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samedi 12 août 2017

Netanyahou a exigé sa place du Trocadéro



NETANYAHOU A EXIGÉ SA PLACE DU TROCADÉRO

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
       
Fillon au Trocadéro

          On se souvient qu’à Paris, François Fillon avait exigé aux dernières élections présidentielles l’organisation du meeting de la dernière chance au Trocadéro, avec son dernier carré de fidèles, pour tenter de modifier le cours de la campagne électorale. La réunion a eu l’effet inverse à celui qui était attendu en raison de l’absence des principaux ténors du parti qui avaient déserté la place. Beaucoup s'attendait à ce qu'il annonce son retrait en raison de sa mise en examen. Il s'était entêté. Netanyahou veut faire la même expérience pour montrer au peuple qu’il est toujours vivant politiquement et que les affaires glissent sur lui. Là encore, dans cette réunion, on avait fustigé les media estimant que les Français n'étaient pas majeurs pour juger en toute liberté. Mais ce fut le chant du cygne.




            En Israël en effet les rats semblent quitter le navire du capitaine Netanyahou; ses partisans les plus proches ont adopté une attitude prudente du «wait and see» ne voulant pas se couper du parti pour les primaires ni trop se mouiller depuis que deux inculpés ont décidé de plaider coupables avec le statut de témoins de l’État. Netanyahou avait souhaité que des membres de la direction du Likoud montrent plus d’empressement en se précipitant à la télévision pour le défendre. Mais il n’en a rien été. Même la passionaria Miri Regev s’est faite discrète. Seuls deux ministres ont fait l’effort de partir sur le front médiatique.
            D’ailleurs le premier ministre n’a pas hésité d’attaquer, sans le nommer, le ministre des Transports, Israël Katz, accusé de l’avoir «miné» pour chercher à le remplacer : «Il peut continuer à faire des plans pour me remplacer ; c’est tout ce qu'il veut. Laissez-le faire des plans. Vous savez tous qui c'est. Peut-on dire son nom à haute voix encore ? Où est-ce dommage de dire son nom ?». Netanyahou craint que le parti ne le lâche. Il a donc demandé à ses fidèles d’organiser un rassemblement populaire de soutien. Le président de la coalition David Bitan, le fidèle parmi les fidèles, l’organisateur israélien de la Place du Trocadéro, a conseillé aux députés et aux ministres d’être présents pour ne pas «blesser politiquement Netanyahou». Les politiques seraient-ils sensibles à présent au sentiment ? Mais il a agité la menace de représailles aux élections primaires pour faire réfléchir les récalcitrants. Le premier rang était bien rempli des grosses pointures du Likoud. Alors ils se sont mis à crier que «les enquêtes ne révéleront rien parce qu'il n'y a rien à révéler». Il est certain que ces incantations restent du domaine de la méthode Coué. 

            Netanyahou veut donner l’impression qu’il est au-dessus du brouhaha politique qui est fait autour de lui mais il a quand même annulé plusieurs réunions pour se consacrer à une rencontre avec ses conseillers pour analyser la situation et éventuellement trouver un nouveau grand avocat. Les militants ont beau jeu de crier qu’il s’agit d’une conspiration de la gauche pour l’abattre mais justement la gauche est actuellement inaudible, estimant qu’elle n’a aucun intérêt immédiat à mettre de l’huile sur le feu. Les faits roulent pour elle.
            Tous les ministres et les proches sont tétanisés car ils craignent d’être accusés de ne pas être loyaux. Alors ils se sont pliés au diktat du parti, et de Bitan en particulier, qui veut les voir applaudir le premier ministre : «Quiconque ne vient pas et ne se trouve pas sur le front aura un problème avec les électeurs du parti aux prochaines élections». Les partis de la coalition ont adopté la même attitude de prudence; le Shass et Israël Beitenou sont empêtrés eux-aussi dans des affaires judiciaires. Koulanou est aux abonnés absents. Avi Gabbay prétend être en vacances mais il a quand même diffusé une déclaration disant que «les citoyens d'Israël méritent un leadership différent, un Premier ministre qui n'est pas entouré de témoins de l'État et de chefs de coalition qui peuvent dire : assez cela suffit. Nous n'avons d'autres attentes de Netanyahou mais la voix de ses partenaires au Cabinet n'a pas été entendue. Ce n'est plus une question de droite et de gauche, mais des leaders qui prennent soin de leurs citoyens ». Enfin Yaïr Lapid s’est borné à exiger la levée du secret de l’instruction : «si Netanyahou est inculpé, il ne pourra pas continuer de servir de Premier ministre».
Bitan à droite l'organisateur de la manifestation

            Alors il reste aux politiques la possibilité de disserter sur le nombre de militants présents à Ganei Ha'Ta'arucha de Tel Aviv, 3.000 pour les uns, 6.000 pour les autres. Les bus pour les transporter ont bien fait leur travail. Qu’importe, cela ne convaincra les témoins de l’État de se taire et les policiers de l’unité 433 de cesser leur enquête.

