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mercredi 28 juin 2017

PMA et GPA : un projet très israélien



PMA ET GPA : UN PROJET TRÈS ISRAÉLIEN

Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps

                 

          Le Comité d’éthique français s'est montré, le 26 juin, favorable à la PMA (procréation médicalement assistée) pour les couples lesbiens et les célibataires. Pour l’instant la PMA était seulement réservée aux couples hétérosexuels dont l’infertilité est médicalement constatée. C’est une petite révolution. Le CCNE (Comité consultatif national d’éthique) est donc favorable à la PMA pour les couples de femmes ou pour les femmes seules qui souhaitent procréer sans partenaire masculin grâce à un don de sperme. Le problème des homosexuels masculins reste entier.



            En revanche en France, la GPA (gestation pour autrui), plus communément appelée gestation par mère porteuse, est interdite. Le drame vécu par les couples hétérosexuels stériles est éludé. Et pourtant, le problème des mères porteuses revient au cœur du débat tous les ans en France sans trouver de solution légale. Pourtant ce système fonctionne depuis plusieurs années en Israël parce qu’on n’a pas voulu y voir uniquement le côté, sordide s’il en était ou mercantile, mais l’aspect psychologique de femmes stériles dont le sort n’a pas été tendre avec elles. Il est difficile de rester insensible aux appels de détresse de femmes qui ont besoin d’enfants pour consolider leur couple et pour assurer l’avenir d’une descendance.
            D’ordinaire les Juifs orthodoxes, conservateurs et fidèles à leur dogme figé depuis l’origine de leur religion, n’acceptent aucun amendement aux lois datant de l'époque de Moïse. Tout essai des Juifs libéraux de moderniser des pratiques anachroniques est assimilé à une déviation religieuse, sinon à une profanation de la loi orale. Ils ont interdit aux Juifs libéraux d’avoir droit de cité en Israël et rejettent en bloc toutes leurs décisions cultuelles. Pourtant, dans le domaine du GPA, les orthodoxes font preuve d’une ouverture d’esprit exceptionnelle qui les rend éclairés là où les autres religions restent frileuses, sectaires, et anachroniques. Ils ont redonné l’espoir là où il n’y avait plus.
            En Israël les mères porteuses ont une existence légale, encadrée par la loi civile et la loi religieuse, la Halakha. Le judaïsme, tiraillé «entre le commandement qui impose à l'homme de procréer et la règle selon laquelle la mère est celle qui accouche» a définitivement tranché en faveur du GPA avec une restriction cependant : le clonage reproductif n’est autorisé que quand il peut aider à remédier à la stérilité d’une personne. Les couples homosexuels sont ainsi éliminés de facto de cette technique.
            La loi civile a été promulguée avec l’imprimatur du Grand Rabbinat, nécessaire pour qualifier de juif le nouveau-né, bien que la religion estime que le judaïsme ne se transmet que par la mère. Le Tribunal Rabbinique, très attaché aux écritures, s’est tout simplement appuyé sur les exemples puisés dans la Bible.
Agar, Saraï et Abraham

            D’une part, la femme d’Abraham, Saraï, qui ne lui avait pas donné d’enfant, avait une servante égyptienne nommée Agar. Elle proposa à Abraham : «Vois, je te prie : Yahvé n’a pas permis que j’enfante. Va donc vers ma servante. Peut-être obtiendrai-je par elle des enfants.» Et Abraham écouta la voix de sa femme. (Genèse 16.1 & 16.2).
            Par ailleurs Rachel, voyant qu’elle-même ne donnait pas d’enfants à Jacob, devint jalouse de sa sœur et elle lui dit : «Fais-moi avoir aussi des enfants, ou je meurs !»  Il s’emporta en se défendant : «Est-ce que je tiens la place de Dieu, qui t’a refusé la maternité?» Elle lui conseilla alors : «Voici ma servante Bilha. Va vers elle et qu’elle enfante sur mes genoux : par elle j’aurai moi aussi des enfants !» Jacob s’unit ainsi à sa servante Bilha qui enfanta à Jacob un fils. (Genèse 30.1 à 30.5)
                 À l’époque, il ne s’agissait pas de voter des lois mais de se fier tout simplement au bon sens. Cette possibilité donnée en Israël aux couples ayant des problèmes de conception a entraîné l’installation de nombreux Français venant chercher sur place la possibilité de procréer avec l’aide d’un tiers. Mais la loi encadre précisément le GPA et ne permet pas d’ouvrir la porte au «tourisme procréatif».
Centre de mères porteuses au Népal

