LES LIMITES DU COMBAT
CONTRE LE TERRORISME
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
Il serait légitime de douter de la
volonté occidentale d’en découdre avec Daesh. Lorsqu’en janvier 2015
quarante dirigeants
du monde entier ont défilé, en se tenant par le bras dans les rues de Paris,
l’opinion internationale était persuadée que l’éradication de Daesh et
d’Al-Qaeda n’était plus qu’une question de semaines. On constate que cette marche n’a pas été
suivie d’effet puisque ses résultats se font encore attendre.
Les
gesticulations ont été éphémères ; les intérêts claniques de certains pays
priment sur l’intérêt international. Les ministres européens avaient
envisagé la mise en place de mesures sécuritaires allant de la confiscation des
papiers d'identité des personnes considérées comme dangereuses à l'accélération
des accords sur le partage des données des passagers aériens, en passant par le
renforcement ou la réforme de l'espace sans frontières Schengen.
Il a fallu attendre la réunion du G20,
le 16 novembre en Turquie, pour qu’une déclaration finale tente de montrer que
les participants attachaient une grande importance à la question de la lutte
contre le terrorisme. Certes les chefs d'État et de gouvernement ont confirmé à
nouveau qu'ils allaient «travailler ensemble pour renforcer la sécurité de
l'aviation internationale». Mais le président Barack Obama ne s’est
pas beaucoup engagé au sommet d’Antalya, se bornant à déclarer que son pays et
la France se battraient ensemble contre le terrorisme, sans toutefois préciser
comment et avec quels moyens.
À la suite des attentats du 13
novembre, la France a pris des décisions locales en instituant l’état d’urgence
accompagné de mesures de haute sécurité. Mais les donneurs d’ordre, agissant
depuis la Syrie, ont démontré leur efficacité. Il leur a suffi d’envoyer huit kamikazes
pour mettre Paris à feu et à sang, pour imposer l’ordre du jour du gouvernement
et pour désorganiser la vie publique. Le choc des bombes risque cependant de
s’émousser rapidement avec le temps.
La passivité de l’Occident a été
déconcertante lorsque Daesh a attaqué Palmyre en Syrie. Les États-Unis n’ont
pas lancé leur aviation sur ces terroristes parce qu’ils craignaient d’être
accusés de soutenir l’armée syrienne qui défendait la ville et donc de
favoriser le maintien de Bachar Al-Assad au pouvoir. Raisonnement alambiqué qui
dénote des intérêts divergents. Daesh a exploité cette faille en occupant et en
détruisant Palmyre puis en décapitant les soldats syriens capturés pour mobiliser
les medias à son profit. Cette victoire psychologique a été déterminante pour
conforter la foi belliqueuse des troupes de Daesh et pour démoraliser l’armée
régulière.
Le président turc Recep Tayyip
Erdogan a de son côté joué le double jeu auquel l’Occident est habitué en
exigeant une action «collective contre le terrorisme». C’était un bon
moyen pour lui de ne pas se mouiller et de ménager Daesh qu’il voulait bien
frapper à condition de s’en prendre aussi
aux Kurdes syriens et à l’UPP (Unités
kurdes paramilitaires de Protection du Peuple), alliés des États-Unis. Alors,
devant la réticence américaine, il s’est remis à bombarder les Kurdes de
Turquie en laissant Daesh libre d’agir à sa guise.
Al-Souri |
Les dirigeants occidentaux n’ont pas
assimilé la bible djihadiste d’Al-Souri, inspirateur et idéologue d’Abou Bakr
al-Baghdadi, le calife de l’État islamique. Dans ce Mein Kampf moderne, la
stratégie de Daesh est pourtant parfaitement tracée en mêlant le terrorisme
urbain aux tactiques de guérilla, voire de guerre conventionnelle. Lorsque les
combattants de l’UPP ont coupé la route menant vers la Turquie pour isoler ceux
de Daesh, ces derniers se sont infiltrés à Kobane, déguisés en Kurdes et ont
massacré 220 hommes, femmes et enfants. La route a été libérée. Par ailleurs, dès
que la Russie a ciblé ses frappes militaires contre les camps de Daesh, elle a immédiatement payé la note avec une bombe qui a opportunément détruit un de ses avions en faisant 224 victimes.
Les racines profondes de Daesh et le combat homéopathique |
Daesh veut marquer les esprits alors
qu’il existe une volonté des Occidentaux de minimiser son impact sanguinaire pour masquer en fait leur faiblesse. Il se comporte
véritablement comme un État qui dispose d’une armée expérimentée, d’un système
de conscription, de services de collecte des impôts. Sa manne financière
provient de la vente de matières premières comme le pétrole, le coton et les
phosphates confisqués en Syrie et en Irak et qui sont vendues au gouvernement
turc qui en fait le commerce. Pourtant le combat commence par une asphyxie
économique.
Mais en ce qui concerne la France,
il est à craindre que ces mesures tardives soient insuffisantes face à des opérations-suicides
contre les populations civiles. Daesh dispose de nombreux relais parmi la
population maghrébine qui lui permettent de passer au travers des contrôles de
sécurité. Son implantation date de plusieurs années, dans l’ignorance ou
l’indifférence de la police française qui a eu du mal à infiltrer ses rouages.
