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mardi 11 août 2020

L'opposition souffre de l'absence d'un vrai leader



L’OPPOSITION SOUFFRE DE L’ABSENCE D’UN VRAI LEADER

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps


L’opposition israélienne et les manifestations de rues souffrent de l’absence d’un leader reconnu. Pour concrétiser dans les urnes le remplacement de Benjamin Netanyahou, il est indispensable d’avoir une personnalité de poids pour mener le combat contre le Likoud. Jusqu’à présent l’opposition s’était avancée sous la forme d’un quarteron incluant trois anciens chefs d’État-major. Aucun d’entre eux n’a vraiment percé dans l’opinion publique pour personnifier le futur chef de gouvernement. En cause, un attelage à plusieurs têtes qui ne fonctionne jamais.



  Dans une sorte de méthode Coué, Yair Lapid a annoncé, à qui veut l’entendre, qu'il sera le prochain premier ministre car, selon lui, Benny Gantz s’est déconsidéré lorsqu'il a quitté son alliance à quatre pour rejoindre un gouvernement Netanyahou. Il ne cache plus son objectif de faire tomber le gouvernement d’union nationale à tout prix. Il ne veut pas être taxé de politique politicienne : «Je suis trop bouleversé par les choses qui se passent dans le pays et la façon dont les choses se sont déroulées politiquement. Ce n'est pas pour ça que je travaillais, ce n'est pas ce que je voulais. La politique ne consiste pas seulement à organiser des combats de poing, ce qui peut être agréable de temps en temps, mais aussi à promouvoir ce que je pense être bon pour le pays, et en ce moment, ce qui se passe ne va pas pour le pays».
            Yair Lapid est officiellement le chef de l’opposition et dans le système parlementaire israélien, il représente l'alternative au Premier ministre lors des prochaines élections. Mais il n’est pas perçu comme premier ministre putatif. Ce fut le cas d’Yitzhak Herzog, l’ancien leader du parti travailliste, qui avait toujours fait illusion à un poste auquel il n’était pas adapté. En revanche, Lapid y croit car selon lui : «je regarde à ma gauche et à ma droite, et je ne vois pas d'autre alternative au gouvernement». Mais la greffe avec l’opinion publique ne semble pas prendre. Cela ne l'empêche pas d'être convaincu que le 17 novembre 2021, Gantz ne sera pas premier ministre, par la seule volonté de Netanyahou.
            Il se prépare donc à des élections anticipées et en aucun cas il ne renoncera au poste de premier ministre dans une future alliance : «Je ne vais plus servir sous personne, et Yesh Atid ne sera plus jamais sous personne. Nous avons payé un prix très élevé tout en apprenant. Mais maintenant que nous avons appris, je ne vais pas faire la même erreur deux fois».
            L’absence d’un soutien extérieur à son parti est le problème. Il ne peut pas gouverner seul. Or le part travailliste a été décimé alors qu’il représentait l’ossature de l’opposition et il est fort probable qu’en tant que tel, il disparaisse définitivement du spectre politique à l’instar du parti socialiste français. Triste fin pour un parti qui a été à l’origine de la création de l’État d’Israël. 
Stav Shaffir

        Il paie le fait de n’avoir pas su évoluer, d’avoir laissé les militants historiques bloquer la progression des nouveaux venus, relégués en fin de liste des candidats, de n’avoir pas diversifié l’origine de ses militants, et enfin d’avoir laissé le parti se scléroser plutôt que d’envisager des réformes internes. Le départ de sa pasionaria et excellente oratrice, Stav Shaffir, a été un signe qui ne trompe pas. Comment se séparer d'un talent pareil capable de dire ses vérités à la tribune de la Knesset ? Le parti n’a pas su profiter de la révolution des tentes de 2011 pour se réorganiser et proposer une solution politique innovante. Il n’a pas exploité la radicalisation idéologique de la droite alors que jusqu’alors, peu d’écart distinguait la droite de la gauche.



