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samedi 4 septembre 2021

Dépassé, Mahmoud Abbas ne contrôle plus la Cisjordanie

 

DÉPASSÉ, MAHMOUD ABBAS NE CONTRÔLE PLUS LA CISJORDANIE


Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps

Les forces de sécurité de l'AP bloquent une route à Ramallah le 3 juillet 2021


Les informations filtrent rarement. L’Autorité palestinienne procède de plus en plus à des arrestations et à des répressions contre sa population. 30 militants au moins ont été arrêtés. Tout a été déclenché après la mort dans une prison palestinienne de Nizar Banat, militant des droits de l’homme, assassiné par les sbires d’Abbas. Certains Palestiniens espèrent un parallèle avec l’Égypte quand les 3 et 4 septembre 1981, quatre semaines seulement avant son assassinat, le président Anwar al-Sadate avait lancé une campagne de répression qui avait jeté du jour au lendemain près de 1.600 Égyptiens dans les prisons et parmi eux l’élite des journalistes et des écrivains.


Nawal El Saadawi


Des centaines d'autres avaient été placés en résidence surveillée ou déchus de leurs fonctions officielles dans des associations professionnelles. Les personnes arrêtées étaient des sommités telles que Nawal El Saadawi, éminente médecin et écrivaine féministe. Les tensions entre musulmans et coptes avaient dégénéré en troubles civils dans le quartier al-Zawiya al-Hamra du Caire. Des dizaines de personnes avaient été tuées et des centaines blessées. Sadate avait plus que toléré les activités des militants islamistes dans les premières années de son règne mais il a fini par le regretter en lançant des arrestations qui supprimaient un important tampon politique et augmentaient la probabilité d'activités clandestines et terroristes. Les régimes qui reposent sur un appareil répressif ont une durée de vie limitée.



Mahmoud Abbas a montré sa fragilité quand en avril, il avait décidé de reporter les élections législatives qu’il savait perdues pour lui. Il avait combattu ceux qui étaient solidaires des Palestiniens de Gaza en conflit avec Israël en arrêtant des dizaines d’activistes qui critiquaient la collaboration des services de sécurité palestiniens avec ceux d’Israël. Les arrestations et repressions sont le signe que l’AP a perdu le contrôle de la Cisjordanie. On ne sait pas si l’AP s’effondrera bientôt mais nul ne peut prévoir l’issue de la crise. Les manifestants qui critiquaient la mort de Banat n’étaient pas des militants politiques mais des universitaires, des cinéastes et des poètes choqués par les méthodes de l’AP.

Il n’existe plus de projet national viable car la corruption est à tous les niveaux. Le chef de l’Autorité et ses proches ont le monopole des décisions politiques, marginalisant celles du conseil central de l’OLP qui a appelé à revoir les accords d’Oslo et leurs conséquences, notamment la coordination sécuritaire et les accords économiques avec Israël. L’oppression croissante de l’AP face aux critiques donne à penser qu’elle agit dans un dernier acte de désespoir et que tous les ingrédients d’un effondrement de l’AP se mettent en place. L’exemple de Djénine est flagrant. Dans le camp de réfugiés des jeunes armés s’opposent aux forces de sécurité israéliennes en bravant la police palestinienne.  

Des manifestants portent les portraits de Nizar Banat et une banderole avec l'inscription Dégage Abbas


En réaction, le Premier ministre palestinien Mohammad Chtayyeh s’est trouvé contraint d’appeler l'ONU et les organisations internationales à «protéger le peuple palestinien». L'autorité a perdu sa présence sociale à Djénine et tente de diverses manières de contrôler la sécurité, d'imposer l'ordre et de rétablir le calme mais elle n’y parvient pas et n’est plus écoutée. Les Palestiniens se plaignent que les militants du Hamas ne sont pas arrêtés mais plutôt des opposants laïcs à l’instar de Mazin Qumsiyya, professeur de biologie à l'université de Bethléem et de Birzeit. Dix-sept de ses amis ont été arrêtés lors de la manifestation. Cela démontre le désarroi d’une AP qui n’a plus de stratégie. L'effondrement de l'Autorité palestinienne est en bonne voie. Les gens ne la craignent plus. Même ceux qui sont arrêtés n'ont pas peur et tout devient possible quand l'obstacle de la peur est dépassé. Les militants palestiniens l’expliquent parce que «l'AP s'est retrouvée nue après avoir perdu les sources internes de légitimité - légitimité révolutionnaire, légitimité de la résistance et du consensus national, légitimité des urnes et légitimité de l'accomplissement. Elle n'a eu des sources externes de légitimité - la légitimité du pouvoir et de la sécurité - qu'après l'échec de son projet politique et elle n'a pas adopté de nouveau projet».

Abbas, avec son âge avancé, a perdu le leadership de son peuple et s’est retrouvé dépassé. Il a voulu reprendre l'initiative d’une manière désordonnée en arrêtant plus de 120 personnes.  Il est devenu un vrai fardeau pour son peuple mais il résiste car il détient les clefs du coffre et sans argent aucun leader ne peut s’affirmer car il ne pourra être suivi que s’il distribue des dollars à ses soutiens.

La grande majorité des Palestiniens ne comprends pas la politique américaine et israélienne axée sur une volonté d’empêcher l’AP de s’effondrer. Il est vrai qu’il existe une grande incertitude sur le remplaçant d’Abbas. Le Fatah n'est plus uni et il subit même une forte division illustrée par de nombreuses listes concurrentes aux élections législatives. Par ailleurs Israël est conscient du danger latent en Cisjordanie qui est devenue un véritable réservoir d’armes non contrôlées par l’AP. Dix pistolets, quatre fusils, plus de 130 chargeurs et des armes non assemblées ont été trouvés dans une maison à Hébron.

On s’étonne du silence des factions palestiniennes face aux arrestations des militants palestiniens qui n’ont plus d’espoir de voir se réaliser une alternative politique. L’OLP n’intervient plus et couvre l’AP quelque soit son action.

Des manifestants palestiniens et des forces de sécurité de l'AP s'affrontent à Ramallah le 26 juin 


Alors le risque est grand de voir les Palestiniens se tourner vers le Hamas. Les sondages pour les nouvelles élections sont éloquents en la matière. En Cisjordanie on craint le même scénario qu’en 2007 à Gaza. Ceux qui comme Nizar Banat personnifiaient une troisième voie autre que le Fatah ou le Hamas ont été éliminés. Ils veulent une révolution des idées et non des changements cosmétiques. Ils exigent qu'Abou Mazen et tout son système disparaissent. Le problème est que personne n’ose s’élever contre le président actuel. Mohamed Dahlan s’est bien porté candidat à la relève mais pour des raisons obscures, l’ancien chef de Gaza et des services sécuritaires de Yasser Arafat n’a pas obtenu l’imprimatur des militants palestiniens. Pour lui, les problèmes d'argent ont été résolus grâce au soutien financier des Emirats. 

1 commentaire:

Harry NUSSBAUM a dit…

Voilà à quoi a mené la politique de Bibi qui a constitué, pendant des décennies, à rabaisser et à humilier l'AP !
On ne peut faire la paix qu'avec un adversaire qui maîtrise ses troupes. L'intérêt d'Israël est d'avoir un interlocuteur palestinien disposant de l'autorité nécessaire pour se faire obéir.