LE PROJET D’ANNEXION FAIT BOUGER LES LIGNES PALESTINIENNES
Par Jacques BENILLOUCHE
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Le Fatah en 1978 à Tunis |
Jusqu’à
présent les Palestiniens prenaient à la légère les menaces
israéliennes concernant le changement de statut de la Cisjordanie. L’approche
de la date fatidique du 1er juillet les pousse à présent à agir pour
éviter le pire. Conscients de l’échec de leurs dirigeants à bloquer la
détermination israélienne, un groupe de Palestiniens exige à présent, à travers
une pétition, de reconstruire l’OLP (Organisation de libération de la Palestine)
selon une profession de foi : «Nous sommes un groupe du peuple
palestinien, de tous les clans du peuple palestinien, dans la Palestine
historique, les pays d'asile et la diaspora ; nous exigeons l'élection
d'un Conseil national palestinien (CNP), comme première étape de la
reconstruction de l'OLP. La nécessité de cette étape se multiplie à la lumière
du plan «Deal of the Century», qui cherche à liquider la question de Palestine
et de son peuple, et la législation sur les colonies et la judaïsation de
Jérusalem».
Salim Zanoun président du CNP |
Ils s’appuient sur le fait que le Conseil national est
élu au suffrage universel par tous les Palestiniens et que le développement des
moyens de communication et d'information permet désormais,
partout dans le monde, de participer aux élections. Mais une impasse existe sachant
que le Fatah détient son autorité en Cisjordanie et que le Hamas détient son
autorité à Gaza. Pour résoudre cette impasse, ils veulent «organiser le
retour au peuple par le biais du mécanisme électoral et modifier les équilibres
internes des équations politiques palestiniennes de manière démocratique».
L'appel à élire un CNP implique
«une séparation administrative et fonctionnelle entre l'organisation et
l'autorité, la restauration de notre mouvement national à son caractère de
mouvement de libération nationale». Le groupe estimant que «le Conseil
national est l'autorité suprême de l'Organisation de libération, qui définit la
politique, les plans et les programmes de l'organisation, son élection activerait
toutes les énergies du peuple palestinien et insufflerait l'esprit de
l'institution et de la direction collective ainsi que la démocratie dans
l'action nationale palestinienne». Effectivement, tout est pavé de bonnes
intentions, reste à savoir si Mahmoud Abbas acceptera d’ouvrir «la voie à la
reconstruction de l'entité palestinienne».
CNP à Ramallah |
L'intention de ces "révolutionnaires" est bonne car ils veulent faire bouger les lignes figées depuis les accords d'Oslo. Mais la méthode est périmée. Le CNP est effectivement l’instance la plus haute qui représente les Palestiniens
et dont les membres sont «élus par le peuple palestinien au scrutin direct».
Mais les membres certes motivés, qui veulent réformer la gouvernance palestinienne, ne semblent pas avoir appris les éléments de l’Histoire
passée puisqu’ils persistent à ignorer le pragmatisme et les faits accomplis en
Cisjordanie. Ils veulent passer de «la lutte pour une partie du territoire
seulement, à la lutte pour l'ensemble du territoire et à la lutte pour les
droits nationaux palestiniens, individuels et collectifs». C’est à se
demander dans quelle Cisjordanie ils vivent. Ils adoptent encore un discours ressassé,
répété de manière lassante, consistant à rejeter le dogme de deux États pour
imposer une solution qui réponde à la connexion des Palestiniens à l'ensemble
du territoire du Jourdain à la mer Méditerranée, en accueillant tous ceux qui
vivent sur le territoire maintenant ainsi que les réfugiés palestiniens. Un rêve inconscient.
