RÉPONSE DU BERGER ISRAÉLIEN À LA BERGÈRE IRANIENNE
Slate : La cybersécurité israélienne est la meilleure du
monde
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Israël
ne trouve pas motif à se glorifier après les derniers problèmes subis par les
ports iraniens dans le cadre de représailles à l’attaque, ayant eu lieu les 24
et 25 avril, contre les installations d'approvisionnement en eau en Israël. Mais l’Iran a pris ses
propres risques en s’attaquant
à un domaine, la cybernétique, dans lequel Israël est internationalement reconnu comme étant l’un
des leaders. Cette spécialité n’est pas nouvelle puisqu’elle
a déjà fait l’objet d’un de nos articles dans le site Slate.fr du 8
novembre 2018. Nous le reproduisons intégralement.
De
nombreux pays, même arabes, collaborent aujourd'hui avec l’État hébreu pour
protéger leurs systèmes. En 2015, les risques de la cyberguerre avaient poussé
le chef d'Etat-major, Gadi Eizenkot, à unifier toutes les branches cyber de
l’armée pour consolider la défense du pays. L’armée a donc développé une
nouvelle formation interne spéciale pour renforcer les compétences des jeunes.
Cette division englobe tous les services opérationnels relatifs à la guerre
cybernétique, y compris la défense, l’intrusion dans les systèmes étrangers et
la collecte de renseignements. Les services sont à la disposition de toutes les
divisions de l’armée pour tout ce qui concerne la cyber intelligence, la
cyberdéfense et les cyberattaques.
Mais
l’armée n’est pas la seule bénéficiaire de ces techniques puisqu’en profitent
de nombreuses sociétés dans le monde et plusieurs administrations fragiles. En
Israël, l’armée est certes toujours à la pointe de la haute technologie mais
les applications passent très vite entre les mains civiles.
Les
activités cyber étaient réparties dans plusieurs unités militaires : la
Direction des services informatiques et la légendaire Unité 8200 qui gère la
collecte de renseignements, tandis que le Shin Bet (sécurité intérieure) et le
Mossad (renseignements extérieurs) avaient leurs propres capacités cyber. En
regroupant toutes les activités cyber, Tsahal voulait d’abord gagner en
efficacité et éviter les redondances susceptibles de ralentir les recherches.
Un général a été mis à la tête de la nouvelle branche cyber pour attester de
l’importance de la question. Le Cabinet de sécurité du gouvernement, qui gère
les questions relatives à la sécurité et aux options de guerre, dispose donc
d’un outil de décision pour les éventuelles opérations du futur.
Salle opérations 8200 |
La
structure n’a pas été installée à partir d’une base vierge. Le Premier ministre
avait déjà créé en 2012 un Bureau National Cyber pour répertorier les
250 entreprises de cybersécurité commerciales opérant en Israël et dans le
monde, sans compter les nouvelles start-ups qui jaillissent tous les jours. 10%
de toutes les transactions dans le cyberespace à travers le monde sont le fait
de sociétés israéliennes qui brassent six milliards de dollars par an.
Les
nouvelles officines sont très souvent des émanations d’anciens officiers issus
de l’Unité 8200 ou d’anciens dirigeants sécuritaires comme Yuval Diskin, ancien
directeur du Shin Bet, qui a créé son entreprise avec des officiers retraités.
Haïm Tomer, 59 ans, qui vient de prendre sa retraite du Mossad dirige l’une des
sociétés les plus efficaces, Cyber-Sec, spécialisée dans le développement de
solutions de cybersécurité.
Les
cyberattaques sont de plus en plus répandues dans le monde. Ainsi les réseaux
gouvernementaux des États baltes ont été attaqués par la Russie. Même l’Iran
avait réussi à paralyser pendant vingt-quatre heures une compagnie pétrolière
saoudienne alors que les Nord-Coréens avaient attaqué Sony. En revanche, Israël
reste très discret sur les attaques qu’il lance. On sait que du bout des
lèvres, dans une réunion privée, l’ancien chef d’Etat-major Gabi Ashkenazi nous
avait révélé qu’il était l’instigateur du virus Stuxnet, un ver informatique
conçu par la NSA en collaboration avec l'Unité 8200 pour s'attaquer aux
centrifugeuses iraniennes d’enrichissement d'uranium, qui avaient toutes été
détruites à distance. Il n’est plus nécessaire de faire la guerre avec des
bombes mais avec des ordinateurs.
