NETANYAHOU-TRUMP : COMPLICITÉ LIMITÉE SUR L’IRAN
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Le raisonnement est simple : il ne faut pas faire
la même erreur commise avec la Corée du Nord qui a construit sa bombe nucléaire
en toute impunité. En laissant faire aujourd’hui l’Iran, le risque est grand de
voir le pays chiite se doter d’armes nucléaires de destruction massive. Le temps est compté. Israël
et les Etats-Unis se retrouvent donc sur cette stratégie. D’ailleurs Benjamin Netanyahou avait déclaré
avant de rencontrer Trump : «Ensemble nous allons faire face à
l'agressivité iranienne dans la région et j'ai hâte de parler avec vous du
mauvais accord nucléaire».
- Quelle est votre réponse au discours de Netanyahou ? - Je n'entends rien car les centrifugeuses tournent à plein régime |
Donald Trump laisse planer le doute sur une éventuelle
frappe contre l’Iran face à un premier ministre israélien qui insiste pour
adopter une position intransigeante afin d’éviter la production de bombes
nucléaires. Il a accusé l'Iran d’être un régime meurtrier avec
un comportement déstabilisateur : «Nous ne pouvons pas respecter un accord
qui autorise, au final, le développement d'un programme nucléaire». Le président américain pourrait révoquer l’accord nucléaire signé en grande pompe le 14
juillet 2015 par Barack Obama. Cette éventualité permet à Netanyahou d’user
d’un langage élogieux, presque obséquieux, face à son allié américain : «Monsieur le Président, c'est génial de vous revoir. Sous votre leadership, l'alliance entre l'Amérique et Israël n'a jamais été
plus forte, jamais été plus profonde. Je peux dire cela de la façon dont les
gens voient et de manière qu'ils ne voient pas. Je tiens donc à vous remercier
pour cela».
Il est vrai que durant sa campagne électorale, Trump avait répété qu’il avait l’intention de «déchirer l’accord signé par les Etats-Unis avec l’Iran». Mais une fois élu, il tergiverse et reporte sur l'Agence internationale de l'énergie atomique la responsabilité de juger du «comportement déstabilisant de l'Iran».
Il est vrai que durant sa campagne électorale, Trump avait répété qu’il avait l’intention de «déchirer l’accord signé par les Etats-Unis avec l’Iran». Mais une fois élu, il tergiverse et reporte sur l'Agence internationale de l'énergie atomique la responsabilité de juger du «comportement déstabilisant de l'Iran».
En fait Trump a l’intention de garder l’accord sur le
nucléaire mais en imposant de nouvelles sanctions. Il est contraint de
poursuivre la politique de son prédécesseur Barack Obama parce que six grandes
puissances (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) ont
paraphé le traité. Depuis que cet accord est entré en vigueur le
16 janvier 2016, l'administration américaine doit tous les 90 jours le «certifier»
auprès du Congrès pour attester que Téhéran en respecte les termes.
Or
cet accord a déjà été certifié. L'Agence internationale de l'énergie atomique
(AIEA), avait félicité en juin l'Iran pour le respect de ses engagements
(démantèlement des deux tiers de ses centrifugeuses, renoncement à 98% de son
stock sensible d'uranium et bétonnage du cœur de son réacteur à eau lourde). Une
nouvelle échéance cruciale s’approche. Donald Trump doit certifier mi-octobre
auprès du Congrès que Téhéran se conforme bien à ses engagements, mais
certaines de ses déclarations laissent penser qu'il pourrait décider de ne pas
le faire. L’accord risque alors d’être en danger si Trump ne le certifie pas. Il s’agira alors d’un signe fort
politiquement. Les Européens, France en tête, veulent tenter
de sauver l'accord nucléaire iranien menacé par
Donald Trump qui ne cache pas son hostilité envers un texte considéré pourtant par les Occidentaux comme crucial dans la lutte contre la prolifération.
