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mardi 11 avril 2023

Les risques d'une guerre des drones entre Israël et l'Iran Par Francis MORITZ

 

LES RISQUES D’UNE GUERRE DES DRONES ENTRE ISRAËL ET L’IRAN

 

Par Francis MORITZ

 

Présentation de drones

    La multiplications des actes de violences dans les territoires sous la responsabilité de l’Autorité Palestinienne n’a échappé à personne et certainement pas au Hamas. Devant l’effondrement de cette autorité qui n’en a plus que le nom, le Hamas a saisi l’occasion de lancer une action de grande envergure pour y prendre un pouvoir sinon formel, mais de fait, en vue de l’avenir. Dans le même temps, on constate une intensification des raids aériens israéliens en Syrie, contre des cibles iraniennes directement ou celles de ses milices, voire sur des objectifs syriens. Parallèlement les États-Unis ont procédé à plusieurs opérations de représailles pour donner suite à une attaque manifestement iranienne sur une de leurs bases qui a fait une victime.


débris de drone envoyé sur l’Iran, présumé d’origine israélienne


La complexité de la situation croit chaque jour, alors que la Russie laisse faire, que le ministre de la Défense Yoav Gallant est renvoyé du gouvernement avec sursis et que le premier ministre réfléchi à le réintégrer, peut-être, comme l’y invite le presque-ministre de l’intérieur Arie Dehry (qui avait pris l’engagement de quitter la politique, dans un accord avec la justice qui l’avait condamné) mais qu’il essaye de réintégrer tout en détournant la loi. Même Hollywood ne pourrait imaginer un scénario plus compliqué et pourtant réel et oh combien dangereux.

Le contexte

Dans un passé récent des membres des Gardiens de la Révolution, les véritables maîtres de la république des Mollahs, ont été éliminés dans des circonstances diverses qu’on attribue, le plus souvent, à Israël ou aux États-Unis. On peut donc s’attendre à ce que le régime veuille prendre sa revanche, ne serait-ce que pour ne pas perdre la face, au regard de la situation intérieure pour le moins inquiétante. Le 31 mars, deux officiers supérieurs du corps de cyberguerre membres des Gardiens, de la Force Al Qods (celle de Soleimani éliminé par Washington) ont été à leur tour éliminés. L’Iran a promis des représailles.

Le premier avril, Israël a attaqué plusieurs bases en Syrie, à Al Dabaa proche de Homs, al Shrat et Tiyas, dont tout indique qu’il s’agissait de bases de lancement de drones. Le Hezbollah y entreposait des systèmes électroniques de brouillage et des armes. Les images satellites recueillies après la frappe montrent avec précision que les cibles visées ont bien été atteintes, dont divers équipements d’origine iranienne, radar mobile de surveillance, lanceur mobile de drones notamment. Les informations connues indiquent qu’il s’agit de systèmes développés par la firme Shiraz electronics, contrôlée par les Gardiens, avec une portée présumée de 500 kms.  Les systèmes en place qui étaient stationnés à Al Dabaa depuis 2016 n’avaient jamais été ciblés. 

envoi de drones

C’est donc bien la traduction d’une augmentation notable de la tension et une escalade dans la cyberguerre entre Israël, l’Iran, le Hezbollah et le Hamas à un degrés moindre. Il semble que l’intensification majeure des opérations par Israël avait pour but de bloquer une attaque d’envergure prévue avec un envoi massif de drones, dans la période où Israël célèbre la Pâque. Le drone inconnu qui a pénétré dans l’espace aérien israélien le 2 avril aurait été envoyé en éclaireur pour évaluer les moyens d’interception de Tsahal. A partir de vidéos connues, il semble qu’il s’agissait d’un drone Shahab qui serait une version réduite du drone-suicide Qasef qu’utilisent les Houthis soutenus par l’Iran au Yémen.

La suite, les risques

L’Iran ne voudra pas ou ne pourra pas se limiter à des déclarations de propagande annonçant qu’elle a déjoué une attaque de drones sur ses installations. La propagande se nourrit d’images. On se rappelle que Téhéran s’en était pris à un navire lié à Israël dans le golfe d’Oman au moyen de drones suicides, On ne peut donc exclure une future tentative, aussi loin que possible de l’Arabie son voisin car un tel incident viendrait perturber leurs nouvelles relations diplomatiques. Le risque pour une telle opération, pourrait être une réaction des forces navales américaines très présentes dans ce secteur. Pour les mêmes raisons, des attaques ou l’enlèvement de touristes israéliens à l’étranger serait une autre façon de se venger. Les Gardiens ont démontré que rien ne les arrête dès qu’il s’agit de défendre leurs intérêts. Leur crédibilité est mise en question, tant en Syrie qu’en Iran même où de nombreux incidents sont manifestement le résultat de cyber attaques. Ce qui amène à se poser la question actuelle sur l’asymétrie de la guerre des drones.



