LA RÉALITÉ DE L’ALYAH DE FRANCE
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
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Après l’élection de François
Hollande, des augures éclairés prévoient
que de nombreux juifs français s’apprêtent à immigrer en Israël. De son côté, l’Agence
juive use de la méthode Coué pour considérer comme immigrés potentiels les 5.000
juifs qui ont visité le salon de l’alyah qui vient de se tenir à Paris. Son
président Nathan Sharansky ose le parallèle avec «la situation des
juifs russes qui faisaient la queue devant l’ambassade d’Israël à Moscou».
Antisémitisme
en France
Israël mise sur l’augmentation de l’antisémitisme
en France et sur les peurs qu’il engendre pour sensibiliser le demi million de
juifs vivant dans l’hexagone. L’alyah de France, la plus importante de l’Europe,
était en voie de se tarir avec une baisse de 42%. Après les années fastes qui
voyaient plus de 2.500 personnes par an quitter leur pays, la désaffection pour
Israël avait inquiété ceux dont le rôle est de rassembler le peuple juif sur sa
terre.
Les vagues de départs n'ont cessé de
fluctuer, entre poussées d'actes antisémites et élans de solidarité pour
Israël. En 2002, le ministère de l'Intégration faisait état de plus de 2.500
arrivées, 3.000 en 2005, puis 2.802 en 2006, 2.659 en 2007, avant de retomber à
2.000 en 2008 et 2009 et 1.600 en 2010. Les fonctionnaires israéliens, pour se
dédouaner, ont attribué le mal à des causes étrangères : «L'arrivée au pouvoir de Nicolas
Sarkozy a redonné aux juifs français un sentiment de sécurité et de confiance
en l'avenir en France.»
Il
n’est pas sain pour la réussite de l’immigration de masquer les vrais
problèmes. Ce serait considérer les juifs
de France comme versatiles et influençables et ce serait mettre en doute leur
sentiment proprement sioniste. A l’évidence les raisons sont ailleurs et, pour
analyser cette baisse,
il faut avoir le courage de ne pas se voiler la face. Si des mesures sérieuses ne
sont pas prises, nous n’éviterons pas les déconvenues des vagues françaises idéalistes
de 1960, 1970 et 1990 qui se sont soldées par des échecs puisque les retours ont été
massifs. Exploiter la peur et le spectre islamiste pour pousser les juifs à
venir sans préparation psychologique, et surtout matérielle, peut entrainer des
drames familiaux irréversibles.
Immigrants
économiques
L’alyah
française est sociologiquement variée. Elle se compose d’abord d’immigrants
économiques. Beaucoup de retraités, qui doivent se battre en France pour
équilibrer leur budget atteignant moins de 1.500 euros pour un couple, trouvent
un moyen d’améliorer l’ordinaire en Israël car, avec un coût de vie inférieur
et un euro solide, l’équivalent en shekels représente un revenu confortable. Certes, actuellement
les choses sont en train de changer avec l’augmentation du coût de la vie en
Israël mais l’écart reste encore intéressant.
D’autres, aux revenus plus conséquents,
profitent de leur expatriation pour ne plus payer d’impôts durant dix ans et pour
le moins, ils économisent 11% sur leur retraite puisqu’ils sont exonérés de CSG
et RDS. Pour ces deux catégories, l’Agence Juive a compris qu’elle n’avait
aucun suivi à organiser car ces immigrants continuent à vivre dans un entourage
protégé et typiquement français, soumis seulement aux aléas de la nostalgie.
Les sionistes
Les religieux, constituant la
deuxième catégorie, ont décidé de vivre leur judaïsme dans la patrie historique.
Ils viennent vivifier les implantations en Cisjordanie et restent peu exigeants
sur le plan financier malgré des conditions de vie difficiles. Cependant leur
situation, souvent précaire, est aggravée par un taux de naissance élevé non
compensé, comme en France, par des prestations sociales adéquates. Ils ont
alors tendance à vivre de la solidarité de la communauté, pour ne pas dire
d’expédients.
