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samedi 25 février 2023

Isratollah, Israël 2025 par Claude MEILLET

 

ISRATOLLAH, ISRAËL 2025


Par Claude MEILLET

 


-Kamyar. Pas très sépharade. Ni ashkénaze. C’est un prénom de quelle origine ?

-Iranien, répondit, l’homme massif, brun de teint, chevelure noire, longue, épaisse, dents plus que blanches dans un sourire un brin moqueur. Il expliqua. Historien, chercheur, il avait postulé pour participer à un colloque organisé par l’université de Haïfa, à tout hasard. A sa grande surprise sa candidature avait été acceptée. Et, surprise encore plus grande un interrogatoire de moins d’une demi-heure, plutôt bon enfant, lui avait ouvert les portes d’Israël, à l’aéroport Ben Gourion.



Peut-être sa première visite, en 2021, avait-elle joué en faveur de cet accueil, relativement aisé, en cette année 2025.

-Une certaine similitude, aussi ? suggéra Jonathan. Probablement, reconnut Kamyar, sans insister. Puis devant le silence, si éloquent, de Jonathan, il reprit. Effectivement, si en 2023 votre pays a entamé sa révolution différemment du début de la révolution iranienne, on est obligé de constater qu’en 2025, vous en êtes apparemment arrivés presqu’au même résultat.

A la demande de son interlocuteur, Jonathan entreprit de lui résumer la situation. Qui n’est plus une apparence, mais une réalité. Bien ancrée. Iran a ses Ayatollahs. Qui résistent, contre vents et marées. Nous avons les nôtres. Copiés collés. En deux ans, en dépit de toutes les résistances, tous les combats, toutes les oppositions, sur le plan intérieur, la caste des religieux extrémistes s’est positionnée au sein de tous les pouvoirs. De toutes les activités. En premier lieu, la justice. Contournée, infiltrée, diminuée, laminée, la Haute Cour est devenue la basse-cour. À partir de là, la police a dû s’accommoder du rôle grandissant d’une milice aux ordres. L’éducation, la santé, les transports, la culture, évidemment, l’économie et la finance, la high tech, l’industrie, le commerce, tout, tout a été, de gré ou de force, soumis aux règles d’une religion triomphante. L’armée même, a dû négocier. Pour finalement, limiter son autonomie. Les femmes, grandes perdantes, ont vu leur statut régresser. Avec, en corollaire, autre ressemblance, un développement exponentiel de la corruption, des comportements mafieux.

Les différentes minorités arabes israéliennes ont accompagné les femmes dans la régression de statut. Une démarche ostentatoirement raciale, qui est devenue triomphalement raciste dans le traitement de la population palestinienne. Évidée de tout espoir d’État autonome, matraquée policièrement, militairement et socialement, elle se retrouve parquée, contrôlée, dans une situation assumée d‘apartheid.

Sur le plan international, évidemment, ça coince. La dégringolade annoncée, en cours de confirmation, économique et financière, renvoie le pays de la première à la quatrième division. La débâcle morale, la transformation de la démocratie en régime nationaliste, autocratique, entraîne ses conséquences. Isolement par rapport aux communautés internationale et régionale. Renversement d’alliances, la Russie suppléant l’ami originel, les Etats-Unis, les démocratures d’Europe centrale remplaçant les démocraties occidentales classiques. Les instances internationales s’éloignent alors que la menace des institutions de justice mondiales se rapproche

Comment ? Comment expliquer cette révolution à l’envers ? Ou à l’endroit, si on considère l’histoire du point de vue de votre beau pays, l’Iran ?

Premier phénomène. Déterminant. Qui a pris tout le monde par surprise. La vitesse. D’abord, la surprise des intentions. Personne n’a vu venir la radicalité et l’étendue de la révolution religieuse présentée. La période électorale n’en n’a pratiquement pas fait état. Puis l’extraordinaire rapidité de sa mise en œuvre. Une fois terminé le temps laborieux des tractations de postes, de territoires, de responsabilités, le dépeçage des fonctions ministérielles pour alimenter toutes les frénésies de pouvoir, le tsunami a tout emporté. La tactique du fait accompli s’est déroulée à merveille. Au fur et à mesure que le programme de liquidation de la démocratie déroulait des projets, le parlement, aux ordres et discipliné, votait les lois correspondantes. En six mois, les dés étaient jetés.



