ASHKENAZE OU SEFARADE ?
Par Jacques BENILLOUCHE
Certains seraient intéressés à connaître la différence entre un rabbin ashkénaze et un rabbin séfarade en Israël. Plus de soixante ans après la création de l’Etat juif, la dichotomie héritée du temps de l’exil est maintenue, sinon amplifiée. Le nouveau maire de Jérusalem, qui joue de la modernité, aurait pu se montrer original en imposant l’union religieuse des juifs autour du seul texte sacré, en dehors de toute référence au passé. La municipalité est parvenue à un accord entre d'une part le Shass et d'autre part, les sionistes-religieux pour nommer deux rabbins en chef. Pour les ashkénazes, il s'agit du rav Arié Stern et pour les séfarades de Itsak Yoseph le fils du rav Ovadia Yosef.
Ségrégation
Cette ségrégation entre orientaux et occidentaux avait été érigée en système en Tunisie, au début du siècle dernier, où deux communautés antagonistes vivaient dans la séparation totale avec deux cimetières, deux rabbins et deux organismes de communauté concurrents. Les Granas voulaient se distinguer des Touensas, plus proches du peuple et de la misère et éloignés de la modernité. Mais la réunification a eu lieu au bénéfice de tous les juifs tunisiens. Même dans la connaissance talmudique approfondie le fossé culturel a été comblé depuis bien longtemps. Dès le IX siècle, le rabbin tunisien de Kairouan Khananel Benkhoushiel avait rédigé le premier commentaire du Talmud de Babylone et le commentaire arabe achevé en 1168 par Moïse ben Maïmon fait encore autorité parmi les juifs des pays musulmans.
Depuis longtemps en France a été abolie cette distinction car, depuis les années soixante, le mixage a permis de revivifier une communauté qui se serait éteinte si les nord-africains n’étaient pas venus la consolider. La nouvelle génération s’identifie en s’estimant uniquement juive. A la rigueur, subsistent encore les différences culinaires mais, même dans ce domaine, les échanges sont flagrants et les frontières abolies. Invité il y a peu chez un ami, de l’Est comme on dit chez nous, j’avais entraîné mes papilles à la dégustation d’un bon hareng et d’un guéfiltefish, plat de fêtes de ces gens venus du froid, mais notre hôtesse nous a impressionnés avec un excellent couscous au poisson prouvant que la fusion est à présent totale. Que répondre à mon petit fils, dont la mère est d’origine austro-polonaise, sur sa réelle identité alors qu’il adore la «pkaïla»?
Réminiscence du passé
La nature du juif est toujours de chercher à se distinguer de ses semblables et de vouloir être différent dans sa propre synagogue, sa propre communauté et sa propre association. Mais en voulant imposer cette distinction de manière officielle, dans notre Capitale administrative et religieuse, on laisse perdurer des réflexes des temps anciens et révolus. La réminiscence permanente du passé n’intervient pas comme une volonté de maintenir intacte ses racines mais comme un moyen d’ériger un mur entre les juifs. Autant le maintien des traditions dans la diaspora était une exigence pour la surie du peuple juif, autant cette distinction entre séfarades et ashkénazes n’a plus de raison d’être. Israël s’est enrichi du mélange des cultures et des mixages ethniques.
Cette séparation volontaire consolide les stigmates de la division et donne du poids aux rabbins lituaniens qui imposent leurs vues et les encouragent à maintenir une ségrégation dans le réseau officiel éducatif. Des incidents récents ont d’ailleurs montré que les anciens réflexes ne sont pas totalement disparus et qu’ils vivent encore enfermés dans leur «schtetel» psychologique et dans le passé, au lieu de vivre le présent.
Il faudrait qu’en Israël cette classification des juifs entre orientaux et occidentaux disparaisse pour laisser place à une seule identité, l’identité juive.
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