En
revanche, les Etats-Unis contestent les actions «déstabilisatrices»
de l’Iran au Moyen-Orient avec son programme de missiles balistiques. Le
Parlement iranien a entamé la procédure pour le vote d'une loi visant à renforcer
le programme balistique du pays et la force Al Qods des Gardiens de la révolution,
chargée des opérations extérieures. Par ailleurs les Américains condamnent Téhéran pour
son «soutien à des actes terroristes internationaux». Mais
l’accord nucléaire garde ses adeptes à Washington parmi les Démocrates et
certains Républicains mais aussi auprès des militaires.
Netanyahou et Ron Dermer |
À
l’ONU, Netanyahou et Trump sont sur la même longueur d’onde en laissant
planer l’éventualité d’une frappe contre les installations nucléaires de l’Iran.
Mais les Etats-Unis sont isolés au sein de l'organisation internationale. Benjamin Netanyahou, le ministre de la
défense Avigdor Lieberman, et l’ambassadeur israélien à Washington Ron
Dermer, soutiennent les Américains dans ce projet. Mais Tsahal et les services
de renseignements israéliens sont très réservés car «l'Iran
respecte l'accord et ses limites strictes sur les activités nucléaires et les
stocks de matières fissiles».
Ainsi Carmi Gillon, ancien chef du Shabak, sécurité intérieure, estime que «L'accord nucléaire est un bon exemple du genre de solutions auxquelles j'ai aspiré. Il a neutralisé une menace majeure pour le monde, tout en veillant à ce que les États-Unis et ses alliés aient les outils, l'information et le levier dont ils ont besoin pour faire face au danger iranien et faire de la région et du monde un endroit plus sûr».
Carmi Gillon |
Ainsi Carmi Gillon, ancien chef du Shabak, sécurité intérieure, estime que «L'accord nucléaire est un bon exemple du genre de solutions auxquelles j'ai aspiré. Il a neutralisé une menace majeure pour le monde, tout en veillant à ce que les États-Unis et ses alliés aient les outils, l'information et le levier dont ils ont besoin pour faire face au danger iranien et faire de la région et du monde un endroit plus sûr».
Yair Golan |
L'ancien
chef d'Etat-major adjoint de Tsahal, le général Yaïr Golan, a déclaré, à l’occasion d'un discours à l'Institut de Washington, qu'Israël
aurait fortement besoin de l’aide des États-Unis pour obtenir une victoire
militaire sur l'Iran :
«Dans le monde d'aujourd'hui, où les menaces se propagent rapidement à
tous les coins du monde via Internet, les cellules terroristes, les flux de
réfugiés, notre coopération avec les États-Unis doit être plus étroite que
jamais. Du point de vue d'Israël, la menace iranienne est beaucoup plus grande
que Daesh, car les Iraniens sont plus sophistiqués et plus civilisés. C'est
pourquoi je crois que nous ne pourrons pas les vaincre par nous-mêmes. Regardez
simplement comment ils opèrent dans la région. Ils travaillent de manière très
intelligente, essayant toujours d'investir le moins possible. Et s'ils le
doivent, ils préfèrent investir de l'argent sur le sang. Pour le sang, ils
utilisent leurs affiliés».
Netanyahou
s’appuie de son côté sur la menace régionale et mondiale représentée par le
programme d'armes nucléaires à Pyongyang. Il veut recourir à une action
militaire si les sanctions de l'ONU ne freinent pas les missiles et les essais
nucléaires de l'Iran. Le premier ministre israélien trouve une oreille
attentive auprès des dirigeants saoudiens qui s'opposent à l'affaire nucléaire,
non pas pour des raisons liées à l'énergie nucléaire, mais en raison du rôle
attribué à l’Iran en tant que courtier régional en énergie.
Chemi Chalev |
La conclusion a
été tirée par le journaliste Chemi Shalev du quotidien Haaretz : «Ce
que Netanyahou et Trump ont en commun, entre autres choses, est leur incapacité
à accepter les critiques, leur tendance à transformer les critiques en ennemis
et leur fervent désir d'effacer le sourire de ce qu'ils considèrent comme le
visage condescendant d'Obama».
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