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lundi 14 novembre 2022

Netanyahou dispose d'une majorité fragilisée par les extrêmes


NETANYAHOU DISPOSE D’UNE MAJORITÉ FRAGILISÉE PAR LES EXTRÊMES


Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps

 

Ben Gvir - Netanyahou

          Pour un certain nombre d’observateurs politiques, la démocratie israélienne a été ébranlée à la suite des élections du 1er novembre 2022. Il n’existe aucun doute sur la légalité de l’élection qui est totalement «casher» comme le disent les religieux. Les électeurs se déplacent eux-mêmes au bureau de vote, ils ne peuvent pas voter par correspondance ou par procuration et, pour éviter toute influence néfaste, les Israéliens à l’étranger n’ont pas le droit de vote à l’exception normale des diplomates. Donc pas de combines et pas de magouilles comme on a pu le constater lors des précédents scrutins français en Israël. Le pays a voté et son choix doit être respecté comme dans toute démocratie. Le dire ouvertement n’est pas une manière de retourner sa veste ou de changer de camp.





Netanyahou revient donc naturellement au pouvoir mais le seul point d’inquiétude est lié au soutien du parti des sionistes religieux qui a dépassé le mouvement sioniste historique à prédominance laïque. Le parti du «Pouvoir juif» est entré en scène avec des vétéran kahanistes mené par Itamar Ben Gvir qui a été condamné par un tribunal israélien en 2007 pour incitation à l'émeute. Il est devenu une vedette prisée par les médias parce que son parti est le troisième du pays, entrainant de sérieuses inquiétudes parmi les gouvernements occidentaux. Il ne fait cependant aucun doute que cette élection met fin à une instabilité politique après cinq scrutins stériles.

L’idéologie n’a jamais à la base des préoccupations des électeurs puisque la Droite et les Religieux ont toujours été majoritaires au sein de la population israélienne. La seule question qui se posait concernait l’élection ou non d’un premier ministre qui avait déjà occupé le poste de 1996 à 1999 et de 2009 à 2021. Le paradoxe résidait dans le fait que l’opposition au Likoud comprenait des éléments d’extrême-droite dont la plupart étaient des figures majeures et d’anciens partenaires politiques, voire des âmes sœurs idéologiques de Bibi. Malgré cette opposition, Netanyahou a triomphé démocratiquement puisqu’il a obtenu une majorité incontestable de 64 sièges sur 120.  



Mais en plus du Likoud, trois autres partis exigeants constituent cette nouvelle coalition, les orthodoxes séfarades Shass qui ont le vent en poupe, les orthodoxes ashkénazes Yahadout HaTorah en perte de vitesse et les sionistes religieux. La question qui se pose actuellement est l’usage que fera Netanyahou de sa majorité.  Il est certain que la première loi qui sera votée par la Knesset sera l’interdiction de poursuivre un premier ministre en exercice, mettant ainsi fin pendant quatre années au procès de corruption, de fraude et d’abus de confiance intenté contre Netanyahou. C’est de bonne guerre quand il s’agit de récompenser la victoire du Likoud. Mais des juristes estiment que le vote d'une loi interdisant de poursuivre un Premier ministre en exercice ne pourrait avoir un effet rétroactif puisque les procès sont entamés.


Séance de la Cour Suprême


Une inquiétude cependant sur le système judiciaire qui risque d’être démantelé avec la suppression ou la diminution des pouvoirs de la Cour Suprême éliminant tout garde-fou contre les éventuels écarts juridiques des députés. En effet, la Knesset pourrait être autorisée à annuler une décision de justice par un simple vote majoritaire. Les juges seraient ainsi sous la coupe des députés. L'on met fin à la séparation des pouvoirs politique et judiciaire. Par ailleurs la méthode de leur désignation serait amendée pour que le pouvoir politique ait la haute main sur le pouvoir judiciaire dans le cadre d’une Knesset «sûre d’elle-même et dominatrice».

