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lundi 27 septembre 2021

France et UE, deux leçons magistrales après Kaboul par Francis MORITZ

  

FRANCE ET UE, DEUX LEÇONS MAGISTRALES APRÈS KABOUL

 

Par Francis MORITZ

 

Le premier Ministre australien Scott Morrison lors de sa rencontre avec le président Macron à Paris

     La France et l’Union Européenne ont reçu deux leçons magistrales. Le retrait catastrophique d’Afghanistan s’est fait sans que l’UE ait son mot à dire, comme pour les négociations entre Washington et les Talibans. C’est la première leçon. La seconde est l’annulation «soudaine» de l’énorme contrat des sous-marins entre la France et l’Australie. Ces deux évènements mettent en lumière une première question et sa réponse préliminaire : En matière de défense et de sécurité, quelle est la différence entre un allié et un partenaire ? Entre alliés on se concerte et on prend les décisions stratégiques ensemble. Entre partenaires, on décide, chacun dans son coin de ce qu’on veut partager avec tel de ses partenaires. Dans ces deux occurrences, la France et l’UE sont traités en partenaires, sans plus. 



Domaine maritime de la France

Ce qui nous conduit à deux autres sujets d’envergure, le rôle de la France et de l’UE dans l’Otan et l’UE, hors de l’Otan et une Europe souveraine en matière de défense et de sécurité. Deux pays en Europe disposent de la dissuasion nucléaire, la France et la Grande Bretagne. Exit de cette dernière et rapprochement avec Washington. Ce qui se confirme dans l’affaire australienne. La France outragée, trompée, trahie, qui veut s’affirmer comme grande puissance, n’était pas au courant que depuis des mois se négociait l’achat de sous-marins nucléaires, découvre soudain que dans son dos on ourdissait un complot transatlantique entre Américains, Australiens et Anglais.

Les services de renseignements et le quai d’Orsay, étaient aux abonnés absents. Extravagant, quand on sait que le Premier Ministre australien Scott Morrison a déclaré il y a peu, avoir évoqué il y a trois mois, la possibilité d’annuler le contrat de 2016 lors d’une conversation avec le président français : «Au cours d’un diner prolongé à Paris j’ai clairement indiqué notre préoccupation sur les capacités des sous-marins conventionnels à faire face au nouvel environnement stratégique auquel nous sommes confrontés. C’est un sujet pour lequel l’Australie devra prendre une décision conforme à son intérêt national». Donc l’annulation était dans les tuyaux. En 2016 la France du président Hollande, son ministre de la Défense Jean-Yves le Drian et son ministre de l’Économie Emmanuel Macron - en concurrence avec l’Allemagne -   sous la pression du président Obama et de son vice-président Joe Biden renonçait à vendre à l’Australie des sous-marins nucléaires.

On confond l’importance de la zone économique maritime, qui classe la France seconde derrière les États-Unis et la puissance navale militaire où elle est sixième après les États-Unis, la Russie, la Chine, le Japon et le Royaume Uni. Ce qui relativise la compréhension du dossier. La France, bien que distancée, a des atouts à faire valoir. Paris peut, avec le Charles-de-Gaulle, compter sur le seul porte-avions à propulsion nucléaire d'Europe ; la Marine nationale opère également quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE), dont un est en permanence en mission dans les eaux internationales.  Au-delà, son vaste domaine maritime constitue un maillage majeur dans toute la zone indopacifique. C’est là que la France dispose d’une carte maitresse.

Pendant ce temps, l’Allemagne après l’Afghanistan, pousse à la création d’une «force d’intervention rapide» et à un projet commun de défense de l’UE. Qui dit commun, pense partage et qui dit partage comprend que ça se passe à plusieurs. C’est là que le bât blesse. La France, puissance nucléaire, se voit peut-être à la tête d’une organisation commune mais sous son autorité. Serait-ce une variante de l’Otan mais sans Washington ? Au même moment Washington, Canberra et Londres concluent un accord à trois sans la France et collaboreront aussi dans le cyberespace et l'intelligence artificielle.  Cela montre à quel point les tensions peuvent s'intensifier rapidement dans la zone dans laquelle l'UE entend opérer à l'avenir. Reste à voir comment la France digérera l’échec subi et s’intègrera dans ce nouveau dispositif clairement tourné contre la Chine. Joe Biden va certainement le proposer à la France en «lot de consolation».