Peshmergas |
L’éradication du terrorisme en
France passe par l’éradication de ses relais en Syrie. Seule une action
coordonnée conjointe entre les Russes, les Américains et les Français pourra y
parvenir à condition toutefois d’augmenter les forces sur le terrain, ce qui
n’entre pas dans le programme de Barack Obama ni dans celui de François
Hollande. Une solution de rechange consisterait à équiper et armer en matériel
de haute technologie les combattants kurdes de l’UPP et des Peshmergas kurdes
irakiens qui combattent avec de faibles moyens contre Daesh mais avec
efficacité. Ils sont les seuls à pouvoir freiner l’avance terrestre des hordes
barbares. Les frappes américaines sont homéopathiques et l’aviation française
ne peut atteindre les nombreuses bases souterraines qui abritent des bataillons
de combattants prêts à en découdre. Quant aux Russes, ils privilégient surtout le
soutien à l’armée régulière pour consolider le bastion de Bachar Al-Assad.
Par ailleurs les Américains sont
convaincus qu’ils ne doivent pas rééditer l’erreur commise en Irak. Ils ont
besoin de l’administration syrienne, de l’armée et des services de sécurité
entièrement aux mains des Alaouites. Éliminer ces soutiens de Bachar Al-Assad
c’est effondrer l’État en créant un vide qui sera immédiatement comblé par
Daesh. C’est le dilemme auquel sont confrontés les Occidentaux qui ne pourront
pas empêcher les attaques terroristes sur leur sol tant qu’ils n’auront pas
éradiqué les donneurs d’ordre de Syrie.
Nsa |
Les services de sécurité et de
renseignement français n’ont pas beaucoup investi dans la guerre secrète contre
Daesh. Leurs méthodes étaient dépassées. Ils ont d’ailleurs démontré leurs limites
dans un combat où ils n’étaient pas préparés. Ils n’ont pas été autorisés à
créer une sorte de Patriot Act qui leur aurait permis de s’infiltrer
dans les communications radio, internet et téléphoniques pour connaître les
préparatifs des terroristes et pour arrêter les suspects, c’est vrai en
écornant les règles du droit.
Mais les États-Unis, champions de la démocratie,
n’ont pas eu de scrupules parce que le pays exigeait de la sécurité et tous les moyens étaient bons. L’enquête
démontre à présent que les tueurs ont échangé de nombreux SMS et de nombreux
messages via Internet pour synchroniser leur opération. Les nouveaux moyens
techniques auraient dû permettre à la police d’éventer le projet.
Alors les polices ont mené des raids
tout azimut en France et en Belgique pour
découvrir les cerveaux terroristes du monde islamique. Ils donnent l’impression
de tâtonner face à une population qui a besoin d’être rassurée. Ils espèrent qu’en
tapant de manière désordonnée dans la fourmilière, ils finiront par tomber sur
les coupables. Il est dramatique de constater que les responsables sécuritaires
sont encore incapables de chiffrer le nombre de personnes impliquées dans les
attaques et de définir l'emplacement précis des réseaux terroristes. Les
services de sécurité ont beaucoup de lacunes à combler alors que des experts
israéliens nous avaient donné, dès janvier 2015, les recettes pour contrer efficacement
des terroristes devenus ingénieux avec l’usage des moyens militaires modernes. La
police en est réduite à lancer des appels à témoin ce qui montre son
amateurisme en matière de renseignements.
Le professeur israélien Ami Moyal et son équipe spécialistes des écoutes |
Toute la philosophie sécuritaire est
à repenser en France. Ce ne sont pas les 5.000 policiers nouveaux,
opérationnels dans deux ans, qui changeront la donne. La réflexion doit s’orienter
vers un changement de méthodes, vers la création de commandos à l’israélienne déguisés
et capables de s’infiltrer le temps d’une opération parmi les populations
islamistes, vers la neutralisation des provocateurs qui narguent la police en
s’affichant avec leur djellaba et leurs barbe, vers la destruction des gangs de
la drogue qui transforment leur poudre de la mort en kalachnikovs, vers la
réoccupation des zones de non-droit.
Ces mesures draconiennes indisposeront certainement les pays arabes, clients potentiels, mais la sécurité de la population française l’exige. Il faut une volonté politique car la police française ne comporte pas que des bras cassés. Il semble qu'elle ait été bridée pour ménager la politique internationale du Quai d'Orsay. Elle a besoin d’avoir les mains libres et d’être soutenue par les dirigeants, de droite et de gauche, pour ne pas laisser le pays sombrer dans la peur ou l’anarchie.
Ces mesures draconiennes indisposeront certainement les pays arabes, clients potentiels, mais la sécurité de la population française l’exige. Il faut une volonté politique car la police française ne comporte pas que des bras cassés. Il semble qu'elle ait été bridée pour ménager la politique internationale du Quai d'Orsay. Elle a besoin d’avoir les mains libres et d’être soutenue par les dirigeants, de droite et de gauche, pour ne pas laisser le pays sombrer dans la peur ou l’anarchie.
3 commentaires:
Jacques, tres bon article! Dommage que les Francais qui peuvent changer quelque chose, ne lisent pas cet article...
Merci pour cette excellente analyse et rappel des événements. Mais bien entendu les volontés politiques sont divergentes pour des intérêts différents. Dommage qu'aucune coordination internationale ne puisse être organisée.
Oui c'est un très bon article,c'est clair que tout ne ce
Fait pas de façon parfaite en ce qui concerne les
Services secrets,et très clair que le mossad est le
MEILLEUR!
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