaqué à la fois aux réseaux islamistes et aux réseaux d’espionnage au profit d’Israël. Il se voulait avant tout nationaliste en agissant contre tous les ennemis de son pays. Il a été jusqu’à arrêter le 9 août l’ancien ministre pro-syrien  Michel Samaha, soupçonné d’avoir planifié, avec l’aide du chef des renseignements syriens Ali Mamlouk, des attentats dans le nord du Liban pour générer un chaos généralisé. Sa proximité avec Rafik Hariri son mentor, dont il avait assuré la sécurité, explique sa vindicte contre les syriens. On s’étonne cependant que, malgré des menaces claires, il ne se déplaçait pas avec «des mesures de sécurité exceptionnelles».
Assassinat politique

Najib Mikati

Cet assassinat politique a pour but de fragiliser le gouvernement de Nagib Mikati après une période de stabilité suite à l’accord de Doha. Il sonne comme un avertissement contre ceux qui prendraient certaines libertés avec le régime de Damas et qui pensent que les difficultés actuelles du régime d’Assad leur rend une indépendance de ton et d’action.
Michel Sleiman
Le président de la République, Michel Sleiman, avait en effet riposté aux déclarations faites par Hassan Nasrallah, revendiquant pour l’Iran et le Hezbollah la paternité du drone abattu par Israël au-dessus de la Cisjordanie. Il avait souligné, dans un communiqué présidentiel : «L’envoi d’un drone au-dessus du territoire de l’ennemi israélien montre à quel point nous avons besoin d’adopter une stratégie défensive susceptible de mettre de l’ordre dans l’opération consistant à tirer bénéfice des capacités de la résistance pour défendre le Liban». Il avait été plus loin en faisant valoir que cet incident «montre aussi la nécessité de mettre en place un mécanisme de prise de décision en vue de l’utilisation de ces capacités de manière conforme aux plans de l’armée et à ses besoins défensifs ainsi qu’à l’intérêt national considéré, en toutes circonstances, de façon exclusive». Le député Sair Jisr avait abondé dans ce sens en estimant que l’envoi par le Hezbollah d’un drone au-dessus d’Israël visait à «détourner l’attention de ce qui se passe en Syrie et de l’implication de membres du Hezbollah dans ces événements».
Le premier ministre Mikati avait emboîté le pas au président Sleiman et réprouvé toute action unilatérale contre Israël. Il avait saisi l’occasion du Conseil des ministres pour tancer le Hezbollah : «Toute position ou action libanaise sur le terrain visant à faire face aux violations israéliennes répétées de la souveraineté libanaise, que cette position ou action soit politique, diplomatique ou sécuritaire, ne saurait être envisageable, tant au niveau du timing que des moyens mis en œuvre, en dehors d’un consensus national global. Le gouvernement libanais renouvelle dans ce cadre son engagement à appliquer la résolution 1701 dans son intégralité et il invite la communauté internationale à faire pression sur Israël afin qu’il mette un terme à ses violations de la souveraineté libanaise.»
Critiques au sommet

Walid Joumblatt

            En août 2012, le chef druze Walid Joumblatt avait adressé des critiques sans précédent au Hezbollah, aux côtés duquel il siège au sein du gouvernement de Najib Mikati. Cette violente charge pouvait signifier un revirement du dirigeant libanais anti-syrien. Il avait remis en cause l’utilité de l’armement du Hezbollah et la légitimité de sa lutte contre Israël. Il avait estimé que l’équilibre de la terreur avec les israéliens, hors du cadre de l’État, est de nature à entraîner le Liban dans des désastres. Il a qualifié d’«obscure» la formule d’alliance entre l’armée, le peuple et la résistance, défendue par le Hezbollah pour justifier le maintien de son arsenal. Accusant le Hezbollah de vouloir étendre son hégémonie sur le Liban, Walid Joumblatt a cherché à rassembler autour du gouvernement les hommes politiques inquiets des dérives des islamistes. Il s’est posé la question de savoir si l’arsenal du Hezbollah était au service de l’Iran ou pour la défense du Liban.
            Ces prises de position fermes de ces hauts dirigeants libanais ont convaincu Bassar Al-Assad que ses protégés prenaient des libertés inadmissibles et qu’il fallait sévir en frappant au sommet pour prouver qu’il gardait la haute main sur la sécurité du pays. Il dispose encore au Liban du relais des islamistes du Hezbollah qui contrôlent une grande partie du pays avec un armement surdimensionné par rapport à celui de l’armée légale. 
      Il faut se rendre à l’évidence que le Liban a perdu sa neutralité et que c’est un leurre de croire que le Hezbollah est là pour libérer quelques parcelles encore occupées par Israël.  Il est clair que Nasrallah agit pour «la libération de la Palestine» et pour la défense de l’Iran dans le cadre d’un champ de bataille ouvert aux luttes des axes. Ces combats politiques concernent de moins en moins le Liban, autrefois pacifique. Le pays du Cèdre doit profiter de ces circonstances dramatiques pour renouer avec ses vrais amis afin de libérer le pays des éléments néfastes qui concourent à mettre à feu et à sang l’ancienne Suisse du Moyen-Orient. Il aura certainement besoin d’une aide internationale mais encore faut-il qu’elle intervienne à temps.

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