LA BÊTE BOUGE ENCORE EN SYRIE
Par
Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
Wissam Al-Hassan |
L’attentat qui
vient d’être perpétré à Beyrouth est de la même facture que celui qui a éliminé
l’ancien premier ministre Rafik Hariri. Même modus operandi, même haine, même
détermination, même acte vengeur, même menace et même avertissement.
Général sunnite
Empêtré dans un combat de plus en
plus violent avec des rebelles déterminés, Bassar Al-Assad veut prouver qu’il
garde encore un œil sur le Liban voisin, en tant que parrain qui régente
l’avenir d’un pays martyrisé refusant de se soumettre aux diktats d’un président
sanguinaire. Il veut prouver qu’il garde sa capacité de nuisance avec l’aide de
ses alliés du Hezbollah. Après l'explosion d'une voiture piégée dans le
quartier de la place Sassine, en pleine cœur de Beyrouth, le 19 octobre 2012,
l’attentat
contre le chef du bureau des renseignements des FSI, Wissam
El-Hassan, pourrait marquer un tournant
majeur au Liban.
Michel Samaha |
Ce général sunnite de 47 ans était honni par le régime de Damas qu'il
soupçonnait d'être derrière l'assassinat en 2005 de Rafik Hariri. Il se savait en
danger puisqu’il avait contraint sa famille à un exil à Paris. Son efficacité à
la tête des renseignements ne s’est pas démentie puisqu’il s’est attaqué à la
fois aux réseaux islamistes et aux réseaux d’espionnage au profit d’Israël. Il se
voulait avant tout nationaliste en agissant contre tous les ennemis de son pays.
Il a été jusqu’à arrêter le 9 août l’ancien ministre pro-syrien Michel Samaha, soupçonné d’avoir planifié,
avec l’aide du chef des renseignements syriens Ali Mamlouk, des attentats dans
le nord du Liban pour générer un chaos généralisé. Sa proximité avec Rafik
Hariri son mentor, dont il avait assuré la sécurité, explique sa vindicte
contre les syriens. On s’étonne cependant que, malgré des menaces claires, il ne
se déplaçait pas avec «des mesures de sécurité exceptionnelles».
Cet assassinat politique a pour but de fragiliser le gouvernement
de Nagib Mikati après une période de stabilité suite à l’accord de Doha. Il
sonne comme un avertissement contre ceux qui prendraient certaines libertés
avec le régime de Damas et qui pensent que les difficultés actuelles du régime
d’Assad leur rend une indépendance de ton et d’action.
Michel Sleiman |
Le président de la République, Michel Sleiman, avait en effet riposté aux déclarations faites par Hassan Nasrallah,
revendiquant pour l’Iran et le Hezbollah la paternité du drone abattu par
Israël au-dessus de la Cisjordanie. Il avait souligné, dans un
communiqué présidentiel : «L’envoi d’un drone au-dessus du territoire
de l’ennemi israélien montre à quel point nous avons besoin d’adopter une
stratégie défensive susceptible de mettre de l’ordre dans l’opération
consistant à tirer bénéfice des capacités de la résistance pour défendre le
Liban». Il avait été plus loin en faisant valoir que cet incident «montre
aussi la nécessité de mettre en place un mécanisme de prise de décision en vue
de l’utilisation de ces capacités de manière conforme aux plans de l’armée et à
ses besoins défensifs ainsi qu’à l’intérêt national considéré, en toutes
circonstances, de façon exclusive». Le député Sair Jisr avait abondé dans
ce sens en estimant que l’envoi par le Hezbollah d’un drone au-dessus
d’Israël visait à «détourner l’attention de ce qui se passe en Syrie et de
l’implication de membres du Hezbollah dans ces événements».
Le premier ministre Mikati avait emboîté le pas au président
Sleiman et réprouvé toute action unilatérale contre Israël. Il avait saisi l’occasion
du Conseil des ministres pour tancer le Hezbollah : «Toute position ou
action libanaise sur le terrain visant à faire face aux violations israéliennes
répétées de la souveraineté libanaise, que cette position ou action soit
politique, diplomatique ou sécuritaire, ne saurait être envisageable, tant au
niveau du timing que des moyens mis en œuvre, en dehors d’un consensus national
global. Le gouvernement libanais renouvelle dans ce cadre son engagement à
appliquer la résolution 1701 dans son intégralité et il invite la communauté
internationale à faire pression sur Israël afin qu’il mette un terme à ses
violations de la souveraineté libanaise.»
En août 2012, le chef druze Walid
Joumblatt avait adressé des critiques sans précédent au Hezbollah, aux côtés
duquel il siège au sein du gouvernement de Najib Mikati. Cette violente charge
pouvait signifier un revirement du dirigeant libanais anti-syrien. Il avait
remis en cause l’utilité de l’armement du Hezbollah et la légitimité de sa
lutte contre Israël. Il avait estimé que l’équilibre de la terreur avec les
israéliens, hors du cadre de l’État, est de nature à entraîner le Liban dans
des désastres. Il a qualifié d’«obscure» la formule d’alliance entre
l’armée, le peuple et la résistance, défendue par le Hezbollah pour justifier
le maintien de son arsenal. Accusant le Hezbollah de vouloir étendre son
hégémonie sur le Liban, Walid Joumblatt a cherché à rassembler autour du
gouvernement les hommes politiques inquiets des dérives des islamistes. Il s’est
posé la question de savoir si l’arsenal du Hezbollah était au service de l’Iran
ou pour la défense du Liban.
Ces prises de position fermes de ces
hauts dirigeants libanais ont convaincu Bassar Al-Assad que ses protégés
prenaient des libertés inadmissibles et qu’il fallait sévir en frappant au
sommet pour prouver qu’il gardait la haute main sur la sécurité du pays. Il
dispose encore au Liban du relais des islamistes du Hezbollah qui contrôlent
une grande partie du pays avec un armement surdimensionné par rapport à celui
de l’armée légale.
Il faut se rendre à l’évidence que le Liban a perdu sa neutralité et que c’est un leurre de croire que le Hezbollah est là pour libérer quelques parcelles encore occupées par Israël. Il est clair que Nasrallah agit pour «la libération de la Palestine» et pour la défense de l’Iran dans le cadre d’un champ de bataille ouvert aux luttes des axes. Ces combats politiques concernent de moins en moins le Liban, autrefois pacifique. Le pays du Cèdre doit profiter de ces circonstances dramatiques pour renouer avec ses vrais amis afin de libérer le pays des éléments néfastes qui concourent à mettre à feu et à sang l’ancienne Suisse du Moyen-Orient. Il aura certainement besoin d’une aide internationale mais encore faut-il qu’elle intervienne à temps.
Il faut se rendre à l’évidence que le Liban a perdu sa neutralité et que c’est un leurre de croire que le Hezbollah est là pour libérer quelques parcelles encore occupées par Israël. Il est clair que Nasrallah agit pour «la libération de la Palestine» et pour la défense de l’Iran dans le cadre d’un champ de bataille ouvert aux luttes des axes. Ces combats politiques concernent de moins en moins le Liban, autrefois pacifique. Le pays du Cèdre doit profiter de ces circonstances dramatiques pour renouer avec ses vrais amis afin de libérer le pays des éléments néfastes qui concourent à mettre à feu et à sang l’ancienne Suisse du Moyen-Orient. Il aura certainement besoin d’une aide internationale mais encore faut-il qu’elle intervienne à temps.
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