En face, les manifestations d’opposition de plus en plus massives, les mouvements de rejet par à peu près toutes les corporations, les recours à la grève, les recours à la justice, les dénonciations, les refus d’obtempérer ont eu beau se multiplier, force est restée à la loi. Les lois nouvelles, contestées, mais les lois. Comme le mouvement d’opposition, dans son ensemble est resté légaliste, n’a pas fait le saut de l’illégalité et de la lutte violente, encore moins armée, car trop fratricide, il a finalement été emporté par l’irrésistible tsunami.

Second phénomène, comme toujours, les hommes et femmes politiques. Premièrement, définitivement, le leader. Qui a mis sa virtuosité en jeu du politique, rigoureusement, au service de son propre goût du pouvoir et de sa peur panique d’être condamné à la prison. Qui s’est appuyé, sans vergogne aucune, sur les forces religieuses extrémistes pour assurer sa réussite. Juste derrière lui, et bientôt devant lui, les leaders fanatiques religieux. Exploitant le caractère indispensable de leur appui, malgré leur poids électoral limité, ils imposent au pays tout entier, les diktats, contraintes, limites, définis par un corps rabbinique dictatorial.

Autre phénomène, aussi indéniable que mal connu. Un Robespierre israélien additionné d’un Forum politique américain. Un Robespierre inversé puisque mu par une espèce de haine de la justice de nature démocratique. Entièrement, fanatiquement, voué à son affaiblissement et à sa soumission au législatif. Un mouvement ultra droit et, peut-on dire «ultra friqué», américain, dédié, lui à la promotion de l’annexion des territoires palestiniens occupés, de la «Judée-Samarie». Favorisant donc, sous le manteau, l’élimination de toute composante opposée à cette ambition.



Enfin, une mafia. Mafia d’affidés, de suiveurs, de profiteurs, de soldats de la cause. Mafia non pas attachée à une cause, une idéologie qui vaudrait toute autre, mais une mafia attachée aux basques d’un homme, de l’homme du pouvoir. Ceci explique cela, reprit Kamyar.

      Comme les ultras israéliens ont pris de vitesse les démocrates, les Ayatollahs ont réussi entre temps leur hold-up du nucléaire. Maintenant qu’ils ont leur bombe, expliquât-il, maintenant qu’ils découvrent la similitude de situation entre les deux pays, curieusement, leur attitude devient moins agressive. Il me semble par ailleurs que vos propres ayatollahs, diabolisent un peu moins ces gouvernants adverses mais qui leur ressemblent. Sans compter qu’ils se découvrent aussi les mêmes ennemis.

Tous deux, consternés, soupçonnèrent d’un seul et même élan, que ce récent passage en douceur dont bénéficia Kamyar, était peut-être le signe qu’à un moment très proche, les deux extrêmes allaient peut-être se rejoindre. La même clameur les réunit : Sauve qui peut.

 

6 commentaires:

Marc a dit…

On croirait lire un mauvais roman!

Il est peu vraissemblable qu'en Israël s'installe une théocratie, les partis religieux étant aussi divisés que le reste de la société!

Franchement, "soumission" était mieux écrit!

Véronique ALLOUCHE a dit…

Article d’anticipation à la manière du chef-d’œuvre d’Orson Wells: « 1984 ». Y aurait-il en Israël un Winston Smith, le héros du livre, qui osera affronter les dérives religieuses et constitutionnelles d’un état en danger de survie démocratique? Ou assisterons nous à la désintégration des valeurs jusque-là en vigueur en Israël et à la servitude volontaire de ses citoyens?
La question est pour le moins d’actualité.
Bien cordialement

Anonyme a dit…

Ne confondons pas Orson Welles et H.G. Wells ! Ceci mis à part nous sommes bien d'accord.

Avraham NATAF a dit…

Les religieux nous sont présentés comme des ayatollahs, quelle image de la cible préférée des terroristes, de gens modestes, solidaires dans la vie quotidienne et divisés sinon hostiles d'un groupe à l'autre.

Véronique ALLOUCHE a dit…

@anonyme
Merci d’avoir corrigé ma faute de frappe. Métaphoriquement nous sommes un peu dans « La guerre des mondes » en ce moment…
Bien à vous

Georges Kabi a dit…

C'est probablement ce qui va arriver en Israel. Quel dommage. Ou vivront mes petits-enfants?