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jeudi 22 juin 2017

Pour Israël, le risque nucléaire est prioritaire



POUR ISRAËL, LE RISQUE NUCLÉAIRE EST PRIORITAIRE

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
            

          Israël doit faire face à des menaces tout azimut sur plusieurs théâtres d’opérations mais le risque le plus important auquel il est confronté reste le risque nucléaire. Les crimes et les attentats qui endeuillent le pays et la terreur palestinienne ne détournent pas Israël du danger existentiel face à l’arme nucléaire. Il s’agit de deux risques différents qui se traitent avec des mesures distinctes. Le développement des conflits régionaux peut conduire à l’usage d’armes de destruction massive. Par deux fois, le complexe nucléaire de Dimona s’est trouvé sous le feu d’ennemis irréductibles, en 1991 et récemment en 2014.



Centrale de Dimona

            Le premier ministre Benjamin Netanyahu a mis en garde l’Iran après le tir de missiles du 18 juin sur la Syrie qui a été interprété comme un pied de nez à Israël. L'Iran affirme que les missiles tirés ont détruit avec succès des positions du groupe Daesh. Téhéran a tiré pour la première fois, depuis le début du conflit syrien, six missiles de moyenne portée depuis son sol. Il a voulu envoyer un message aux pays voisins, comme l’Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis, au Koweït, et accessoirement à destination d’Israël. Selon le président de la Commission des Affaires étrangères du Parlement, Alameddine Borujerd, l'Iran est «entré dans une nouvelle phase de la lutte contre le terrorisme». Il est improbable que ce soit le seul objectif des Iraniens. 
            Les Israéliens surveillent cependant l'activité de l'Iran en Syrie et surtout le tir sur des cibles à une faible distance d’Israël. Une "erreur" volontaire est vite arrivée. Selon Netanyahou : «Cette activité porte également sur les tentatives iraniennes de s'installer en Syrie et, bien sûr, de transférer des armes sophistiquées aux Hezbollah libanais».
Quelques chefs militaires

            Les chefs militaires israéliens sont obligés de hiérarchiser les risques tout en contrôlant une éventuelle escalade. Les systèmes de dissuasion et de défense se renforcent mutuellement en permanence car le long terme est impossible à envisager puisque la situation évolue au jour le jour. Le président Donald Trump vient de remettre en cause la politique précédente de Barack Obama en réintégrant l’Arabie saoudite dans la stratégie américaine au Moyen-Orient et en lui vendant de nombreuses armes, certaines de haute technologie.
            La querelle entre le Qatar et Ryad a entraîné par ailleurs le développement de liens plus étroits entre l’Iran, le Hezbollah et le Hamas. Mais un nouveau danger vient d’apparaître avec l’activisme de Daesh qui cherche à supplanter les terroristes palestiniens et ceux du djihad islamique de Jordanie.
La parade du Hezbollah

            Par ailleurs, les stratèges israéliens analysent à leur manière l’évolution des relations entre Moscou et Washington, à la limite de la guerre froide, en ne négligeant pas la concurrence nucléaire des deux grandes puissances et de ce point de vue ils doivent mesurer ce risque. Par ailleurs, les analystes craignent de voir l’Égypte s’engager dans la course aux armes nucléaires. Bien sûr le président Al-Sissi collabore ouvertement avec Israël dans le combat contre les djihadistes du Sinaï. Mais la chute du président Mohamed Morsi n’a pas du tout éradiqué le danger des Frères musulmans qui pourraient s’appuyer sur le Hamas, le Qatar et l’Iran pour faire tomber le régime d’al Sissi et mettre l’arme nucléaire, éventuellement acquise, entre des mains dangereuses.
Base El-Udeid