Il est vrai que les travaillistes historiques, Golda Meir en tête, refusaient tout compromis avec le monde arabe et donc pouvaient drainer des militants de droite. Mais la gauche ne s’est pas manifestée, ou peu, quand le discours de Netanyahou sur les citoyens arabes israéliens avait atteint des limites inacceptables. Les ultra-nationalistes diffusaient impunément leur haine et même leur racisme. Les Israéliens avaient misé sur Benny Gantz mais il n’a pas encore acquis les codes tortueux de la politique. Contrairement à Netanyahou, il est plus modéré, plus calme et il refuse de s’attaquer frontalement à ses rivaux politiques. Miri Regev et Miki Zohar sont plus populaires que lui parce qu’en Israël, la violence politique et l’intimidation sont devenues des qualités reconnues à la Knesset.  
Miri Regev

            Et puis la gauche s’est comportée comme l’ogre qui mange ses enfants. Tsipi Livni qui a été reconnue comme la meilleure ministre des affaires étrangères d’Israël a été combattue par ses propres amis à l’image de Shimon Peres. Loin d’être une politicienne molle, il lui arrivait parfois d’être presque révolutionnaire et surtout nationaliste. Son attitude noble ne convenait pas au combat contre le Likoud.
            Si la Gauche manque de leader, elle manque surtout de programme politique clair. Déloger le premier ministre de son poste, n'est pas un programme suffisant pour attirer le vote des électeurs hésitants. Sur certains problèmes aigus, les Palestiniens et l’annexion par exemple, les Israéliens ignorent avec précision le programme de Bleu-Blanc. Le mélange des genres crée un blocage naturel quand des anciens de Meretz, à l’instar de Yaël German, cohabitent avec l’ancien faucon Moshé Yaalon. Pourtant les centristes de Shinouï du père Lapid et ceux de Kadima d’Ariel Sharon avaient ouvertement un programme libéral, sans s’en cacher.

            Alors les manifestants dans les rues, qui ont beaucoup de courage et de volonté, sont conscients qu’ils ne peuvent pas pousser Netanyahou à démissionner car il a décidé d’aller jusqu’au bout. Il exige la sanction des urnes sachant le vide en face de lui. Face à Ceausescu le roumain ou Ben Ali le tunisien, la foule peut à la rigueur renvoyer ses dirigeants. Mais en Israël, la démocratie ne le permet pas. Alors les manifestants peuvent marquer leur désapprobation avec conviction et vigueur, mais ils ont besoin de quelqu’un qui leur montre le chemin jusqu’à la victoire. Ils attendent toujours l'émergence de leur leader incontesté.

2 commentaires:

David BEN ICHOU a dit…

plusieurs réflexions : les mouvements différents de la contestation (crime Minister, dgalim shrorim, ain matsav, ...) ont réussi à prendre le leadership et à éviter la scission avec les indépendants (morale vs intérêts) qu'ils arrivent à ramener à eux ainsi que de plus en plus de jeunes. D'autre part, il y a plusieurs leaders qui revendiquent précisément de n'être pas récupéré par un parti ce qui exprime une défiance à l'égard de la représentativité politique traditionnelle. Il y a aussi grâce à Darkenou, Hatnoua léihout ashilton, Zazim, une forme de renouveau du débat public sur des questions de règles démocratiques (cf petit film de crime Minister) , de corruption généralisée et notamment la sectorisation (arabe, religieux, orthodoxes, ...) a la façon d'une société civile en ébullition. Avec Yaron Zeliha, la remise en question d'une politique ultralibérale. C'est aussi clairement les questions de paix avec les palestiniens qui s'expriment. C'est ça dire la remise en question du modèle politique sécuritaire et nationaliste. Il ne peut y avoir d'émergence d'une force politique nouvelle qu'à la condition que le débat public vienne secouer certains paradigmes. C'est de mon point de vue un préalable. Il y a aussi via la question des tyconim et de la corruption des questions environnementales majeurs que les shomrei Habait font avancer. Exemple l'emprunt d'itzik tchouva auprès des fonds de pension qui a échoué. Nous essayons de penser la traduction politique dans une logique "il y aura ce qu'il y a eu". Quelqu'un en France avait vu arriver Emmanuel Macron ? Bien sûr que la contestation est une épreuve de force qui d'ailleurs se fait ressentir dans la position de Gantz et de Kahol Lavan mais ce qui me passionne c'est la façon dont les citoyens mobilisés s'emparent de très nombreux débats publics, mis en veille ou tabou il y a encore peu.

motamo a dit…

Yael Guermane a démissionné de son mandat pour raisons personnelles (et médicales). Elle ne cohabite plus donc qu'avec son passé politique. De l'équipée d'Ariel Sharon, il ne reste plus que des souvenirs amers...Quant à l'opposition, elle a bien un leader naturel. Perçu comme tel parce qu'il n'a renoncé ni à ses idées, ni a son éthique, ni a son programme gouvernemental. Yaïr Lapid n'a pas besoin de sondages pour l'être. Il lui suffit politiquement de dominer les débats. Il n'a jamais été meilleur qu'à présent...Le seul sondage véridique est celui des urnes.
Sic Transit Gloria Mundi...