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mardi 16 juin 2020

Israël craint la situation d'insurrection au Liban


ISRAËL CRAINT LA SITUATION D’INSURRECTION AU LIBAN

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps


La situation explosive au Liban risque de mener à une véritable insurrection. Israël observe les évènements avec beaucoup d’inquiétude car ils pourraient tenter le Hezbollah d’intervenir avec sa milice face à une armée libanaise peu équipée et dévalorisée. Un signe ne trompe pas. Le président de l’État israélien, Réouven Rivlin,  qui est censé «inaugurer les chrysanthèmes», est sorti de sa réserve pour prendre une position politique inhabituelle. Il a toujours été très consensuel et très modéré dans ses interventions, en laissant la politique aux bons soins du gouvernement. Les déclarations belliqueuses ne sont pas dans son ADN.




Il vient de mettre en garde le Liban pour lui éviter toute aventure dramatique : «Israël tient le Liban et son gouvernement responsables de toute activité du Hezbollah visant des cibles israéliennes. Aussi longtemps que le Hezbollah sera une composante du Liban et de son gouvernement, aussi longtemps que ce groupe continuera à exploiter le peuple libanais pour servir les intérêts de pays étrangers, la responsabilité de la souveraineté incombe au gouvernement du Liban qui sera tenu responsable de toute action commise par le Hezbollah depuis le territoire libanais. Israël n'hésitera pas à porter un coup fatal à son ennemi où qu'il soit, et ne reculera jamais devant l'affrontement».
Cette déclaration inhabituelle du président résulte du chaos existant à l’heure actuelle au Liban, à la limite de la guerre civile. De nombreuses manifestations éclatent à travers tout le pays pour des raisons, pour l’instant, économiques. Mais les motivations pourraient vite évoluer. La livre s’est effondrée. Le dollar qui cotait 3.890 livres le 3 juin n’est pas loin des 7.000 et il est probable qu’il évoluera encore vers le haut. Sous prétexte d’une monnaie en ruine, les manifestants ont bloqué des routes et des rues car il n’y a plus de dollars en circulation. La conversion de la livre en dollars permet à la population de protéger ses revenus et ne pas trop souffrir de la décote car les salaires ont chuté de 70% depuis le mois d’octobre par rapport au dollar.



Devant cette chute brutale de revenus, la grogne a décuplé. La population s’en est prise aux banques qui ont été incendiées. Elle ne comprend pas qu’on puisse encore soutenir le premier ministre Hassan Diab incapable d’endiguer la baisse de la livre et accusé de soigner un cancer avec de l’aspirine. C’est la pire crise économique depuis des décennies. En raison du contrôle des capitaux et de la limitation des retraits en dollars, les citoyens, qui avaient l’habitude de protéger leurs économies en achetant des dollars, sont tombés dans la pauvreté et leur situation a été aggravée par la pandémie. La réunion d’urgence du Cabinet n’a pas donné de résultats probants alors qu’on attendait des mesures pour faire baisser le taux de change de la livre. Le nouveau gouvernement semble tout à fait dépassé par les évènements.
Gouvernement Diab

Le président Michel Aoun a exigé de la Banque centrale qu’elle injecte sur le marché des dollars américains pour freiner la chute libre de la livre. La grogne est telle que les manifestants s’en prennent aux soldats bombardés de pierres et pire parfois, attaqués aux bombes à essence. Les forces de l’ordre ont dû riposter par des gaz lacrymogènes contre les cocktails Molotov. Les Libanais sont poussés par le désespoir de la faim car tous les produits de base sont devenus inabordables. L’extension du chômage a aggravé la situation. Les prémices de la guerre civile de 1975 semblent présentes. Près de la moitié des six millions d'habitants du Liban vit désormais en dessous du seuil de pauvreté en raison de l’inflation galopante.
Le gouvernement libanais a demandé l’aide du FMI (Fonds monétaire international) qui impose toujours des réformes économiques douloureuses, alors que le système politique est communautaire, voire sectaire. Il existe encore de fortes résistances malgré les faillites de centaines d’entreprises, entraînant un chômage de plus de 30%. On se souvient que le Liban a déjà été incapable en mars 2020 de régler sa dette extérieure.
Mais la corruption sévit dans tout le pays, à tous les niveaux ce qui excite la colère des citoyens à travers tout le Liban, à Tripoli, à Sidon, dans la plaine de la Bekaa et en plein centre de Beyrouth. A la mise à feu d’agences de banques, répondent les tirs de balles de caoutchouc des forces de sécurité totalement débordées.
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Des zones majoritairement chiites de la banlieue sud ont été la proie des manifestants qui ont choisi l’union entre les partisans du Hezbollah et de leurs alliés du Mouvement Amal qui ont rejoint la foule. Au départ, Hassan Nasrallah avait demandé à ses milices de rester en dehors des troubles mais il a fini par accepter d’être impliqué dans les manifestations car «le peuple est affamé». Les motivations politiques ont pris le pas sur les exigences économiques car le gouvernement aura du mal à sortir de l’impasse économique et politique. La seule force structurée est le Hezbollah avec ses milices plus équipées en armes que l’armée régulière libanaise. C’est là que le danger guette.
Les manifestants libanais appellent le gouvernement à démissionner malgré la crise économique. Le risque est grand que le Hezbollah décide de passer à l’action pour sauver son allié de toujours, le président et ex-général Aoun qui lui avait fait un pont d’or au gouvernement. Alors qu’Israël pense avoir neutralisé en grande partie l’extension de l’implantation iranienne en Syrie, le front libanais risque de se réchauffer et de prendre le relais. Cela explique la mise en garde dramatique du président de l’État.
Mais le Liban sait qu’il aura tout à perdre de provoquer Israël via le Hezbollah pour détourner l’attention sur ses échecs. Il risque tout simplement comme l’avait brocardé l’ancien ministre des transports, Israël Katz, «de ramener le Liban à l’âge de pierre si le Hezbollah attaquait l’État hébreu». Il ne s’agit pas d’esbroufe de la part d’Israël mais d’une menace réelle car il n’aura pas d’autre solution si sa sécurité, voire son existence est menacée. Il est temps que le Liban prenne la voie des pays arabes modérés qui entretiennent des relations, discrètes certes, avec Israël. Il aura tout à gagner pour éviter le chaos. Le Hezbollah n’a apporté au pays que la misère, la mort et le chaos dans ce qui fut la «petite Suisse du Moyen-Orient».

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