Quels enseignements peut-on tirer de la débâcle afghane ? Il faut renforcer la souveraineté de l'UE en matière de sécurité et de défense.  Rendre l’UE capable d'agir dans des missions d'évacuation. À Kaboul, les États membres ont mis 24.000 de leurs nationaux et de leur personnel local en sécurité en l'espace de deux semaines. Les États-Unis ont réussi à évacuer plus de 120.000 personnes grâce à leurs gros porteurs, alors que de nombreux avions de l'UE n'ont pas été utilisés à pleine capacité. Seuls certains États membres étaient prêts à embarquer le personnel local des autres. De plus, chaque pays a mobilisé ses propres ressources et a choisi des liaisons différentes. L'Allemagne a évacué via l'Ouzbékistan, la France via sa base militaire à Abu Dhabi. La Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Roumanie via le Pakistan, l'Italie via le Koweït. L'insuffisance de la mise en commun des ressources a rendu difficile la coordination à Kaboul. 

Sous marin  nucléaire d'attaque le Suffren


L'UE devrait disposer d'un centre intégré de réaction aux crises. Actuellement l’UE dispose au moins de 27 services de renseignements dont la coopération est à géométrie très variable. L’UE gagnerait à disposer d’un service extérieur commun. La France avait signalé les faiblesses des forces de sécurité afghanes à ses partenaires en juin et avait entamé le rapatriement de ses nationaux. On sait qu’il y a un désaccord profond tant sur la création d’une force de réaction rapide qu’en faveur d’une politique militaire commune. La sacro-sainte règle de l’unanimité empêchera toute avancée, sauf à être modifiée. De plus la France n’est pas prête à partager le commandement de sa dissuasion nucléaire. Autant dire que le projet de défense risque de ne jamais décoller d’autant que les deux pays, France et Allemagne, seront en période politiquement électorale pendant les mois qui viennent.

Resterait à définir des objectifs militaires communs, deux tentatives en 1999 et 2003 ont échoué. Les résultats des élections allemandes détermineront la politique de la nouvelle coalition et on ne peut ignorer la relation spéciale entre Washington et Berlin, qui stocke des ogives nucléaires sur son sol.  Le changement pourrait venir après les périodes électorales. Bruxelles propose maintenant aux États membres une nouvelle stratégie dite indopacifique qui emboite le pas aux États-Unis et leur accord avec l’Australie et le Royaume Uni, clairement conçue contre la Chine. Elle exhorte les États de l'UE à avoir une présence militaire dans les océans Indien et Pacifique, les territoires ultra marins contrôlés par la France, qui joueraient un rôle essentiel. Certains sont désignés par l’ONU comme «zones à décoloniser» Dans plusieurs territoires, les mouvements indépendantistes luttent contre la «domination coloniale française». Selon le document stratégique, la Chine entend coopérer selon ses propres intérêts.

Cependant l’Allemagne tient à développer une relation durable avec la Chine, grand client de son industrie. La France n’a pas les mêmes possibilités. L’objectif européen reste étonnant quand on connaît les profondes divergences au sein de l’UE. À défaut de forces navales, on est en passe de mettre les charrues avant les bœufs. De temps en temps les hommes politiques devraient relire leurs classiques, dont voici deux extraits : «L’Angleterre n’a pas d’amis ou d’ennemis permanents ; elle n’a que des intérêts permanents» [1]. En 1967 Charles de Gaulle n’en pensait pas moins :  «Un grand pays n’a pas d’amis. Les hommes peuvent avoir des amis, pas les hommes d’État».  

            [1] Discours de Lord Palmerston aux Communes en 1848

 

2 commentaires:

Georges Kabi a dit…

Je viens de lire que l'Administration americaine avait repousse la demande d'Israel de leur fournir des missiles anti-aeriens a Israel.
Fake-news?

moritz Francis a dit…

Bonjour Mr Kabi, je pense que vous faites reference à ce qui suit, seul dossier actuellement objet de report ou de financement différé, à ma très humble connaissance , je cite :
"Les démocrates de la Chambre retirent le financement du système de défense aérienne d'Israël
Après la pression des démocrates progressistes, le financement a été retiré (ABC) d'un projet de loi visant à empêcher un lock down budgétaire, que la Chambre des représentants des États-Unis a adoptée hier soir. Le Sénat devrait bloquer le projet de loi. Le chef de la majorité à la Chambre, Steny Hoyer (D-MD), a déclaré qu'il présenterait un projet de loi distinct (CNN) pour financer le système israélien Iron Dome"
Bien cordialement,