Hassan Nasrallah recule dans un discours trompeur

HASSAN NASRALLAH RECULE DANS UN DISCOURS TROMPEUR

Par Jacques BENILLOUCHE

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On ignore avec précision les raisons qui ont poussé Hassan Nasrallah à renoncer dans l’immédiat à des représailles contre Israël alors qu’il avait précisé qu’une action était prévue dans les trois jours. La démonstration de force des troupes de Tsahal au Nord, qui ont mobilisé l’infanterie et l’artillerie, ont dû faire réfléchir le Hezbollah mais aussi le gouvernement libanais qui a mesuré les risques qu’il prenait en se lançant dans une aventure coûteuse et sans lendemain. La seule explication donnée par Nasrallah consiste à «maintenir l’ennemi dans l’inquiétude et la crainte». 

Les chiites avec sur les bandanas : 'Oh Abu-Abdullah Hussein'

Dans son discours du 31 août 2019, à l'occasion du mois de Muharram commémorant l'anniversaire de la mort de l'imam Hussein, le secrétaire général du Hezbollah a évoqué sa stratégie de riposte à l’attaque israélienne contre Zahiyah, le 25 août. L'Ashoura est la commémoration annuelle des musulmans chiites marquant la mort de l'imam Hussein, petit-fils du prophète Mahomet, à la bataille de Karbala dans l'Irak actuel, au 7ème siècle.

Nasrallah s’est d’abord senti contraint de flatter servilement le président Aoun, son obligé au gouvernement, le premier ministre Saad Hariri, le ministre de la Défense et le président du Parlement «pour leur soutien apporté à la Résistance face à Israël». Puis ensuite, comme il s’y était engagé un peu prématurément, il a détaillé ce que sera sa riposte décisive en reportant en fait la responsabilité sur le Liban : «Mon dernier discours a suscité moult commentaires. J'y ai affirmé que la riposte du Hezbollah aura lieu au Liban même. Dans le temps notre riposte à toute agression se limitait aux fermes de Shebaa. Eh bien cette-fois, il n'en est rien. Nos représailles s’étendront le long des frontières sud du Liban avec le nord du territoire occupé. J'aimerai en même temps clarifier un point sur les drones qui nous ont attaqués. Nous avons pris pendant longtemps notre mal en patience. Le ciel libanais a été trop longuement violé. Aussi notre première riposte aux drones kamikazes d'Israël sera-t-elle de les abattre. Ceci relève du droit du Liban, droit qui a été ignoré systématiquement depuis l'an 2000. Le monde entier est mobilisé pour nous en dissuader or je le dis à l'ennemi : c'en est fini, vous n'aurez plus la possibilité d'envoyer vos drones espionner librement notre espace. Ce qui ne veut pas dire que tout drone israélien sera abattu. Le Hezbollah suivra une tactique précise. Et a ceci il n'y a aucune alternative. Sinon, l'ennemi nous imposera une guerre d'usure et enverra ses drones nous attaquer tous les jours».

Hezbollah et missiles

Il a ensuite donné quelques informations à prendre avec réserves sachant qu’une bonne partie de son argumentation relève de la propagande : «Les premières données liées au drone capturé par nos combattants prouvent ceci : le premier engin était chargé de 5kgs d'explosifs de type C4, tout comme le deuxième drone. Les deux drones avaient pour mission de frapper un lieu déterminé de façon à ne laisser aucune empreinte de l'auteur. Certains alliés d'Israël au Liban ont été jusqu'à prétendre que la frappe avait été montée par le Hezbollah, et pourtant les Israéliens en ont revendiqué eux-mêmes la responsabilité.  Israël prétexte avoir visé une usine de fabrication de missiles du Hezbollah, mais je le rappelle encore une fois : si le Hezbollah possédait des usines de fabrication de missiles de pointe, il l'aurait annoncé haut et fort. Ceci dit, il relève de notre devoir premier d'avoir une industrie de fabrication de missiles. Mais prétendre que nous en avons déjà, c'est un mensonge auquel a recours Netanyahou pour justifier ses frappes». 

