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dimanche 27 juin 2021

Ebrahim Raïssi, ordonnateur des exécutions massives


EBRAHIM RAÏSSI, ORDONNATEUR DES EXÉCUTIONS MASSIVES


Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps 



 


            Les ultra-conservateurs ont gagné les élections présidentielles en Iran avec près de 62% des voix dès le premier tour, mais avec un taux de participation de 48%, le plus faible de l’histoire du pays. La victoire d’Ebrahim Raïssi ne faisait aucun doute puisqu’il est très proche de l’Ayatollah Khamenei et que ses principaux adversaires ont été anormalement disqualifiés, ce qui a poussé le camp réformiste à s’abstenir de voter. Né le 14 décembre 1960 à Mashhad, ce religieux et homme politique peu charismatique est directeur de Astan-e Qods-e Razavi, la puissante fondation de charité qui gère le mausolée de l'imam-Reza à Machhad ainsi qu'un immense patrimoine industriel et immobilier. Depuis mars 2019, il est chef du système judiciaire iranien et vice-président de l'Assemblée des experts. Il prendra ses fonctions de président à la fin du mois d’août.

  

         
Assemblée des experts

         Sa carrière a été fulgurante. Nommé procureur général de Karaj, à côté de Téhéran, à seulement 20 ans, au lendemain de la Révolution islamique de 1979. Il restera plus de trois décennies dans le système judiciaire : procureur général de Téhéran de 1989 à 1994, et chef adjoint de l'Autorité judiciaire de 2004 à 2014, année de sa nomination au poste de procureur général du pays.

            Il est certain qu’en raison de ses antécédents, on ne se posera pas la question de savoir s’il est «modéré» puisque ses actes et ses déclarations témoignent en sa défaveur. Toujours coiffé d'un turban noir de seyyed, descendant de Mahomet, il est marié à une professeure de sciences de l'éducation. Il fut l’élève du Guide suprême dans ses cours de religion et de jurisprudence islamique. Il est donc vu comme un possible successeur du Guide suprême sachant qu’en tant que membre du bureau directeur de l'Assemblée des experts, il participe à la nomination du Guide.

Crimes en Iran en 1988


            Mais Raïssi est assimilé à un «boucher» car il a commandé des exécutions massives de prisonniers marxistes ou de gauche du temps où il était procureur adjoint du tribunal révolutionnaire de Téhéran. Il est le plus connu pour son implication dans l'exécution massive de dissidents dans les prisons iraniennes en 1988, vers la fin de la guerre Iran-Irak. Des milliers de gauchistes, dont beaucoup étaient des membres des Moudjahidine e-Khalq (MEK) mais aussi de nombreux communistes, ont été exécutés avec son approbation. Il se défend en expliquant qu’il n’appliquait que l’ordre donné par Khomeini pour procéder à cette épuration : «À Téhéran, il y avait 100 à 120 assassinats par jour contre les forces révolutionnaires. C’est mon honneur d'avoir lutté contre l'hypocrisie».

Avec un esprit anachronique, Raïssi a défendu les règles pour limiter les interactions entre hommes et femmes dans les espaces publics : «Empêcher le mélange des hommes et des femmes dans l'environnement de bureau est pour que les hommes et les femmes puissent fournir de meilleurs services aux gens, et c'est une bonne initiative pour créer un environnement de travail et des efforts appropriés pour les femmes. C'est tout à fait défendable et les premiers défenseurs seront des femmes».

Une femme tient une affiche du président iranien nouvellement élu Ebrahim Raïssi, avec un texte en persan "gouvernement du peuple, Iran fort", 


Il n’existe aucune chance pour que les relations avec Israël s’améliorent En mai 2021, lors du conflit avec Gaza, il a félicité le Hamas pour son combat contre Israël et a appelé à la libération de Jérusalem : «La résistance héroïque de la Palestine a une fois de plus forcé le régime sioniste occupant à battre en retraite et à faire un pas de plus vers le noble idéal de libération de Saint Qods. La résistance palestinienne à Gaza et la jeunesse palestinienne ont pu apporter une grande victoire à la oumma musulmane et arabe, faire honneur aux musulmans et aux chercheurs de liberté du monde, et compromettre les gouvernements qui rivalisent depuis un certain temps pour normaliser les relations avec le régime israélien qui tue des enfants et les rend encore plus honteux».

Conscient des difficultés économiques de l’Iran, Raïssi préconise une «économie de résistance autosuffisante» et le développement de l'agriculture plutôt que d’attendre les investissements occidentaux : «Je vois l'activation d'une économie de résistance comme le seul moyen de mettre fin à la pauvreté et aux privations dans le pays. Il serait erroné d'attribuer tous les malheurs économiques de l'Iran aux sanctions imposées au pays par les États-Unis. L'inflation est l'un des graves problèmes auxquels les gens sont confrontés aujourd'hui. Le prix des produits de base a considérablement augmenté».