            Pour éviter toute déviation des textes, seuls les couples disposant de la nationalité israélienne ont droit à bénéficier de cette loi ce qui entraîne de facto une alyah (immigration) spécifique de candidats au bonheur. Les règles sont strictes et leur application nécessite un délai de plusieurs mois avant que l’opération ne puisse être effective.
           Les couples candidats doivent d’abord passer devant une commission médicale étatique qui s’assure de la réalité de la stérilité et qui doit attester de l’impossibilité de procréer naturellement. Une deuxième commission psychologique doit garantir l’état d’esprit du couple stérile et celui de la mère porteuse dont l’analyse médicale doit faire ressortir une santé irréprochable pour garantir une naissance dans les meilleures conditions.
        Afin d’éviter les dégâts collatéraux et les conflits avec un éventuel conjoint, la mère porteuse doit être officiellement divorcée, civilement et religieusement, ou veuve et doit avoir au moins un enfant. Elle doit être juive selon la loi religieuse ce qui exclue de fait les femmes immigrées russes ou les Arabes qui détiennent une carte d'identité israélienne mais qui ne sont pas reconnues comme juives par le Rabbinat.

            Lorsque ces étapes ont été franchies, un contrat est établi devant les tribunaux garantissant l’impossibilité pour la mère porteuse de se rétracter et sa déchéance du droit sur le bébé qui naîtra. De même, la famille commanditaire ne peut refuser la naissance pour «non-conformité» du bébé. Le sperme et les ovules sont impérativement en provenance de l’un des parents commanditaires ce qui implique que le bébé naîtra avec les gènes de l'un des vrais parents. La mère stérile suivra l’évolution de la grossesse pendant les neuf mois de gestation pour s’imprégner au mieux de sa future condition et, au moment de l’accouchement, elle recevra, la première, le bébé sur son corps, dès son premier cri, de façon à ce que le premier contact du nouveau-né avec la vie soit avec celle qui l’élèvera. Les règles psychologiques sont ainsi bien établies.
            L’État officialise la naissance par un acte officiel délivré par les Tribunaux où la mère porteuse n’a aucune existence légale. Les nouveaux vrais parents seront reconnus par toutes les instances administratives et religieuses du pays sans aucune référence à la mère porteuse. L’ambassade de France ne peut qu’entériner légalement cette naissance sur la base d’un extrait de naissance certifié par les autorités israéliennes.
            Certes le contrat mentionne une indemnité financière qui est la contrepartie évidente de la GPA. Il ne faut pas se voiler la face. Les mères porteuses trouvent un moyen d’améliorer leur condition financière sans esprit de sacrifice. La solution est coûteuse et n’est réservée qu’à quelques couples privilégiés puisque le montant global de l’opération avoisine les 40 à 50.000 euros répartis entre les frais médicaux et la mère porteuse. Cette somme est bloquée sous séquestre entre les mains d’un avocat assermenté qui assure à la mère porteuse un revenu pendant la grossesse et au couple stérile la garantie de bonne fin de l’opération. Il n’y a aucun doute que l’argent, et uniquement l’argent, motive la mise à disposition d’un ventre de pauvre. Mais certaines femmes défavorisées socialement trouvent là une source de revenus représentant trois à quatre années de salaire. Elles peuvent renouveler cette opération plusieurs fois avec les seules limites médicales.
Sylviane Agacinski et Lionel Jospin

            Certes l’argent peut être générateur de bonheur pour des couples dont la continuité de la lignée était de facto interrompue. Certains qualifient de dure la réaction de la philosophe Sylviane Agacinski qui estime «éprouver un certain dégoût à devoir argumenter pour dire pourquoi il est indigne de demander à une femme de mettre son ventre à la disposition d’autrui»  et qui s’inquiète que «la gestation autorisée sera forcément rémunérée, faisant du ventre des femmes un instrument de production et l'enfant lui-même une marchandise». 
            La propension de certains philosophes à donner systématiquement leur avis comme s’ils détenaient, seuls, les dogmes de la morale et la clef du savoir est jugée indécente par les couples qui vivent un désespoir immense. Les banques, réputées pour être frileuses quand on les sollicite, font dans ce seul cas preuve d’un peu d’humanité puisqu’elles acceptent de financer à long terme ces opérations au nom de la solidarité nationale et du bonheur du couple.
               En Israël, la GPA est de plus en plus courante et elle ne provoque aucun problème moral ou psychologique. Elle donne du bonheur à ceux qui en manquaient.

1 commentaire:

Véronique Allouche a dit…

Le bonheur est peut-être ailleurs que dans le ventre d'une mère porteuse. Combien d'enfants en manque d'amour, vieillis avant que d'être, humiliés, maltraités, abandonnés par leurs géniteurs feraient le bonheur de couples en mal d'enfant. Faut-il absolument pour être reconnu comme sien que la génétique prime sur toute autre considération ? Israël n'a peut-être pas d'état d'âme sur la question mais les raisons religieuses me semblent arbitraires, voire intolérables.
L'amour donné à un enfant ne doit pas avoir de prise, ni dans le temporel ni dans le spirituel.
Bien cordialement