Cette pétition a pourtant été élaborée par un groupe
d'intellectuels, d'universitaires et de journalistes palestiniens indépendants
appelé le Forum palestinien, formé en 2018 pour fournir un espace pour
une discussion palestinienne sur l'avenir du projet national, sans le blocage
des factions. Le forum avait pour but d’exposer une
nouvelle vision et des idées innovantes pour la
reconstruction de l'OLP. En fait l’optimisme fut de courte durée dès qu’il
a été établi que le logiciel palestinien n’avait subi aucun changement et que
l’objectif poursuivi était uniquement un changement de dirigeants pour
appliquer la même politique, pire une politique encore plus intransigeante.
Salman Abou Sitta |
D’ailleurs les dirigeants palestiniens au pouvoir ne
s’y sont pas trompés. Le président du CNP, Salim Zanoun, a rejeté la totalité
du programme car il fallait selon lui s'unir derrière le président Abbas. Le
moment est en effet mal choisi, voire dangereux, alors que les Palestiniens sont
en effet confrontés à l’annexion prévisible de vastes étendues de terres en
Cisjordanie. L’instigateur de la pétition Abu Sitta, a rappelé que la dernière
réunion du CNP avait eu lieu en 1988, en Algérie, et que depuis, de nombreux
membres sont décédés et remplacés par des personnes non élues sur simple
décision de son président.
Salman Abu Sitta est un chercheur palestinien, plus
connu pour son projet révolutionnaire cartographiant la Palestine historique et
développant un plan pratique pour la mise en œuvre du droit au retour des
réfugiés palestiniens. Son travail a été de montrer que le retour des réfugiés
dans leurs foyers est non seulement sacré pour les Palestiniens, légal en vertu
du droit international mais également faisable et possible sans perturbation
majeure pour les «colons juifs» existants en Palestine. Il a constaté que les pays arabes ne soutiennent plus les Palestiniens avec la même vigueur
en raison de la normalisation de leurs relations avec Israël. En conséquence, les
Palestiniens devaient à présent réagir car ils ne s’estiment plus représentés
par la direction actuelle.
Pour l’instant cette pétition ne recueille pas
beaucoup d’adeptes face à une situation économique dramatique. L’idée de changement
est intéressante et innovante mais ce groupe du Forum palestinien
devrait s’atteler plutôt à la rédaction d’un projet sérieux et viable à opposer
au plan du siècle au lieu de ressasser des antiennes.
Les Palestiniens, dans le fond, ont aujourd'hui d’autres chats à fouetter que de changer de dirigeants lorsqu’ils comparent leur situation à celle de leurs frères arabes. En fait, ils semblent résignés et même satisfaits du statu quo qui leur assure un niveau de vie acceptable. Décus par les dirigeants qui se sont succédés, ils envisagent avec réticence tout changement, a fortiori révolutionnaire, même s'il fallait renoncer à la création de leur Etat. Les 120.000 Palestiniens qui travaillent quotidiennement en Israël et dans les implantations israéliennes de Cisjordanie sont satisfaits de leurs salaires israéliens sur la base de 29 shekels (8,6$) de l’heure face aux 8,5 shekels (2,4$) dans leurs territoires. Non seulement le salaire est triple mais ils sont assurés de trouver du travail. Un travailleur fait vivre trois familles. En fait, ils sont vaccinés contre les promesses stériles.
Les Palestiniens, dans le fond, ont aujourd'hui d’autres chats à fouetter que de changer de dirigeants lorsqu’ils comparent leur situation à celle de leurs frères arabes. En fait, ils semblent résignés et même satisfaits du statu quo qui leur assure un niveau de vie acceptable. Décus par les dirigeants qui se sont succédés, ils envisagent avec réticence tout changement, a fortiori révolutionnaire, même s'il fallait renoncer à la création de leur Etat. Les 120.000 Palestiniens qui travaillent quotidiennement en Israël et dans les implantations israéliennes de Cisjordanie sont satisfaits de leurs salaires israéliens sur la base de 29 shekels (8,6$) de l’heure face aux 8,5 shekels (2,4$) dans leurs territoires. Non seulement le salaire est triple mais ils sont assurés de trouver du travail. Un travailleur fait vivre trois familles. En fait, ils sont vaccinés contre les promesses stériles.
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