LA SECONDE MORT DE RABIN
Par
Gérard AKOUN
Judaïques FM
Monument Rabin à Tel Aviv |
Chaque
année, des dizaines de milliers d’Israéliens se réunissaient, square Rabin pour
commémorer la mort du Premier Ministre, Itzhak Rabin, l’artisan des Accords
d’Oslo, assassiné le 4 novembre 1995, par un extrémiste juif ultra
religieux lors d’un meeting sur ce qui s’appelait alors la place des Rois
d’Israël. Cette année, cet hommage à l’homme de paix, au défenseur de la terre d’Israël
ne pourra être rendu, faute d’argent dit-on, à celui qui avait suscité un
véritable espoir de paix dans la région.
Commémoration mort de Rabin |
Cette
cérémonie avait été organisée, chaque année, par des associations privées qui
cette fois n’ont pu trouver les 800 mille dollars nécessaires, paraît-il, pour
ordonnancer, sécuriser, cette manifestation. Qu’il ne soit pas possible de collecter
une telle somme à Tel Aviv et sa région, dans la partie la plus riche d’Israël,
habitée par des gens qui ont la réputation d’être de gauche et d’avoir, pour beaucoup
d’entre eux, les moyens de subventionner une telle manifestation, ne me semble
pas une explication plausible.
L’explication
n’est pas le manque d’argent, l’explication est politique. Année après année, l’espoir
d’un règlement définitif du conflit israélo-palestinien s’est évanoui. Les gens
se sont démobilisés. Les gouvernements israéliens qui se sont succédés, se sont
employés, à quelques exceptions près, à détricoter les Accords d’Oslo, à les
vider de leur substance. A leur décharge, il faut reconnaître que les
dirigeants palestiniens, qu’il s’agisse d’Arafat ou de ses successeurs, n’ont
pas fait preuve de courage et se sont le plus souvent contentés de gérer un
statu quo qui semble mieux leur convenir.
La
gauche israélienne, le camp de la paix s’est au fil des années désagrégé, aucun
leader porteur d’espérance, n’a émergé pour reprendre l’héritage de Rabin, ces
fameux Accords d’Oslo, qui, certes n’étaient pas parfaits mais qui
constituaient l’ébauche d’une solution qui aurait pu être développée. On se
pose toujours la question, et si Ygal Amir avait raté sa cible, et si Rabin
n’avait été que blessé, le conflit aurait il pu être résolu ? Israël et la
Palestine seraient ils en paix ? Nul ne peut y répondre.
Toutefois
il semble évident que la droite et l’extrême-droite auraient utilisé tous les
moyens en leur pouvoir pour s’opposer à la signature d’accords qui auraient
comporté des évacuations de colonies, de même qu’une solution de compromis sur
Jérusalem. Benyamin Netanyahou, à l’époque avait accusé Rabin «d’être déconnecté de la tradition juive et
des valeurs juives». Il ne s’était pas non plus opposé au déchainement de
haine qui s’était déclenché à l’encontre de Rabin, la droite collait des
affiches de Rabin en uniforme nazi SS ou sous le viseur d’un sniper ;
Netanyahou ne les voyait sans doute pas !! Depuis il s’est toujours
efforcé de gommer la figure de Rabin dans l’espace public israélien. Je pense
qu’il ne doit pas être attristé à l’idée que, cette année la commémoration ne
pourra pas avoir lieu.
L’an
dernier Bill Clinton était présent pour la cérémonie du vingtième anniversaire
de l’assassinat de Rabin ; il s’était
adressé, ainsi, aux Israéliens leur demandant de parachever l’œuvre du Premier
ministre assassiné «la prochaine
étape, dans la magnifique histoire d’Israël sera déterminée par votre choix. A
vous de dire si Rabin avait raison, si vous choisissez de partager votre avenir avec vos voisins et de
vous dresser pour la paix, parce que le risque de faire la paix n’est pas aussi grand que celui de lui
tourner le dos».
Il
y a malheureusement peu de chance pour que les Israéliens s’engagent sur cette
voie, compte tenu du virage à droite et à l’extrême-droite de leur société. L’annulation
de la commémoration publique de l’assassinat d’Itzhak Rabin clôt un chapitre de
l’histoire d’Israël : c’est la seconde mort de Rabin.
1 commentaire:
Comment ne pas voir que l'annulation de la commémoration de l'assassinat d'Itzhak Rabin par un Juif, va conforter l'idée de paix impossible entre Israéliens et Palestiniens ?
J'ai alors pensé à ce "peuple élu" de l'Ancien testament, revenu sur la terre de ses ancêtres après 1878 ans d'absence pour refonder un État hébreu sous le nom d'Israël.
Puis j'ai pensé à la France qui a, en quelque sorte, fait le chemin en sens inverse, puisque la "fille ainée de l'Église" qui s'est construite après le baptême de Clovis adossée à l'Église catholique jusqu'à ce que la Révolution française, s'est appliquée à faire table rase de 15 siècles d'histoire et a ainsi ouvert la voie aux totalitarismes du XXème siècle.
Comment ne pas voir que Israël, mais aussi la France, jouent actuellement leur survie c'est-à-dire la survie de leur nation en tant que telle ?
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