LE HEZBOLLAH MENACE ISRAËL DE REPRÉSAILLES
Par Jacques BENILLOUCHE
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Israël ne peut pas prendre à la légère les
menaces du Hezbollah. Il s’agit peut-être d’esbrouffe, comme Hassan Nasrallah
en a l’habitude, mais en se fixant un délai de trois jours pour son attaque, le
leader libanais peut difficilement se déconsidérer vis-à-vis de ses militants
s’il ne réagit pas, au moins symboliquement. C’est d’ailleurs pour cela que des
renforts de Tsahal ont été envoyés au nord et que les permissions pour les
militaires de la région ont toutes été supprimées. La cause principale de cette menace porte sur
les missiles de précision iraniens stockés dans des hangars en Irak et au Liban,
qui auraient fait l’objet d’une attaque israélienne. Tsahal, selon son habitude, n’a ni confirmé et ni commenté ces frappes.
En revanche les tensions sécuritaires
s’enveniment durant chaque campagne électorale comme s’il s’agissait pour les
Arabes de s’ingérer dans le scrutin en favorisant l’un ou l’autre des
candidats. Certains vont jusqu’à accuser la provocation volontaire du premier ministre
dans cet accès de violence dans le but de collecter plus de voix d’extrême-droite. Pour les élections législatives du 17 septembre, la
situation économique n’a pas été abordée alors qu’elle est un élément de clivage
entre les clans. En revanche les questions de sécurité restent en toile de fond
de la campagne, que ce soit du côté du Likoud que de Bleu-Blanc, chacun des camps cherchant à exploiter à son profit les arguments militaires.
Meir Ben-Shabbat, conseiller à la sécurité nationale. |
D’ailleurs en raison de la situation
tendue, sans en avoir l’obligation, Benjamin Netanyahou a invité Benny Gantz à
une réunion de sécurité sur le front nord. Pour éviter qu’elle ne soit
interprétée comme une manœuvre de récupération, la réunion a été animée par le
conseiller à la sécurité nationale, Meir Ben Shabbat, en dehors des locaux du
premier ministre, mais en présence de son secrétaire militaire, le général Avi
Blot.
Il est un fait que la situation
sécuritaire, qui s’est enflammée ces jours-ci, tombe à point nommé dans cette
campagne. Le premier ministre cherche à regagner son aura d’unique et véritable
défenseur sécuritaire d’Israël. Certains experts politiques craignent que
Netanyahou cherche à détourner ses difficultés électorales en prenant plus de
risques vis-à-vis du Hezbollah et de l’Iran. De là à imaginer qu’il crée
l’incident pour tirer un profit électoral, il n’y a qu’un pas.
Le scénario avec le Hezbollah s’est
déroulé en deux temps. D’abord des frappes ont été menées par l’aviation
israélienne près de Damas contre les forces iraniennes et les milices chiites
pour empêcher le lancement d'une attaque aux «drones tueurs» contre
Israël. Les Gardiens iraniens de la révolution de la force Al Qods étaient
visés. D’ailleurs, un iranien a trouvé la mort durant cette frappe. Tsahal
a révélé que des drones armés de plusieurs kilogrammes d’explosifs devaient
frapper le nord d’Israël. Ces drones, accompagnés par des agents iraniens,
étaient arrivés d'Iran à l'aéroport de Damas plusieurs semaines auparavant et
avaient été emmenés dans un complexe contrôlé par la force Al- Qods dans un
village situé au sud-est de la ville. Une partie du complexe a été détruite.
Drone tombé au Liban |
Dans la suite du scénario, deux drones se
sont écrasés dans une zone de la banlieue de Beyrouth dominée par le Hezbollah.
Le centre de presse du Hezbollah situé à Dahiyeh a subi de grands dégâts. Mais le doute subsiste sur leur origine car
les drones israéliens ne ressemblent pas aux deux drones qui se sont écrasés à
Beyrouth. Par ailleurs, comme à Gaza, Israël aurait certainement monté une
opération risquée pour les détruire afin qu’ils ne tombent pas entre les mains
du Hezbollah. Un indice, les services de renseignements irakiens ont
révélé que les drones avaient été lancés à partir de bases contrôlées par les
Kurdes mais le Times de Londres croit savoir que les drones tombés dans le
bastion du Hezbollah à Beyrouth étaient israéliens.
L’incident de Dahiyeh à Beyrouth, exceptionnel
par sa nature et sa portée, ne peut pas rester sans réponse de la part de
Nasrallah. Mais Israël est convaincu que le Hezbollah contiendra ses attaques malgré
toute sa rhétorique et toutes ses menaces car pour l’instant, la milice n’est pas
véritablement prête à engager le combat.
