LES FRANCOPHONES CHOISISSENT TOUJOURS LE MAUVAIS
CHEVAL
Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright
© Temps et Contretemps
Réunion du lobby francophone |
On pourrait effectivement se
poser la question de comprendre pourquoi les Francophones ne parviennent pas à
se faire représenter dans les mairies et à fortiori à la Knesset. Ils donnent
l’impression de choisir systématiquement le «mauvais cheval». Aux
élections législatives du 9 avril 2019, trois candidats potentiels ont été
éliminés. Il existe plusieurs raisons pour expliquer ces lacunes.
Villes d'implantation des Français |
D’abord le nombre très faible de
francophones comparé aux autres communautés. Si l’on se base sur les
statistiques des Consulats, 60.000 Français sont immatriculés alors que le chiffre avancé de 150.000 francophones en incluant les Belges est un peu surévalué. Une grande partie d’entre eux, leurs
enfants certainement, est assimilée et ne se reconnaît plus dans cette
classification. Avec un seuil électoral de 140.000 voix, ils pouvaient représenter au mieux quatre députés mais encore fallait-il qu’ils se regroupent pour voter pour la même liste.
C’est là que le bât blesse, la
division est un facteur déterminant pour expliquer l’échec aux élections
locales et législatives. Trois candidats se présentaient sous trois listes
différentes ce qui limitait les chances de réussite. L’un d’entre eux, Benjamin
Lachkar, qui se pare du titre pompeux de porte-parole des Francophones, a tiré
les conséquences avant même de concourir aux primaires du Likoud car il était
persuadé d’avance de ne pas obtenir un poste éligible.
Le deuxième candidat, Albert
Levy, figurait sur la liste du parti Zehut de Moshe Feiglin. Quant au troisième candidat, Yomtob
Kalfon, il était inscrit à la Nouvelle droite conduite par
Naftali Bennett et Ayelet Shaked. Olivier Rafowicz, qui occupe les plateaux de
la télévision et qui est certes très apprécié en France pour ses prises de
positions nationalistes, n’a pas été élu au Conseil municipal de Tel Aviv et
cet échec l’a éloigné d’une candidature aux législatives.
Il était donc évident que les
voix dispersées des électeurs francophones dans trois partis ont eu pour
conséquence leur neutralisation. Zehut et la Nouvelle droite n’ont pas franchi
le seuil électoral. Mais même si ce seuil avait été atteint, il y avait peu de
chance de voir les deux candidats francophones entrer à la Knesset. Ils n’ont
pas compris que les partis utilisaient leur présence sous forme d’alibi pour
draguer quelques voix supplémentaires d’une communauté qu’ils croyaient
solidaire. Les partis, en difficulté, avaient besoin d’eux et les candidats auraient
pu monnayer à un prix fort leur participation pour obtenir des places
éligibles. Albert Levy était 8ème sur sa liste tandis que Yomtob
Kalfon occupait la place lointaine de 11ème, complétement illusoire.
Alors évidemment, voir son
portrait sur des affiches électorales et se pavaner aux côtés de leaders
prestigieux était déjà une bénédiction qui pouvait faire tourner la tête. Mais
cela enlevait un minimum d’humilité à des candidats qui ont fini par rouler des
mécaniques, toisant leurs compétiteurs et les journalistes, se croyant détenteur d'une mission messianique. Des collègues ont
été choqués par tant de morgue quand ils devaient débattre avec eux parce qu'ils donnaient déjà l’impression de faire partie d’un autre monde, celui des privilégiés.
On pourrait mettre ces
erreurs sur le compte de leur inexpérience d’une campagne électorale. Ils ne
savaient qu’il fallait se faire tout petits pour gagner le cœur des électeurs et
non pas les prendre de haut à l’image d’un dirigeant déjà établi. Leur
comportement face aux caméras jurait avec leur réelle audience, donnant l’impression
qu’ils concouraient pour le poste de premier ministre. Leur prétention et leur
assurance mal placée les poussaient à inventer des sondages illusoires qui
mettaient leur parti au-delà de 10 sièges. Ils comptaient à la fois sur un bon
résultat ou à la rigueur sur l’entrée au gouvernement de deux ou trois
candidats qui libéraient ainsi des postes de députés. Que des hypothèses et peu
de certitude.