Quand aux idéalistes sionistes, ils
font souvent face à de telles difficultés dans leur intégration qu’elles les
conduisent à retourner en France. Les efforts ne sont pas suffisamment faits
pour cette catégorie qui reste discrète dans sa désillusion. Les chiffres
officiels des retours sont difficiles à établir mais ils avoisinent 30% des
arrivants. Le paradoxe tient, à leur retour, dans leur manque d’agressivité
vis-à-vis d’Israël comme s’ils voulaient partager les responsabilités de leurs
difficultés. Ils tiennent à cacher ce qui, au profond d’eux-mêmes, reste un
échec cuisant parce qu’ils acceptent une part de culpabilité. Ils ne sont pas
fiers d’être retournés vivre à Sarcelles ou à la Villette, dans des quartiers islamisés.
Il faut avouer que les immigrés français
ne bénéficient pas d’une aide communautaire préférentielle, telle celle des américains avec
leur association puissante «Nefesh b’nefesh» qui organise tout avant
leur départ des États-Unis, qui les forme en hébreu, qui leur prépare l’appartement
et qui leur offre un travail adapté à leur compétence lorsqu’ils posent le pied
au bas de la passerelle.
Immigrants russes |
Par ailleurs, en toute conscience, les
français estiment qu’ils n’ont pas pris exemple sur les russes qui, dès leur
arrivée au pays, «sacrifient» leur première année à étudier intensément
la langue afin d’être en mesure d’occuper, grâce à la maitrise de l’hébreu, des
postes de fonctionnaires ou des emplois dans le service. Les français ont
tendance à vouloir immédiatement entrer dans le marché du travail, au risque de
se voir proposer des travaux peu rémunérés. Ils échouent alors leur intégration
parce que leur emploi n’est jamais en adéquation avec leurs compétences. Pourtant,
la langue française, couplée avec une autre langue, est un passeport pour une
réussite professionnelle dans la banque, le tourisme ou même l’administration
qui compte anormalement peu de français. Ainsi par exemple, le fonctionnaire du bureau d'immigration, qui reçoit les français, ne parle pas leur langue.
Génération
Boeing
Pour pallier cette difficulté
linguistique, de nombreux français de la «génération Boeing» continuent
à travailler en France et rejoignent leur famille au mieux le week-end, au pire
une fois par mois. Cette solution temporaire, économiquement rentable, a
tendance à perdurer au détriment de la stabilité de la famille qui supporte
difficilement l’absence du père. Elle entraine souvent une cassure dans le
couple et, inévitablement, le retour en France pour éviter le divorce.
Certains ont accepté d’analyser pour
nous, avec objectivité, leur échec. Ils se reprochent d’être venus en Israël en
sachant que l’option du retour en France leur était toujours offerte. Dans leur
esprit, ils n’avaient pas coupé le cordon ombilical avec le pays où les comparaisons
économiques étaient bien sûr en défaveur de leur alyah. Ils avouaient n’avoir
pas totalement assimilé, comme les russes, cette nécessité de rompre
définitivement avec la facilité d’un passé doté d’avantages sociaux attractifs.
La nostalgie du pays les poussait à peu investir sur leur avenir professionnel
en Israël.
L’Agence Juive n’est pas neutre dans cet
échec car elle n’use pas souvent d’un langage de vérité. Tant que les yeux de ses
fonctionnaires seront fixés sur la ligne des statistiques des départs, en
ignorant celles des retours, l’alyah ne se portera pas mieux. Les français ne
sont pas obtus et sont des humains responsables. Mais ils doivent recevoir de
l’Agence une assistance personnalisée et non participer à des réunions communes
où l’on se borne à énumérer les avantages, en baisse constante et limités dans
le temps, qui vont leur être alloués.
