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jeudi 24 octobre 2019

La solitude du pouvoir


LA SOLITUDE DU POUVOIR

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
            
Conseil des ministres

     Il est temps que les élites du Likoud s’affirment enfin, aient le courage de sortir de la tanière, voire de l’oubli, dans lesquels ils ont été confinés par un leader omnipuissant qui n’a jamais accepté la concurrence. Quand on énumère les nombreuses personnalités politiques révélées par François Mitterrand, qui n’a pas hésité à les former et à les sortir de l’ombre, on voit que la comparaison est dramatique. On peut citer quelques noms qui ont fait ensuite leur propre chemin : Lionel Jospin, Michel Rocard, Paul Quilès, Pierre Joxe, Robert Badinter, Jacques Attali, Pierre Moscovici, Jack Lang, Laurent Fabius et Michel Vauzelle, pour ne citer que ceux-là parmi tant d’autres. Aux côtés d’un monstre politique expérimenté, ils ont tous acquis l’étoffe d’un bon dirigeant politique, chacun dans son domaine, et certains ont atteint les sommets.




            Le président français avait compris très tôt que la qualité d’un bon manager est de savoir déléguer ses pouvoirs et ses compétences pour se consacrer à l’essentiel, à la direction de l’orchestre gouvernemental. Le tout est d’être bien entouré par de grosses pointures. Valéry Giscard d’Estaing avait fait aussi l’erreur de faire le vide autour de lui, en se séparant de ceux qui l’avaient fait roi, Jacques Chirac en particulier qui avait trahi son parti pour le rejoindre. La sanction fut immédiate, il n’a pas été réélu en 1981.



            David ben Gourion, le fondateur du pays, qui a régné en maître pratiquement sans interruption de 1948 à 1963, a été à l’origine des carrières de Golda Meir, d’Itzhak Rabin, Moshe Sharett, Levi Eshkol, Shimon Peres, Moshé Dayan, David Remez, et bien d’autres encore. Après dix années de gouvernement Netanyahou on cherche vainement quelle est sa garde rapprochée capable de prendre la suite. Il refuse de désigner son successeur, laisse entendre qu'il a choisi le patron du Mossad, Yossi Cohen, qui ne sera disponible au mieux que dans trois ans.  
           Chaque fois qu’un jeune faisait preuve d'autorité au Likoud en voulant acquérir une certaine indépendance, alors il était immédiatement voué aux gémonies, souvent poussé vers la sortie.  Sarah Netanyahou veillait au grain. C’est pourquoi il n’y a pas de «bébés Bibi» à tel point qu’à la veille du départ du premier ministre, on s’inquiète pour son remplacement, estimant qu’il est irremplaçable. On ne trouve pas au Likoud d’homme capable d’incarner la relève. 

          Battu deux fois aux élections, Netanyahou aurait pu prévoir une sortie théâtrale pour laisser un souvenir historique. Il s’accroche, insulte ses anciens alliés, utilise en vain toutes les ficelles pour durer mais il se retrouve seul car l’ingratitude est grande dans le milieu politique. Le roi est mort, vive le roi.
           L’éloge funèbre de Netanyahou, d’une violence incroyable, a été récité par son ami Avigdor Lieberman. Le texte sans concession et sans sollicitude ne laisse aucun espoir de réconciliation : «Monsieur le Premier ministre, vos attaques contre les autres et les fausses accusations que vous essayez de coller à ceux qui sont en désaccord avec vous ne peuvent cacher le fait que vous avez échoué trois fois de suite dans la formation d'un gouvernement. Au lieu d'assumer la responsabilité de vos manquements et la perte de neuf sièges, vous lancez une troisième campagne électorale… De plus, vous niez le fait que vous êtes depuis 23 ans le principal collaborateur d’Arafat, d’Ahmed Tibi, de l’Autorité palestinienne, du Hamas et de la Liste commune».


            Les historiens auront le temps d’analyser par le menu cette décade politique du chef du Likoud. On y trouvera certes des réussites aussi bien que des échecs mais subsistera un goût amer d’inachevé, l’absence d’un accord avec les Palestiniens. Il disposait d'un pouvoir illimité pour imposer sa solution, comme Menahem Begin, mais il a préféré un statu quo destructeur. 
           Son départ risque d’être comparé à celui de François Fillon qui s’est accroché à sa candidature alors que tous les voyants étaient au rouge et que l’échec était au bout du chemin. C’est moi ou le chaos ! Sans son entêtement il aurait pu passer la main à Alain Juppé, et la droite française n’aurait pas connu le chaos, voire le pire puisqu’elle a été laminée pour ne plus exister. Encore aujourd’hui, elle a du mal à se relever. 
                  Cela pourrait arriver au Likoud car la relève n’a pas été préparée. Il est trop tôt pour savoir de quoi sera fait l’Israël de demain. Le poids exorbitant de la personnalité du leader du Likoud est trop marquant pour laisser entrevoir un nouveau visage. Certes les ambitions vont être libérées, les luttes pour le pouvoir à droite vont laisser des cadavres jonchés sur le sol parce que les héritiers politiques n’ont pas convenu du scénario du lendemain et du partage équitable du «fromage» politique. 
          Une période instable va suivre l’échec de Netanyahou qui n'est pas parvenu à constituer une coalition. Le problème iranien constitue une menace immédiate et crédible. Les ennemis d’Israël relèvent la tête et le désordre à ses frontières ajoute encore à l’incertitude d’une situation dramatique. Jamais la solitude du pouvoir n’a connu pire constat.

2 commentaires:

Véronique Allouche a dit…

Un homme politique peut faire monter les collaborateurs de son parti mais aussi son opposition pour mieux la fracturée. Tel fut le cas de François Mitterrand, lequel instaura les législatives de 1986 à la proportionnelle intégrale pour mieux diviser la droite et qui donna 35 députés au Front National. Beau cadeau à l’extrême droite de ce président socialiste.
Netanyahou n’a pas le même stratège, il ne partage rien avec ses amis c’est un fait mais du moins il ne hisse pas ses ennemis au devant de la scène.
Bien cordialement

Ibrahim a dit…

Un arbre se juge à ses fruits, les bons "maîtres" laissent de bons étudiants ... Qui sont les "héritiers de Bibi" ? Shaked et Bennett ...
Pas fameux ...