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dimanche 4 décembre 2022

Shakespearien par Claude MEILLET

  

SHAKESPEARIEN


Par Claude MEILLET

 

Shakespeare

La dramaturgie, le personnage, ses ombres portées et, au loin, un pays victime et spectateur impuissant. Tout y est. La vie n’est qu’une ombre qui passe, un pauvre acteur qui se pavane et s’agite durant son heure et qu’ensuite on n’entend plus. C’est une histoire dite par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien. Jonathan se disait, Shakespeare n’aurait pas cru ses yeux et ses oreilles ! Trouver dans ce monde fou du Moyen-Orient un exemple réel, vivant, de sa définition crépusculaire. Il ne résista pas, ce soir emprunt des premiers signes de l’hiver israélien, à s’offrir le luxe de survoler la pièce que le théâtre politique du pays lui offrait.


Cour suprême


Tout d’abord, comme toujours, l’acteur principal. Sujet, cause et, finalement, c’est la règle, conséquence du drame qui se joue. Ici, comme toujours, le poids écrasant, dominateur du roi. Le roi B…. Une intelligence indéniable, une culture moyenne mais large, un héritage de notoriété sinon de prestige, une vraie expérience du monde extérieur, une connaissance intime des méandres du monde interne, un sens de la mesure et de la conduite des hommes, une absence absolue de scrupules encombrants, un réel génie tactique. Un sourire pour tuer, l’art de la séduction pour conquérir. La résistance par courage et par rage. Et par-dessus tout, le développement exponentiel du goût et de la volonté du pouvoir. Stimulé par l’histoire des victoires successives. De Gaulle l’aurai désigné : Sûr de lui et dominateur !!  Tellement, qu’il polarise sur sa personne le combat politique. Reléguant aux oubliettes le débat d’idées, la comparaison programmatique.

La cour, ensuite. Au premier cercle, l’ambition active, permanente, décuplée. Jonathan imaginait le roi, mangeant sa soupe le soir, avec à ses côtés, la sarabande de l’exigence et de l’hystérie vindicative pour décupler tous ses efforts. Puis la noria des affidés, dépendants, prêtant leurs savoir-faire particuliers au savoir-faire machiavélique royal. Enfin tous les autres. Le tissu des femmes et hommes de pouvoir aussi, dans les domaines économiques et financiers, dans le pays et à l’international. La communauté internationale des autocrates, des dirigeants nationalistes. Sans compter les journalistes d’opinion, souvent de conviction, comme celui qui, récemment, faisait une critique impitoyable, et bien dans le sens du temps, des méchantes ONG, capables d’agresser de pauvres soldats surarmés.

Roi Lear


Comme dans les drames shakespeariens, où un évènement inopiné vient enclencher la suite infernale de l’histoire pleine de bruit et de fureur, une circonstance inattendue du roi, vint briser une hégémonie devenue branlante. Nouvelle prise de la Bastille, la royauté fut renversée. Remplacée par une association improbable, usurpatrice, iconoclaste, hétérogène. Comble du comble, boutant hors de sa résidence la famille royale tout entière. Qui, ensuite poussa la provocation, élaborant un budget national, développant un ensemble d’actions concrètes de financement, modernisation, réintroduisant la minorité arabe dans le jeu politique du pays, rétablissant une image et un réseau internationaux.

Heureusement, l’immaturité politicienne, la lutte inévitable des egos, l’immobilisme face au conflit israélo-palestinien, ont ouvert le chemin aux manipulations souterraines, à l’art de la déstabilisation. Pour aboutir à l’inévitable résurgence de la royauté, à la probable réinstallation du roi sur son trône.

Probablement certaine, car en fait confrontée à des propres contradictions. Ce roi, supposé malgré tout soucieux du bien du pays, se révèle finalement prêt à privilégier le sort de sa personne. Le précédent, lié aux accords d’Oslo et à un assassinat ultime, aurait pourtant dû mettre une puce à l’oreille. Poussant une relation bien ancrée avec les milieux religieux, jusqu’ici sécurisante politiquement, le roi porte cette relation à un point culminant. Pour réaccéder à cette drogue du pouvoir, ainsi qu’à un espoir de sécurisation personnelle, il a promis de donner à l’extrémisme religieux une place prééminente. En charge des domaines clés de la justice, de la sécurité et de la défense, de l’éducation. De rompre l’équilibre classique et de donner aux pouvoirs exécutifs et législatifs, autorité sur le pouvoir judiciaire. Ouvrant ainsi la voie à une transformation de la démocratie établie, historique, en une théocratie autoritaire, raciste, nationaliste. L’ampleur de cette dérive amène donc le roi à opérer une virevolte dont il a le secret, et à tenter un dernier tour de passe-passe pour un compromis qui lui assure sa primauté.

Gouvernement Lapid


Sortant de son imaginaire théâtral, comme on descend les marches du théâtre où la pièce vient d’être joué, Jonathan se demanda quel pourrait bien en être le dernier acte. Dans la réalité, cette fois. Le roi finira-t-il comme «un pauvre acteur qui se pavane et qu’ensuite on n’entendra plus» ?  Peu probable. L’extrémisme religieux, libéré, dominateur, déclenchera-t-il une histoire «pleine de bruit et de fureur» ? Possible.

Il finit par se demander si le monde réel était si shakespearien que ça. De fait, le pays réel fonctionne, innove, crée, produit, se développe, apprend, se bat. Il revenait, aux citoyens de ce pays, eux aussi, de sortir de la représentation et de reprendre leur vie réelle, en toute responsabilité. Laissant ainsi «l’idiot» enfermé dans son histoire «qui ne signifie rien».

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Super analyst - merci

Avraham NATAF a dit…

L'équilibre engendre le déséquilibre; combien de temps pour finaliser un gouvernement au lieu de créer des primadonnas . Ce gouvernement sera aussi fragile que celui qui l'a précédé

Georges Kabi a dit…

Au train ou vont les choses, je ne serai pas outrement etonne par de nouvelles elections legislatives.