Guerre des drones

Le conflit en Ukraine a brutalement mise en lumière la capacité de l’Iran à produire et à fournir à la Russie des centaines de drones capables de provoquer des dommages très importants aux infrastructures et à la population civile.  On doit rappeler l’attaque en 2019 déjà, des installations pétrolières saoudiennes par des drones «inconnus» pas pour tout le monde. L’absence de réaction américaine peut être considérée comme la remise en cause de l’accord historique du 14 février 1945 conclu entre le président Américain Franklin Roosevelt et le roi Ibn Saoud : l’accès ad vitam aeternam au pétrole saoudien en échange d’une protection sécuritaire américaine, quoi qu’il arrive.

Les Saoudiens, depuis lors, ont compris qu’il fallait désormais revoir leurs liens avec Washington qui, à leurs yeux, a failli à les défendre.  Cette passivité des États-Unis, a permis à la Chine de poursuivre sa politique d’implantation au Moyen Orient. L’accord patronné entre Téhéran et Ryad en est la dernière démonstration. On passe allégrement d’une relation bipolaire à une politique multipolaire, dans laquelle le double standard a sa place. La Turquie avait déjà ouvert la voie, membre de l’Otan mais acheteur et utilisateur d’un système de défense aérienne russe et en bonne relation avec Moscou.

Il apparaît que l’apparition des drones a largement modifié les conditions des conflits. Leur sophistication, combinée avec les moyens toujours plus performants de la cyberguerre, constituent un danger nouveau et qui remet en question les grands équilibres traditionnels. On doit prendre en compte que même des petites unités très mobiles peuvent désormais lancer des attaques et se déplacer. Nul doute qu’Israël, producteur des drones Heron est parfaitement conscient de cette nouvelle donne. Cependant le risque de voir des attaques simultanées sur ses frontières nord et sud, ainsi que de la Syrie, ont pris une ampleur qui pose un problème, notamment en raison des faibles distances et de la rapidité des interventions.

Enfin à la suite de la déclaration du ministre de la Défense (limogé mais en période de sursis) Yoav Gallant nous ne permettrons pas à l’Iran et au Hezbollah de nous faire du mal, semble indiquer qu’Israël est déjà prêt à lancer une ou plusieurs actions préventives, d’autant que la question nucléaire sous-tend ce climat de haute tension, qui est alimenté par le caractère fanatique des réactions dans cette période du Ramadan. Le grave incident dans la mosquée Al Aqsa en est un exemple de plus, dans une série déjà longue. Israël ne peut pas continuer à fonctionner avec un gouvernement qui tire à hue et à dia, selon les priorités des partis qui composent la coalition. L’intérêt supérieur du pays doit être la seule priorité au vu des circonstances.

2 commentaires:

Georges Kabi a dit…

Premiere reaction sans aucun rapport avec les drones: Bibi cherche un moyen de se demettre de ses fonctions.
Il faut ajouter, M.Moritz, que les derniers drones lances par la Syrie/Hezbollah/Iran n'ont ete interceptes qu'a l'interieur des frontieres aeriennes d'Israel au dessus de la haute Galilee, mais aussi, au dessus du lac de Tiberiade (il y a 2 ou 3 jours).
Et ce n'est pas un hasard qu'une mobilisation des reserves dans l'Armee de l'Air et dans la DCA a ete lancee hier soir. Il faut aussi imaginer que dans un avenir assez proche le Hamas de Gaza soit pourvu, lui aussi, de drones.

Jean CORCOS a dit…

Encore un excellent article de Francis Moritz, et qui m'a appris beaucoup de choses !
Oui, il y a tout un arrière plan technologique et d'Histoire proche, dans cette guerre à distance que ne cessent pas de se mener Israël et l'Iran depuis une vingtaine années.
Quelques remarques personnelles :
- merci d'avoir rappelé la lâcheté insigne de Trump, au pouvoir en 2019, quand il y a eu l'attaque massive de drones sur les installations pétrolières saoudiennes. On l'a oublié, centrés comme nous le sommes tous sur Israël et l'espoir déçu d'une paix avec l'Arabie.
- cette lâcheté l'a conduit aussi à signer un accord livrant l'Afghanistan clés en main aux Talibans. "Fort en gueule", dur avec les faibles et faible envers les forts, ce type s'il revenait au pouvoir d'ici deux ans vendra l'Ukraine à Poutine, je n'en doute pas.
- enfin, pour en revenir au fond de l'article, il y a un niveau scientifique inquiétant chez les Iraniens, et qui - sans vouloir être méprisant - n'était pas du tout celui des Arabes en guerre avec Israël dans les années 40 à 80. Mais il y a aussi un nationalisme qui nous déconcerte : ces mêmes ingénieurs vivent dans un pays où les femmes sont traitées comme on le sait ; qui mitraille les manifestants, et pend en public des centaines de malheureux chaque année ; et ils continuent de servir le régime, détesté par une majorité de la population ? Pourquoi le font-ils ? Sont-ils des fanatiques ? Sont-ils particulièrement choyés par les mollahs ? Mystère.