L’IRAN EST DEVENU DANGEREUX EN CYBERGUERRE
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Cybersécurité |
Bomber du torse et se croire
infaillible en Israël face aux ennemis est une attitude irresponsable car elle
démobilise l’armée et la population. Israël n’est pas à l’abri d’une attaque
sous toutes ses formes de la part de l’Iran. La crise du coronavirus a éludé la
récente cyberattaque des spécialistes iraniens, ayant eu lieu les 24 et 25
avril, contre les installations d'approvisionnement en eau en Israël.
Les regards des journalistes et des dirigeants se portaient sur la crise
économique, politique et sanitaire, or cet incident est d’une portée
internationale car la sécurité des infrastructures mondiales est en jeu.
Au
Proche-Orient, la guerre de l'eau a fui les missiles et les tanks pour se
dérouler sur la Toile. Le gouvernement israélien, par le biais de l'agence de
cybersécurité, a révélé qu’une série d'attaques informatiques avaient été
lancées contre ses installations d'approvisionnement et de traitement de l'eau sous
forme de tentatives d'intrusion dans des stations d'épuration des eaux usées,
des stations de pompage et des égouts. Les autorités israéliennes ont conseillé
au personnel des entreprises spécialisées dans les secteurs de l'énergie et de
l'eau de changer rapidement tous les mots de passe des systèmes connectés à
Internet. Devant le risque, les entreprises ont préféré mettre les systèmes
hors ligne durant quelques jours le temps de consolider les systèmes de
sécurité.
Israël
pointe du doigt des pirates d'obédience islamiste, actifs
sur les médias sociaux. Baptisé Jerusalem Electronic Army (J.E.Army), le groupe
est présent sur tous les réseaux sociaux, tels que Facebook, Instagram,
WhatsApp, Twitter et Telegram, où il publie souvent des captures d'écran de
cibles qu'il prétend avoir piratées. Sur certains de ces sites, le groupe a
affirmé avoir eu accès à divers systèmes gouvernementaux et universitaires
israéliens depuis un groupe à Gaza. Israël ne cherche pas à exagérer l'importance
de cette cyberattaque mais il veut mettre en garde contre des
implications mondiales généralisées qui peuvent être
considérées comme le coup d'envoi d'une guerre mondiale d'un nouveau type.
Fox
News a rapporté que l'Iran était derrière la cyberattaque après avoir utilisé
des serveurs informatiques basés aux États-Unis pour faciliter l'attaque. Le
département américain de l'Énergie, en charge des cyber-infrastructures, a pris
l’affaire en mains. L’Iran a assimilé l’idée qu’une attaque contre Israël à
l’aide de drones ou de missiles, en représailles aux attaques contre ses
installations en Syrie, était pratiquement impossible à réaliser en raison des
distances géographiques. C’est pourquoi la cyber-guerre est plus facile et ses
opérateurs plus aisément masqués. Des dommages physiques peuvent être
considérables sur plusieurs infrastructures de services publics. Perturber à
distance le fonctionnement des systèmes de feux de circulation peut entraîner
des accidents de trains ou de véhicules. Une attaque contre les usines
chimiques peut conduire à une catastrophe écologique tandis que le mauvais fonctionnement
des installations vitales des hôpitaux menace la vie des patients.
Israël
est surtout inquiet des efforts investis par l’Iran pour mener au chaos, à une nouvelle
ère dans le conflit. Les États-Unis sont aussi concernés. On se souvient des
dégâts considérables infligés aux centrifugeuses iraniennes de Natanz qui ont
toutes été détruites par le virus Stuxnet. Depuis ces attaques informatiques,
organisées probablement par Israël et qui ont sensiblement ralenti le
développement du programme d’enrichissement de l’uranium iranien, l’Iran a
beaucoup investi dans la cyberguerre de l’information. C’est devenu aujourd’hui
l’un des acteurs principaux du cyberterrorisme d’État soutenant l’activité
terroriste.