En fait les Francophones doivent
oublier leur étiquette et s’ils veulent gagner, ils doivent s’intégrer en tant
qu’Israéliens sans autre qualificatif. Ils ne peuvent pas compter sur la
communauté francophone divisée, peu solidaire et peu politisée puisqu’elle ne
vote pas en masse, souvent en raison de sa méconnaissance de la langue. Avant
d’entrer à la Knesset pour occuper le poste prestigieux de député, ils doivent
suivre le cursus classique d'un homme politique en devenant d'abord conseiller municipal ou conseiller régional.
Or très peu de Francophones ont été élus sur des listes municipales, même dans
des villes comme Ashdod, Netanya ou Ra’ananna. Or, cela est indispensable pour
se familiariser avec les méthodes, les habitudes et les techniques électorales
israéliennes qui sont tout à fait différentes de celles de France où règnent
des élections de type majoritaires.
Les candidats francophones manquent
d’humilité et présument de leur force et de leur audience. L’exemple d’un ancien député est
éloquent car il avait tout misé sur les Francophones au point de quitter le
Foyer juif pour une liste plus extrémiste, pensant être suivi dans sa nouvelle aventure. Il a perdu et son poste de député et
la mairie. Yoni Chetboun, officier remarquable, fondateur du lobby francophone,
avait la prétention de déloger Miriam Feirberg-Ikar installée à la mairie de
Netanya depuis de longues années mais il n’avait obtenu que 30% des voix aux élections locales. Toute
sa campagne était axée sur les Francophones alors qu’ils sont minoritaires et
peu engagés et que la ville comporte de nombreux Russes et Ethiopiens. Il s’était rendu à Paris, en vain, pour obtenir le soutien du
député français qui se croyait infaillible alors qu’il n’avait obtenu que 4.000
voix en Israël, le plus mal élu de l’Assemblée nationale. Que pouvaient les Juifs
français dans une élection en Israël ? L’échec de Yoni Chetboun l’a
dissuadé de se présenter aux élections législatives de 2019 pour tenter de
reprendre son mandat de député.
Les Francophones doivent changer
de stratégie et s’évaluer à leur juste valeur. A part les deux années
trompeuses liées aux lois fiscales imposées par les banques, avec 7.231 immigrants en 2014 et 7.829 en 2015,
l’alyah française retrouve sa norme habituelle de 2.660 personnes en 2018 en
baisse de 25%, sans compter les retours en France, ce qui ne permet pas de donner à la communauté française un
poids suffisant pour peser dans les institutions et vis-à-vis du gouvernement.
Après les échecs de ces dernière élections, les Juifs français seront encore plus convaincus que leur place est toujours en France puisqu'ils n'ont pas leur place dans les institutions.
P.S Merci à mon ami qui se reconnaîtra qui m'a donné l'idée de l'article et surtout son intitulé.
2 commentaires:
Réquisitoire implacable!
A se demander si à l'image de la France dans le monde, les français en Israel ne sont pas les seuls à se prendre exagérément au sérieux imaginant une importance qu'ils n'ont pas face aux israéliens "de souche"et autres minorités telles que les russes ou les américains fortement solidaires et organisées capables de peser. Le français, a les qualités mais aussi les défauts de l'individualiste, il aime les débats d'idées .Il répugne à s'engager trop, fait appel aux associations le temps qu'il a besoin de les utiliser ... puis les oublie.
Excellent article! Trop divisés et faisant preuve de suffisance, avec un Lachkar et un Rafowicz qui s'auto-proclament porte-paroles, la place des juifs français est en France car ils sont marginalisés dans les institutions israéliennes! Les arces de Netanya et d'Ashdod ont une telle côte d'amour en Israël....Un jour, peut-être dans un siècle, les mentalités évolueront...
Enregistrer un commentaire