Si l’Iran et le Hezbollah ne détiennent
pas encore de missiles à longue portée en raison des frappes systématiques de
l’aviation israélienne, les services de renseignement viennent de révéler que
le Hezbollah, aidé par des techniciens iraniens, dispose de roquettes capables
de viser des cibles avec précision, grâce à leur guidage GPS. Il en dispose
déjà de près de 200 missiles situés à quelques encablures de la
frontière israélienne; un véritable danger car ils portent avec eux une
charge explosive de plusieurs centaines de kilogrammes. Les systèmes
antimissiles Arrow, Fronde de David et Dôme de fer ne peuvent être efficaces
que si la distance à laquelle ils sont lancés est longue.
Hezbollah missiles guidés |
L’Iran avait lancé son projet de
construction de missiles en Syrie mais à la suite des nombreuses frappes qu’il
a subies, il a été contraint de transférer ses usines en Irak et au Liban.
Tsahal s’opposera à la mise œuvre de missiles à guidage de précision même au
prix d’une guerre car son existence en dépend. Israël a accepté d'assumer la
responsabilité de l'attaque retentissante contre la villa près de Damas, où des
drones explosifs avaient été entreposés par une force iranienne pour être prêts
à être lancés contre lui.
En revanche, Israël s’inquiète moins des péripéties
des missiles car il contrôle, pour l’instant, la situation. En revanche, les
gesticulations diplomatiques du ministre iranien des Affaires étrangères,
Mohammad Jawad Zarif qui s’est rendu au G7, ont peu retenu l’attention des
médias israéliens. Pourtant le général Amos Gilad, ancien chef de la Direction
des affaires politico-militaires au ministère israélien de la Défense, estime
que «ce n'est pas simplement l'événement le plus important de la semaine, il
pourrait très bien s'avérer l'un des événements les plus importants de ces
dernières années». Il y a un peu d’exagération mais il craint qu’après
avoir abandonné la Syrie pour engager un dialogue avec la Corée du Nord, «une
décision pourrait déboucher sur un nouvel accord entre l'Occident et l'Iran,
qui ferait uniquement référence au programme nucléaire iranien mais pas à
d'autres menaces que les missiles à longue portée du Hezbollah. Dans ce cas,
Israël resterait seul face aux aspirations iraniennes». D’où
le danger politique.
Jawad Zarif |
De même, Israël semble contrôler la
situation à Gaza même si des roquettes sont lancées dans le sud d’Israël. Pour
l’instant, le Hamas garde bien la frontière pour empêcher les organisations
salafistes et le djihad islamique de perpétrer des attentats mais en revanche,
il garde la liberté de lancer des attaques terroristes en Cisjordanie.
Israël s’attend donc à une attaque
du Hezbollah contre un objectif israélien proche de la frontière. Mais si cette
action n’est que symbolique pour respecter l’engagement de Nasrallah, alors
Tsahal n’en fera pas cas pour éviter d’envenimer la situation au nord. Israël
ne peut pas organiser d’attaques massives au Liban et peut-être même à
l'intérieur du territoire iranien sans entraîner une guerre à grande échelle
avec le risque pour lui de recevoir une pluie de missiles. Il semble bien
que ni le Hezbollah, ni le Liban et ni l’Iran ne voient pour l’instant
d’intérêt à une grande guerre, à des escarmouches à la rigueur. Une nouvelle
guerre avec le Liban n’est pas probable. Tsahal met en garde le président Aoun contre
toute aventure en menaçant ses infrastructures : «Il est temps que le
gouvernement libanais comprenne quelles sont ses responsabilités, étant donné qu'il
laisse agir le Hezbollah et l'Iran sur le sol libanais. Leur
plan est de convertir de stupides roquettes en missiles de haute précision».
Les chiffres sont éloquents. Le
Hezbollah dispose actuellement de 130.000 roquettes qui ne sont pas précises.
Mais des missiles guidés pourraient causer d'énormes pertes humaines et
matérielles en Israël. Pour l’instant la milice chiite n’a pas encore la
capacité industrielle de produire ces missiles guidés de précision.
L'armée israélienne a diffusé le portrait
du cerveau de ce projet, Muhammad Hussein-Zada Jejazi, commandant de la Force
iranienne Al-Quds au Liban. Il est aidé par deux autres Iraniens, Majid Nua, ingénieur spécialisé dans les missiles sol-sol, et Ali Asrar Nuruzi, ainsi que
par un haut commandant du Hezbollah, Fouad Chokr. Ce serait un euphémisme que
de dire qu’ils sont les prochains sur la liste des éliminations ciblées.
Benjamin
Netanyahou qui s’est entretenu avec Benny Gantz est déterminé «à empêcher
nos ennemis à posséder des armes de destruction». Il appelle la communauté
internationale à durcir le ton contre l'Iran. Pour l’instant le consensus est
total au sein de la classe politique israélienne. Il en est toujours ainsi
quand le pays fait face à un danger sécuritaire. Les clivages politiques s’estompent.
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