Raïssi s’appuie sur Khamenei pour justifier son engagement pour l’accord nucléaire de 2015 qui limite les capacités nucléaires de l’Iran en échange d'une levée des sanctions : «Nous serons attachés au JCPOA en tant qu'accord approuvé par le guide suprême. L'accord nucléaire doit être mis en œuvre par un gouvernement fort mais il n’est pas question de s’en passer. Notre politique étrangère mettra les intérêts nationaux au premier plan. Les sanctions oppressives devaient être levées et aucun effort ne devait être épargné à cet égard». 

Compte tenu de ces déclarations, il est évident que Raïssi est un partisan de la ligne dure. Les 18 millions d'électeurs sur 59 millions d'inscrits qui lui ont accordé leur confiance, prouvent que la population a massivement approuvé le boycott des élections et que le président est le plus mal élu de l’histoire. Il est à craindre que pour contenir la protestation, il soit amené à rouvrir les plaies de la répression meurtrière de 2019. Sombre perspective pour l’Iran. 

2 commentaires:

Yaakov NEEMAN a dit…

La dimension militaire de l'affrontement avec l'Iran (satellisation du Liban, de la Syrie, du Yémen, terrorisme, ambition nucléaire, etc.) nous fait oublier la source de ce qui l'oppose à Israël : la dimension religieuse. Pour l'Islam chiite, le fait que le peuple hébreu soit retourné sur sa terre pour y proclamer un Etat juif est insupportable. Le chiisme peut s'accommoder de juifs tant qu'ils ne vivent pas dans leur pays. Plus qu'antisémite, le chiisme est profondément antisioniste. Cela, tout le monde le sait, tout le monde l'a compris. Parce contre, on n'insiste pas assez sur la raison pour laquelle l'Islam est apparu dans l'Histoire au 7è siècle de l’ère vulgaire.
A cette époque, le peuple juif est au début d’un exil qui va durer deux millénaires. Il ne le sait pas et reste fidèle à sa foi. Mais le Maître de l'Histoire comprend que l’assimilation (ou le fait de s’accommoder de l’exil) risque d'éteindre les braises de Son peuple dispersé. Alors que fait-il : il créé un challenger qui lui va lui disputer l’exclusivité de la notion de Dieu unique. La fonction de l’islam va être de réveiller le judaïsme en contestant son élection. Et ça marche… L’acrimonie de l’Iran et sa volonté génocidaire est l’une des formes ultimes de cette dynamique. A nous de relever le défi est d'être à la hauteur de ce qu'exige de nous le judaïsme. La bombe que les Iraniens se préparent à nous envoyer a pour but de nous contraindre de nous rapprocher de notre identité. Le retour à la spiritualité juive du peuple juif revenu sur sa terre garantira le succès de sa réponse militaire à l'ennemi iranien. (Hachem ich mil'hama). C'est pourquoi tous nos ennemis cherchent à nous déjudaïser. Cette lecture est systémique. De même que Hachem est UN, le monde qu'Il a créé est UN. Tous les éléments du monde sont reliés les uns aux autres, ils interagissent et fonctionnent dans un système clos. C’est la systémique. (Désolé d'avoir été si long).
En tout cas, merci pour cet excellent article. Au passage, en utilisant un convertisseur de dates, on apprend que ce triste sire est né le 25 kislev 5721, le premier jour de Hanoukka de l'année 1960. Intéressant... On ne manquera pas d'avoir une bonne pensée pour lui, quand on allumera la première bougie de Hanoukka 5782.

Marianne ARNAUD a dit…

Cher monsieur Benillouche,

Vous déplorez, à juste titre, le régime politique qui sévit en Iran, cause de mauvaises relations avec Israël.
Certes. Mais lorsqu'on analyse un conflit il ne me paraît pas inutile de remonter jusqu'aux causes, même éloignées, de ce conflit.
Pour ce qui concerne l'Iran, il faut remonter à 1978, où le chah d'Iran, Mohammad Reza - jusque-là soutenu par les Américains - se trouve empêtré dans une crise de régime sévère, lorsque brutalement les États-Unis du président Carter - suivi par l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France - décide de la nouvelle doctrine : "plutôt les islamistes que les communistes".
Le chah d'Iran est abandonné à son sort, au profit de l'Ayatollah Khomeyni.
Mention spéciale à la France où le président Giscard d'Estaing a mis l'Ayatollah au frais, pendant plusieurs mois à Neauphle-le-Château, avant qu'il ne rejoigne l'Iran en 1979, une fois la révolution accomplie.
Et voilà pourquoi votre fille est muette.

https://www.geo.fr/histoire/revolution-iranienne-pourquoi-loccident-a-joue-avec-le-feu-197111

Très cordialement.