Nasrallah a ensuite poursuivi pour expliquer sa reculade : «Je le dis très clairement, le Hezbollah dispose de missiles de pointe, mais à ce stade, pas d'industries de fabrication de missiles. Quand nous l'aurons en notre possession, je vous le dirai inchallah. À vrai dire, Netanyahu cherche un alibi pour frapper le Hezbollah dans l'espoir de changer le rapport des forces et de convaincre les Israéliens de la nécessite de bombarder le Liban. C'est l'illusion d'un homme qui se bat contre des moulins à vent. Que ce soit clair, notre riposte ne fera pas de doute. Toutes les parties affirment bien comprendre le droit du Liban à riposter, mais disent aussi leur préférence à ce que le Hezbollah renonce à son droit. Or cette réponse renvoie à nos règles d'engagement qui nous engagent à dissuader à tout prix l'ennemi, car les drones qui atterrissent verticalement, comme ceux qui ont visé Zahiya, peuvent décharger très facilement des matières explosives. Et c'est une arme qui ouvrira la voie à des assassinats ciblés, et d'autres actions terroristes sur l'ensemble du territoire libanais. Israël devra payer son agression. Aucune menace ni intimidation ne pourra bloquer la riposte de la résistance».

Tsahal mobilise au nord

Enfin il a conclu : «Ces derniers jours, analystes et journalistes ont fait couler beaucoup d'encre et de salive sur le comment de notre réponse. Or ces analyses ne relèvent que de pures spéculations. Notre tactique consiste à maintenir l'ennemi dans l'inquiétude et la crainte. L'initiative est entre les mains des commandants de la résistance. Tout ce dont nous avons besoin, ce sont vos prières pour faire bien comprendre à l'ennemi que le Liban n'est plus une proie facile exposée aux agressions ennemies. Le Hezbollah est prêt à toute éventualité, la résistance agit avec sagesse et discernement. J'en reste là pour le moment». Bref la riposte n’est pas pour demain, du moins si l’on entend ses arguments. En fait, les mesures immédiates prises par Tsahal en réaction à la menace n’ont laissé aucun doute sur sa détermination. La dissuasion a fonctionné.

Mais le doute persiste sur une éventuelle riposte, au moins symbolique, alors que le Liban accuse Israël de menacer la stabilité régionale après le crash de deux drones dans la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah. Il peut s’agir d’une stratégie pour faire baisser la garde aux Israéliens qui sont habitués à ce genre de manoeuvres. Toutes les hypothèses sont ouvertes.   

Achoura de nombreux enfants défilent avec les adultes et pratiquent le tatbir

Alors toutes les hypothèses sont avancées pour comprendre pourquoi le Hezbollah n’a pas réagi immédiatement à l’attaque. La milice se justifie en précisant qu’il faut tout d’abord que la réponse à l’ennemi soit calculée et douloureuse. D’autre part, le parti Amal a organisé une cérémonie le 31 août à Nabatiyeh, en l’honneur de la disparition de l’imam Moussa Sadr et de deux de ses compagnons. Il ne fallait que les évènements se télescopent. C’est pourquoi le Hezbollah est formel, il ne répondra pas immédiatement car les dix premiers jours du Muharram sont consacrés aux cérémonies du deuil de l’Achoura, une période sacrée. Toutes les raisons sont valables pour expliquer que le Hezbollah s’était un peu avancé en se donnant trois jours pour riposter. Mais il va être difficile pour lui de maintenir la flamme auprès des militants certainement déçus par la passivité de leurs leaders.

Le Hezbollah veut maintenir la société israélienne dans un certain état de mobilisation, voire d’inquiétude. Il pense avoir gagné la guerre psychologique puisqu’il a réussi à limiter, voire supprimer, les patrouilles israéliennes à la frontière du Liban. Nasrallah pourrait envisager une frappe contre tout drone israélien dans le ciel libanais et même provoquer une tension accrue dans la zone disputée des fermes de Chebaa pour montrer qu'il dispose toujours d'une capacité de nuisance. Israël reste sur ses gardes car il n'est pas à l'abri d'une provocation mais Tsahal est prêt à répondre par une action disproportionnée. 
Les escarmouches qui ont eu lieu le 1er septembre avec tir réciproque de missiles n'ont pas fait de blessés de part et d'autre donnant l'impression qu'Israël et le Hezbollah n'ont pas vraiment décidé d'en découdre.