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samedi 14 décembre 2019

Elections en Israël : Alea jacta est


ÉLECTIONS EN ISRAËL : ALEA JACTA EST

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
            

          Le sort en est jeté. Des élections législatives auront lieu en Israël pour la troisième fois, sans aucune certitude d’une prochaine constitution d’un gouvernement de coalition. En effet le système électoral à la proportionnelle intégrale ne permet pas de renversement brutal de tendance. Quelques sièges, une dizaine au plus, changent de groupes sans que cela modifie notablement l’équilibre politique de la Knesset. Sans compter qu’on ne voit pas pourquoi les électeurs auraient à se déjuger en si peu de temps. Quelques voix de plus pour l’un des partis, quelques voix de moins pour l’autre, à la rigueur la disparition d’un groupuscule qui n’aura pas atteint le seuil électoral de 3.25% soit 144.197 voix, mais le l'échiquier politique reste le même avec deux clans irréductiblement opposés.


Leaders arabes

           
Toutes les solutions ont été envisagées, même celle d’un gouvernement minoritaire sans la participation des partis arabes, mais avec leur neutralité. Mais l’opprobre permanente, lancée contre des citoyens ayant les mêmes droits que les Juifs, bloque le système sachant qu’avec 13 députés, ils ramènent la Knesset à 107 sièges actifs. Les Arabes ont le droit de participer aux élections, d’élire des députés mais, malgré le temps et leur intégration de plus en plus effective dans les rouages économiques du pays, ils restent assimilés à une cinquième colonne. Les deux clans, de droite et du centre, évoluent donc entre 52 et 58 sièges avec l’impossibilité d’atteindre la majorité de 61 députés. C’est un fait qu’il est difficile de contourner face aux exclusives du milieu politique : pas d’Arabes, pas d’orthodoxes, pas de gauchistes, pas de nationalistes…. Bref, une quadrature du cercle qui s’est vérifiée aux deux premiers scrutins.
- Ou bien une compromis ou bien ...
- Pourquoi pas de compromis ?

            La population est désenchantée ; elle ne comprend pas que les défis économiques et sécuritaires ne sont pas pris en compte par les politiques, des égoïstes qui ne voient pas plus loin que leur siège de député. Il faut dire que tout était faussé par la volonté de Benjamin Netanyahou de ne pas quitter la scène politique, malgré sa mise en examen, parce que son poste lui assure une immunité parlementaire. Il gagne encore trois ou quatre mois de sursis avant de se présenter devant ses juges. 
         Mais compte tenu des services rendus au pays, le chef de l’État était prêt à lui garantir une amnistie totale ; l’opposition n’était pas contre, mais pour cela, il doit au préalable accepter le fondement des accusations et obtenir un jugement des tribunaux. Une amnistie ne peut s’appuyer que sur une décision de justice. Mais il refuse de reconnaître ses torts car il est sûr d’être blanchi de toutes les accusations.
Leaders Kadima

            Il est coutume de dire que la chance frappe à toutes les portes mais qu’elle ne passe pas deux fois. Tous les hommes politiques ayant réussi dans leur carrière ont à un certain moment bravé le cours de l’Histoire. Ce fut le cas d’Ariel Sharon qui a quitté son parti pour créer Kadima et d’Emmanuel Macron qui s’est opposé à son mentor, le président Hollande. On doit provoquer la chance, aller au-devant d’elle. Gideon Saar, l’ancien aviateur Yoav Kish et quelques-uns de leurs soutiens, totalement opposés à la mainmise du parti par un seul homme, ont voulu être légalistes jusqu’au bout en refusant de rejoindre la coalition Bleu-Blanc qui aurait été immédiatement adoubée par Avigdor Lieberman. Une majorité de centre droit qui aurait évité de nouvelles élections stériles. La gauche n'est pas en reste puisqu'elle refuse de s'unir pour ne pas avoir un score ridicule. Mais pour cela, elle doit être réaliste.
            Bien sûr cela impliquait une scission avec le Likoud comme le 24 novembre 2005 lorsque l’aile centriste, libérale et modérée avait quitté le Likoud de Netanyahou pour rejoindre Ariel Sharon. Ce geste aurait pu convaincre d’autres contestataires de rejoindre Benny Gantz, inquiets d’être mis sur une liste noire aux prochaines élections. Mais au Likoud règne la loi du Prince tandis que les députés ont trop peur de perdre leur position sur la liste électorale, leur gagne-pain ; alors ils refusent d’agir contre leur parti s’ils n’ont pas de certitude pour leur avenir.
Gideon Saar et sa femme

            Gideon Saar a surestimé son poids au sein du parti constitué d’une très grande majorité d’idolâtres de Bibi. Ils veulent bien lui assurer la deuxième place mais pas la première. Il n’arrivera pas à déloger le Lider Maximo qui se vengera de manière brutale comme il avait lancé sa vindicte contre ceux qui lui avaient tenu tête. Alors Saar entrera dans un placard doré, pendant suffisamment de temps pour permettre aux derniers entrés au parti, mais plus disciplinés à l’instar de Nir Barkat, d’être certainement désignés comme dauphins.
            Avec ce troisième tour d’élections, Saar a perdu toutes ses chances de prendre la tête du parti et sa participation à un gouvernement Likoud est compromise. En politique il faut oser et ne pas être timide ; c’est le b.a.-ba de tous ceux qui ont réussi. Il faut se frayer un chemin même en laissant derrière soi quelques cadavres. Les purs ont une durée de vie politique limitée sauf s’ils restent à vie numéro-2. Il faudrait un miracle pour que Saar retrouve la première place, qu’il mérite certes, mais il a oublié qu’il évolue dans une jungle où tous les coups sont permis et où les timorés sont laissés au bout du chemin.
Aviv Kohavi en opération

            Alea jacta est, le sort en est jeté ; Israël aborde une nouvelle phase de turbulence politique dont on ignore l’issue. On est certain d’une nouvelle impasse. Et pourtant, le danger rode à nos frontières, l’économie chancelle parce que des mesures indispensables n’ont pas été prises en l’absence de gouvernement. Mais Israël a la chance d’avoir Tsahal qui veille sur la population parce qu’il vaut mieux ne pas trop compter sur les hommes politiques qui ont perdu toute crédibilité avec ces trois scrutins législatifs,   

1 commentaire:

Marianne ARNAUD a dit…

Cher monsieur Benillouche,

En général, et par principe, j'évite de commenter les articles de politique intérieure israélienne, mais comment ne pas être interpellée par la comparaison que vous faites entre les carrières d'Ariel Sharon et d'Emmanuel Macron ?
Permettez-moi donc de rappeler que celui qui termina sa carrière militaire en tant que Major-Général Sharon, a participé à toutes les guerres d'Israël - depuis la Guerre d'Indépendance de 1948 où il a été gravement blessé, jusqu'à la Guerre du Kippour, en passant par la Guerre des Six Jours - où il avait l'âge d'Emmanuel Macron lorsque ce dernier a été élu à la tête de la République française - pour finir Premier ministre de l'État d'Israël.
Tandis qu'Emmanuel Macron est un haut-fonctionnaire de l'Inspection des Finances, démissionnaire, reconverti dans la banque d'affaires, et élu à la présidence de la République française et ainsi devenir le Chef des Armées, sans avoir ne serait-ce qu'accompli un service miltaire.

Très cordialement.