            Certes les Américains veillent à partir de leur quartier général CENTCOM au Qatar et avec les facilités aériennes qui leur sont offertes à la base Al-Udeid au Qatar. Mais tout évolue dans la région et pour preuve, le soutien affiché de la Turquie au Qatar.
            Israël est confronté à une nécessaire planification de sa sécurité sur plusieurs directions stratégiques différentes. Il s’appuie sur le développement de sa haute technologie militaire pour garantir la dissuasion et pour assurer sa supériorité en matière de cyberdéfense et de cyberguerre. Les planificateurs de la défense nationale israélienne sont convaincus de l’avance d’Israël sur tous les autres acteurs de la région mais ils sont conscients qu’ils doivent imaginer les mesures à prendre en cas de rivalité aigue entre Washington et Moscou.
            Les États qui détiennent l’arme nucléaire ne peuvent pas être mis sur un même niveau d’égalité et ne peuvent surtout pas être comparés à Israël. Certes rien ne transpire au sujet des forces nucléaires israéliennes, soumises à la censure, mais en tout état de cause, jamais les dirigeants israéliens n’ont menacé de leurs éventuelles «bombes» un pays, même ennemi. Ces armes présomptives, si elles existent, ne sont pas menaçantes mais uniquement défensives pour garantir l’existence du pays. Israël se satisfait du fait qu’aucun de ses ennemis ne dispose pour l’instant de l’arme nucléaire mais ne fait pas confiance à l’accord nucléaire irano-américain parce qu’il a une durée de vie limitée.  D’autres pays arabes sont sur les rangs. On constate déjà des velléités de l’Arabie et de l’Égypte à acquérir l’arme suprême pour se défendre contre l’Iran. Mais ces régimes sont fragiles et l’arme risque de tomber entre des mains dangereuses.
            Israël a toujours privilégié les armes conventionnelles pour se défendre ou attaquer et réserve l’arme nucléaire éventuelle uniquement pour riposter à une attaque nucléaire. Il n’exclue pas de voir un pays user d’irrationalité absolue en lançant une attaque nucléaire, tout en accusant des forces djihadistes de l’avoir commanditée. Les pays radicaux n’ont aucune notion de la dissuasion nucléaire passive telle qu’on l’a connue avec les États-Unis et l’URSS qui s'étaient neutralisés mutuellement. On ne peut pas exclure un coup de folie de dirigeants aux abois. 
          Rien n’est diffusé sur le genre de représailles envisagées par Israël et sur sa doctrine de ciblage contre une attaque nucléaire. Les cibles civiles sont a priori écartées pour viser uniquement les sites militaires. Certains analystes estiment qu’une réaction nucléaire limitée serait indispensable après une attaque chimique ou biologique ; tout dépendra bien sûr des dommages civils subis par le pays.

            L’usage d’armes de destruction massive par un ennemi entraînera une riposte graduée en fonction du degré du risque existentiel d’Israël. Mais Tsahal préfère appliquer sa doctrine d’attaque préventive à l’aide des forces conventionnelles pour éviter une action dévastatrice de la part de ses ennemis. Pour Israël, le recours éventuel à une arme nucléaire reste l’exception sauf si les populations civiles sont massivement touchées dans le cadre d’une action suicidaire. L’action est en effet suicidaire car les représailles seront terribles. Le sort des populations civiles est la limite rouge tracée par Israël qui refuse autrement de s’engager dans une guerre nucléaire.
            Il est vrai cependant que les menaces de sécurité les plus urgentes émanent des terroristes arabes, soutenus par l'Iran, qui pourraient se procurer des armes de destruction massives. Israël analyse donc tous les moyens possibles pour neutraliser ces menaces, y compris l’auto-défense anticipée, la dissuasion et la défense antimissile balistique sans oublier la nouvelle stratégie de défense maritime. Israël a une défense tout azimut sans privilégier une menace existentielle par rapport à une autre. Toutes les menaces sont traitées avec le même soin.


            Dans son traité majeur de stratégie militaire, intitulé «De la guerre», Carl von Clausewitz avait écrit : «Tout est très simple. Même la chose la plus simple est difficile». Depuis lors, il inspire les stratèges militaires en leur donnant des instruments conceptuels et dialectiques extrêmement puissants, pour leur permettre de saisir toute la complexité de la stratégie et surtout de gérer l'incertitude. L’incertitude est le sentiment que détestent toutes les armées nationales.

3 commentaires:

David B. a dit…

Magnifique analyse... on attends la suite. Merci Monsieur Benillouche. Continuez à nous éclairer de la sorte.

Yaakov NEEMAN a dit…

Il manque un élément important dans cette analyse : à savoir que nos ennemis n'ont pas peur de mourir. Et donc que toutes les prospectives qui s'appuient sur la dissuasion sont infondées en ce qui concerne la probabilité d'une attaque nucléaire contre Israël. Ce que nous pressentons tous, c'est que dès que l'Iran aura l'arme nucléaire, elle s'en servira. Je répète : DES QUE L'IRAN AURA L'ARME NUCLEAIRE, ELLE S'EN SERVIRA. C'est à partir de là qu'il faut construire une réflexion stratégique. Celle pourrait s'articuler sur trois axes : 1) déstabiliser le régime iranien et promouvoir d'autres dirigeants à Téhéran. 2) se doter d'une défense Dôme de Fer à 100 % efficace.3) Obtenir la reddition de l'Iran par une tierce partie.
A un autre niveau d'analyse (celui que l'Histoire juive), il est clair que si une attaque atomique a lieu, elle ne sera que l'un des moments de l'affrontement Israël / Yichmaël. L'horreur d'une attaque nucléaire masque la dimension religieuse (et éternelle) du conflit. Nous juifs, avons la chance d'avoir un Créateur qui se définit Lui-même comme איש מלחמה. A partir de là, si nous croyons que ce même Créateur nous assure qu'il a les yeux fixés sur la Terre sainte du premier au dernier jours de l'année, la question devient : "Le D.ieu d'Israël laissera-t-IL l'Iran nous bombarder impunément ?" J'ai déjà répondu à cette question lors de précédents commentaires.

Véronique Allouche a dit…

@yaacov neeman
Sans vouloir vous offenser Monsieur, à la question que beaucoup se posèrent : Dieu laissera-t-il faire la Shoah ? La réponse fut oui.
Bien cordialement