Mais
aujourd’hui, avec le développement des groupes terroristes, on s’intéresse
surtout à la collecte de renseignements par le biais de chevaux de Troie, ces
logiciels qui infiltrent les systèmes d’exploitation étrangers pour ouvrir des
fichiers cryptés. Il a été longtemps difficile de repérer les djihadistes
volontaires pour rejoindre Daech parce qu’ils utilisaient les réseaux sociaux
de manière sophistiquée. Les systèmes protégés efficacement sont capables
d’identifier l’intrus et de l’empêcher de pirater le système.
C’est
là qu’intervient Israël pour sécuriser l’environnement informatique. Les
attaques, qui ne concernent pas uniquement les sites militaires, peuvent être
sinon destructrices, au moins gênantes. La cyberguerre à grande échelle, par
des actes d'espionnage, de sabotage et de terrorisme, pourrait démanteler les
réseaux électriques nationaux, les systèmes de transport et de
télécommunication, les réseaux financiers, la fabrication et les fonctions
gouvernementales. Dans la plupart des villes, contrôlées et gérées par des
systèmes informatiques, il est possible d'éteindre les feux de circulation, d’arrêter
l'électricité de certaines usines, de perturber les systèmes de contrôle, de
bloquer même les hôpitaux et d’empêcher l’administration civile de fonctionner
correctement. Des terroristes peuvent infiltrer les systèmes bancaires pour
bloquer les salaires et les transactions et créer un énorme chaos. Israël a
acquis l’expérience par le biais de son armée et est considéré par les pays
étrangers comme le chef de file mondial dans le domaine de la cybersécurité.
Ami Moyal |
La
lutte contre le terrorisme passe par la collecte d’informations à travers un
système d’écoutes sophistiqué qui dispose d’une capacité de traduire
immédiatement tous les langages. Le leader dans ce domaine est le professeur Ami
Moyal de l’université d’Afeka, spécialisé dans toutes les techniques de
reconnaissances vocales au point d'intéresser les plus grandes agences de
renseignement du monde, dont la NSA. La start-up a notamment développé les
techniques indispensables aux grandes oreilles internationales.
Ses
logiciels sont chargés de décortiquer des milliards de données à partir de
textes, de sons, de vidéos d’écoutes et de mails, dans toutes les langues. Ils
ont été conçus pour «apprendre» de manière automatique tout nouveau
dialecte en trois semaines, sans aucune intervention humaine. Ami Moyal sait
extraire de plusieurs milliers d’heures de dialogue quelques éléments
significatifs sur la base de quelques mot-clés.
Pour
l’instant, grâce aux moyens financiers et humains, l’armée israélienne
coordonne toutes les activités sécuritaires du pays. Elle a parachevé les
travaux de construction du centre principal de l’unité de guerre cybernétique
dont la mission est de soutenir les réseaux de contact et d’échange
d’informations avec les services amis étrangers.
À
l’occasion de la 4e conférence internationale C5I (Command, Control,
Communications, Computers, Cyber and Intelligence), le général Nadav Padan,
directeur, a annoncé que C5I passait d’une fonction de coordination à
l’exécution d’opérations : «Une révolution est en cours; l'élément humain
n'attend pas la technologie. La technologie attend l'élément humain pour
l'assimiler. Mon défi personnel est de minimiser l'écart entre la technologie
et la capacité de l'assimiler».
En visite au quartier général C5i |
Les
industriels israéliens ont évolué parce qu’ils ont été sensibilisés sur les
nouveaux risques. Il existe à présent une norme pour améliorer la gestion, la
sécurité et la cybersécurité des systèmes d'automatisation et de contrôle
modernes utilisés dans l'industrie et les infrastructures. Tous les systèmes
sortis d’usine prévoient, de plus en plus à la base, un élément de contrôle
cybernétique de façon à ne pas ajouter de correctifs de sécurité plus tard,
mais à créer la cybersécurité dès l’origine. Des sociétés de sécurité ont
développé une boîte de décision (decision-making box) pour empêcher qu’un ordre
militaire intempestif soit transmis à une unité, que le feu soit mis à distance
à un hôpital, que les comptes bancaires soient pillés, bref, que le cours
normal de la vie soit perturbé. Tout passe à travers cette boîte qui détecte
toute tentative de cyberattaque.