Ils doivent être informés des
difficultés qui les attendent, surtout dans le domaine de la langue et de
l’emploi. Leur intégration doit être organisée, plusieurs mois avant leur
départ, dans leur pays d’origine, en imposant en tout premier lieu des cours
obligatoires d’hébreu, condition suspensive pour l’obtention de leur visa. Par
ailleurs, une éventuelle reconversion professionnelle serait facilitée si elle
avait lieu dans la langue natale et dans le pays d’origine. Cela implique un
grand investissement humain vite amorti sur place par une réussite certaine qui
évitera les désillusions.
Mesures adéquates
Le Hightech pourvoyeur d'emplois |
La baisse du niveau de vie dans les
premières années est un élément tangible auquel nul ne peut échapper. Le
candidat français, le vrai idéaliste, est prêt à accepter cette vérité
difficile car elle entre dans la définition même du pionnier et du sioniste. A
défaut, l’échec des «yordims» de Ra’ananna, Jérusalem ou Ashdod finira
par ternir, par un bouche à oreille destructeur, l’image que l’on se fait
d’Israël et par décourager ceux qui ont fait le projet de partir. Cette contre-publicité
explique d’ailleurs cette baisse de l’alyah.
Si le gouvernement israélien tient à la Diaspora française, il
faudra qu’il agisse autrement. Les structures d’intégration manquent beaucoup
plus que l’argent, certes mal réparti et souvent mal utilisé. Il devra financer
des bureaux de placement spécifiques aux français, dirigés par des salariés
convaincus et non par des bénévoles. Ces fonctionnaires auront alors à cœur
d’arracher auprès des anciens les postes qui apporteront le réconfort moral aux
transplantés. Ra’ananna, qui voit venir à elle la fine fleur de la jeunesse française,
ne dispose d’aucune structure à cet effet. Le nouvel immigrant, passé le
portique de la douane à Ben Gourion, se sent abandonné alors qu’il a besoin de
sollicitude durant les premiers mois. De leur côté, les français devront
s’organiser pour mieux peser, politiquement et électoralement d’abord, puis
économiquement ensuite. Forts de leur solidarité, ils finiront alors par
obtenir que certaines portes leur soient enfin ouvertes. Or ils se combattent
au lieu de se rassembler car les intérêts personnels priment sur les intérêts
collectifs et ils n'obtiendront alors aucune représentation dans les conseils municipaux ou à la Knesset.
La situation politique et économique difficile
en Europe peut certes pousser les juifs à tenter leur vie ailleurs. Il est
encore temps de mobiliser les énergies et les millions de shekels pour
renverser la situation et ramener à la maison ceux qui n’attendent que cela,
pourvu qu’on s’occupe mieux d’eux. Mais, sauf en cas de danger mortel, il ne
faut pas miser sur une alyah d’urgence comme on semble le faire actuellement par des articles de presse inquiétants.
1 commentaire:
L'article sur la réalité de l'Alyah de France est excellent, il détaille avec précision les difficultés qu'ont les jeunes Français et les jeunes Française à s'adapter. Cette inadaptation est due principalement au fait que mal conseillés, ils ou elles pensent éviter la perte d'une année consacrée à l'étude de la langue.
L'Eat nation Juif - Israël, doit s'obliger à financer pendant une année l'étude de l'hébreu. Cet investissement aura des résultats bénéfiques pour chacun et pour tous.
Il y a un sujet, que cet excellent article passe sous silence, c'est le blocage des sommes versées par des ressortissants Européens dans les banques et pour lesquelles les banques font des difficultés financières en inventant des lois inexistantes.
Ils ya aussi le scandale des Forex, organisé par des franco-israéliens qui ont dépouillées de leurs économies beaucoup de retraités.
Plus encore, des avocats israéliens parlant le français induisent en erreur leurs clients où prétendant ignorer certaines dispositions spécifiques aux taxations municipales ou fiscales pour favoriser leurs coreligionnaires spécifiques à certains pays du Maghreb. Lorsque la supercherie est découverte ils prétendant ignorer les dispositions.
Ces mésaventures financières font hésiter à beaucoup d'investir dans l'Etat nation Juif - Israël !
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