L’Iran
a été responsable de cyberattaques majeures contre un certain nombre d’États du
Golfe et contre des installations pétrolières saoudiennes au cours des cinq
dernières années. Les États-Unis et les pays de l’UE ont aussi subi ce genre d’attaques
à l’intérieur de leurs frontières, dont la plupart étaient liées à la collecte
de renseignements. Bien que pour l’instant, la capacité de l’Iran de déclencher
une guerre cinétique soit limitée à la région du Moyen-Orient, des
cyberattaques importantes contre les sites américains sont envisagées pour
fragiliser l’autorité du Président et du gouvernement américain. C’est pourquoi
les systèmes SCADA (Système de Contrôle et d’Acquisition de Données en Temps
réel) sont fondamentaux pour l’efficacité opérationnelle et la sécurité de
toutes les installations industrielles complexes, devenues cibles.
Scada |
L’Iran
est connu par sa capacité à attaquer les SCADA avec des résultats assez
stupéfiants – un exemple étant les attaques contre la compagnie pétrolière
Aramco il y a deux/trois ans. Il renforce son potentiel de cyberguerre en coopération
avec la Corée du Nord, la Chine et la Russie. Les États-Unis semblent être en
retard car le cyberterrorisme d’État impose de plus en plus de moyens
financiers.
Israël
est certes bien armé contre les attaques sur les systèmes d'exploitation. Dès
2002, ISA (Israël Securities Authority) avait protégé les installations
critiques, et dès 2015, la National Cyber Directorate avait pris le relais de
cette responsabilité. On ne mesure pas assez l’importance de l’attaque contre
les installations d’eau car elle peut bloquer l’approvisionnement d’eau et
encore plus grave, perturber le dosage de chlore pour contaminer les sources
d’eau. Israël est inquiet de la méthodologie utilisée qui prouve que les
commanditaires disposent de renseignements précis et ont procédé à des préparatifs
approfondis. Mais il sait qu’il possède de bonnes capacités défensives. Cependant
il est persuadé que les représailles sont difficiles à envisager sans une connaissance
parfaite de l’identité de l’attaquant, souvent bien protégé. Alors Israël
compte, comme sur les questions militaires, à la force de sa dissuasion.
Cette
attaque sonne comme un avertissement aux services sécuritaires israéliens que
l’ennemi est plus entreprenant et qu’ils ne peuvent plus s’endormir sur leurs
lauriers. L’adversaire a prouvé son efficacité d’autant plus qu’il est à
présent anonyme pour ne pas subir de représailles. Les organisations israéliennes
ont mis en œuvre des mesures de sécurité supplémentaires pour protéger les
systèmes SCADA utilisés dans les secteurs de l'eau et de l'énergie. La bonne
nouvelle est que, selon le rapport de l'Autorité israélienne de l'eau, les
attaques n'ont pas eu d'incidence sur les opérations dans les installations. En
2016, BWL Electric and Water Utility avait fermé ses portes à la suite d'une
attaque de ransomware.
Station traitement des eaux en Israël |
Après
une série de cyber-attaques ratées fin avril, Israël est convaincu que ces
attaques sont d'origine iranienne bien que l’Iran le démente. L'attaque a été
neutralisée très tôt, sans aucun dommage. La tension entre les deux pays
continue d'augmenter car les Iraniens n’ont pas ralenti leur programme malgré
la dévastation à laquelle ils sont confrontés à cause de covid-19. En réponse,
Israël a non seulement intensifié ses frappes en Syrie sur des cibles
iraniennes, mais a pris l'offensive dans le conflit iranien. D’ailleurs l’Iran
a été au menu des discussions du secrétaire d'État américain Mike Pompeo lors
de sa visite en Israël. Il est certain que nous entrons dans un nouveau cycle
de guerre d’un nouveau type. L’innovation s’applique aussi dans ce domaine.
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