Il
est évident que les échanges d’informations pour l’armée sont vitaux, à
l’instar des communications entre un sous-marin en mer et son centre de
commandement. Mais les civils ne sont pas à l’abri d’escrocs capables de
soutirer quatre-vingts millions à de grandes entreprises. Beaucoup de sociétés
ont vu leur système ouvert à toutes les convoitises parce qu’elles n’avaient
pas de système de sécurité fiable.
Des
normes de cybersécurité généralisées s’installent car de nombreux
environnements de production industrielle et d'infrastructures sont
terriblement sous-préparées pour faire face à la cyberguerre. Si les centrales
électriques, les stations de traitement de l'eau ou les réseaux de transport
sont attaqués, il peut en résulter une dégradation importante de l'équipement,
une perte de production, des violations de la réglementation, des dommages
environnementaux et une menace pour le public.
Au
plus fort de la vague de terrorisme terroriste subie par Israël au cours du
premier semestre 2016, de nombreux agents de l'ISA (Service de sécurité
intérieure israélien), composé à la fois d’agents musclés et armés et de jeunes
du high-tech, étaient engagés dans l'activité opérationnelle. Les
cyber-spécialistes de l'ISA se sont mis à la recherche de groupes se formant et
s'organisant pour lancer et exécuter des attaques terroristes. Des informations
recueillies ont conduit à des arrestations préventives effectuées par Tsahal ou
à des avertissements aux parents de jeunes terroristes avant qu’ils ne
commettent un acte. De nombreuses attaques terroristes ont ainsi été évitées.
Nous
avons eu droit (quelques journalistes sélectionnés) à la visite des unités ISA.
Nous étions loin des décors de cinéma faits de caves sombres ou de couloirs
lugubres. Les spécialistes de la cyberguerre travaillent dans des bureaux
ouverts à tous les vents, dans des immeubles modernes. Bien sûr, rien n’est
fléché et la discrétion est de mise. Les employées et employés, en majorité des
jeunes, bénéficient d’un environnement de travail à la pointe de la
technologie, d’un bon salaire et d’une stabilité garantie. Ils adorent
participer à des opérations sophistiquées, que le commun des mortels a du mal à
imaginer. Le succès de l’ISA est dû à ses équipes, souvent d'anciens jeunes
hackers, qui remportent tous les ans le Prix du Premier ministre.
La
frontière entre la sécurité dans l’armée et au sein des entreprises est très
poreuse. Le monde est devenu centré sur les réseaux interconnectés mais la
technologie change, ainsi que les méthodes de fonctionnement de l'adversaire.
Dans le monde de la sécurité, les murs deviennent de plus en plus élevés et la
sécurité exige de s’améliorer en permanence. Les experts ont alors à sauver des
vies humaines ou des entreprises nationales. De nombreux religieux, formés dans
des écoles talmudiques, sont employés par l’ISA. Certains expliquent cela par
leur capacité à décortiquer durant des heures entières le Talmud, à se poser
constamment des questions, à expliquer, à justifier. On dit toujours qu’ils
répondent à une question par une autre question.
Ils
utilisent certes des logiciels courants, mais quand ils ont besoin de nouvelles
fonctionnalités, ils n’attendent pas de nouvelles versions et préfèrent
développer eux-mêmes selon leurs besoins. Ils sont peu attirés par les salaires
du privé car ils disposent d’une liberté totale dans leur activité pour
produire ou pour se former. Ils sont sans cesse sollicités pour de nouveaux
besoins et se distinguent par leur rapide réactivité. Alors qu’ils sauvent des
vies humaines sans relâche, ils se voient mal, pour quelques shekels de plus,
développer des logiciels comptables ou des jeux vidéo.
Israël
a été le premier à mesurer les risques de la cyberguerre parce que le pays, en
permanence en guerre, doit déjouer toutes les manœuvres qui mettent en danger
son existence –mais les entreprises privées ont été les premières à en
bénéficier. Israël avait quelques années d’avance qui lui ont permis d’être
aujourd’hui leader mondial de la cyberguerre.
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