Les sionistes religieux, les plus litigieux dans la coalition, seront les trouble-fêtes du gouvernement car ils se savent indispensables et leurs exigences seront à la hauteur de leur présence dans la coalition. La question fondamentale sera leur pouvoir d’imposer des pans entiers de leur programme. Ben Gvir a l’intention d’expulser les Arabes «déloyaux», voire des députés, et de déporter tout émeutier qui s’en prendrait à la police. Il veut rétablir la peine de mort, procéder à l’annexion pure et simple de la Cisjordanie et dissoudre l’Autorité palestinienne.

Mais Netanyahou n’est pas dirigeant à se laisser conter. Il a toujours été autoritaire vis-à-vis de ses ministres à qui il ne laisse qu’une marge réduite de manœuvre au point de les considérer comme ses marionnettes. Il sait que les pays arabes seraient très attentifs à ses décisions, n’hésitant pas à renoncer aux Accords d’Abraham de 2020 si la limite acceptable était dépassée. Il pourrait donc offrir aux sionistes religieux certains postes sensibles pour les neutraliser sachant qu’il aura, en tant que premier ministre, le dernier mot sur les décisions. 

Ben Gvir dans une implantation


Mais il est certain cependant que Ben Gvir, ministre de la Sécurité intérieure, aura la main lourde contre les manifestants arabes et contre la politique LGBTQ du gouvernement précédent. Les lois religieuses pourraient être renforcées tandis que les ultra-orthodoxes interdiront à leurs écoliers l’enseignement des matières profanes telles que les mathématiques et l'anglais afin de les garder le plus longtemps possible sous leur coupe.

Dans un premier temps, le gouvernement s’occupera d’abord des affaires intérieures et juridiques du pays et ne changera pas notablement la politique en Cisjordanie et à Gaza. Tsahal a déjà montré une main de fer face aux terroristes de Cisjordanie. Netanyahou gouvernera à l’instar de tous les populistes en neutralisant le pouvoir judiciaire, en muselant les médias d’opposition, en consolidant sa position et en garantissant que le pays reste bien protégé. Mais l’inconnu reste le fait d’avoir fait entrer le loup dans la bergerie, à savoir ben Gvir qui jouera le rôle d’opposant au sein de la coalition et qui n’acceptera pas que ses revendications soient renvoyées aux calendes grecques.  D’où le risque de fragilité de la coalition gouvernementale. 

3 commentaires:

frenkel david a dit…

Juste une chose Monsieur Benillouche: trouvez-vous normal démocratique parlant que la Cour Suprême israélienne, dont les juges n'ont pas été élus par le peuple, puisse abolir les décisions d'une Kneset, dot les député ont été démocratiquement élu ? A mon avis, il y a quelque chose qui cloche !

Jacques BENILLOUCHE a dit…

Monsieur Frenkel,
Vous n’ignorez pas que la Cour Suprême est une instance juridique et non politique. Elle ne dit que le droit et rien que le droit. A l’instar du Conseil Constitutionnel en France, elle s’assure que les lois sont conformes aux quatorze Lois fondamentales faisant fonction de Constitution. Elle évite ainsi certaines dérives de la Knesset.

Georges Kabi a dit…

Jacques, je suis d'accord avec l'essentiel de ton analyse, y compris ta reponse a M.David Frenkel. Neanmoins, je crois que tu n'es pas alle jusqu'au bout logique. La Knesset, elu democratiquement, n'a pratiquement plus aucun pouvoir, seul le Pouvoir Executif a la haute main sur toutes les decisions, sauf sur les decisions intra-religieuses.
Ainsi Bibi s'opposera a toute initiative religiese ayant pour but d'exclure tous les courants religieux non-orthodoxes. Mauis la Knesset n'est en fait qu'un tampon, ce qui justifie amplement les interventions de la Cour Supreme. Si celle ci sera reduite a une Haute Cour de Justice, il n'y aura plus de contre-poids aux decisions de l'Executif et nous ressemblerons aux pays grands amis de Bibi, comme la Hongrie de Viktor Orban ou meme la Russie de Vlafimir Poutine et dans ce cas la, plus besoin de Knesset (economies de plusieurs millards de shekels+emploi de loufoques inutiles et depensiers.
Et si Bibi a herite des genes de son pere, il sera Premier Ministre jusqu'a l'age de100 ans et ses fils les dignes heritiers de la nouvelle dictatue proche-orientale appelee Israel.