            Netanyahou semble déstabilisé par les derniers rebondissements dans les affaires de corruption où son entourage est visé. Alors il compte sur ses militants pour détourner l’attention sur la méthode «gauchiste» avec laquelle sont traitées les affaires, en accusant la presse d’en déformer les faits. Elle aurait même tout inventé pour nuir au chef du gouvernement : «La gauche et les media - c’est la même chose - se sont mobilisés dans une campagne obsessive, sans précédent, contre ma famille et moi pour tenter de perpétrer un coup d'État». Rien de moins. Il s’agit d’une accusation grave, sans fondement, pour un pays réputé démocratique. Il est difficile d’envisager que des militaires, issus du peuple, ou des factieux puissent user de la manière forte pour déloger un homme politique. C'est bon pour la Turquie ou le Venezuela mais pas pour l'Etat juif ! Netanyahou prend le risque de diviser le peuple, pour des motifs purement politiques et non sécuritaires, au moment où il doit être rassemblé.

            Certes, le premier ministre peut être fier d’avoir fait plier ses ministres et députés qui étaient tous au premier rang pour aller à Canossa. Il s’en est pris à son ancien ami et partenaire, Ehud Barak en le traitant de «vieillard à la barbe nouvelle». Le vieillard a réagi violemment : «Il n'y a pas de persécution, mais de la corruption, il n'y a pas de leadership, mais seulement de la panique». Enfin Yaïr Lapid, l'éternel challenger, s’est trouvé contraint de prendre position : «Netanyahu a franchi toutes les lignes. Ce que nous avons vu ce soir n'était pas une manifestation de soutien à Netanyahu, mais un soutien à la corruption».
            Fillon avait été heureux de se voir applaudir, place du Trocadéro, par une foule nombreuse de militants inconditionnels mais il n’avait pas réussi à convaincre la masse des électeurs, persuadés déjà qu’il avait mis de l’argent de l’État dans sa poche. Il était déjà trop tard et il a été sanctionné. L’avenir dira si cette manifestation téléguidée «de masse» du Likoud aura servi à impressionner la presse, les juges et les enquêteurs. Les militants ont oublié une chose fondamentale, la démocratie est toujours vive en Israël et seul un dictateur pourra museler la presse dont le rôle n’est pas de juger mais d’informer. Prendre la presse comme bouc émissaire est l’apanage des faibles. Avec cette manifestation, le Likoud n'a fait aucune démonstration de force mais de faiblesse.


9 commentaires:

Corto le Vrai a dit…

" La réunion a eu l’effet inverse à celui qui était attendu en raison de l’absence des principaux ténors du parti qui avaient déserté la place " Ah bon ? Il y avait Baroin, Cioti, Jacob, Pécresse, Aubert, l'ancien ministre de la défense dont le nom m échappe, et quelques autres, etc... Ns sommes loin de l'absence de ténors. Quant au " dernier carré de fidèle ", ils furent tout de même plus de 50 000 à avoir fait le déplacement.
amitiés
Corto

Jacques BENILLOUCHE a dit…

Mon cher Corto,

A Trocadéro, Fillon était entouré des seconds couteaux. Où étaient le président du Sénat Gérard Larcher, le patron des Républicains Nicolas Sarkozy, les candidats Alain Juppé, Nathalie Kosciusko-Morizet et Bruno le Maire, les patrons de régions Christian et Estrosi et Xavier Bertrand. Je préfère arrêter l’énumération pour ne pas remuer le couteau dans votre plaie. Si Fillon s’était retiré, nous aurions aujourd’hui Alain Juppé comme président.
Cordialement

Jean CORCOS a dit…

Cher Jacques, merci pour cet article ... il rendra encore plus furieux ceux qui soutiennent Bibi, donc l'écrasante majorité des juifs français ou francophones d'Israel : même inculpé voire condamné, il est devenu - grâce au travail de propagande continu et efficace des sites communautaires - le seul rempart contre ce que feraient "les gauchistes", vendre le pays aux Arabes, etc. Même si la Justice, les médias, les responsables sécuritaires leur diront que Bibi doit partir, eux préfèrent qu'on mette hors la Loi ses opposants : et les mêmes critiquent Erdogan !

David SILICE a dit…

La majorité des Israéliens soutiennent , pour le moment, Bibi comme le laisse à penser les derniers sondages parus, créditant le Likoud de 30 mandats, loin devant la concurrence. Remplacer Bibi? D'accord. Mais par qui? Lieberman est trop connoté "russe" ; Lapid trop flou, Gabbay inexistant.I l avait une occasion en or massif de devenir l'opposant N°1 de Bibi avec ce qui se passe en ce moment. Gabbay est muet. Si la gauche voulait se tirer une balle dans le pied, elle ne s'y prendrait pas autrement. Bennett? Trop rustre (comme Lieberman) même si excellent communiquant; Kahlon? Préoccupé uniquement par les pbs sociaux-économiques (très important, je l'accorde mais il est muet sur les autres sujets). Meretz ne pèse plus rien dans la vie politique Israélienne (et tant mieux), les partis religieux; comme leur nom l'indique, ne se soucient que des affaires qui ont un rapport avec le religion. Quant à la liste arabe, sont rêve est l'anéantissement d'Israel par la force et partagés par certains (j'insiste sur le mot) à gauche, à ceci près que ces derniers veulent la destruction par la voie politique par l'instauration d'un état binational.

Sara GABBAI a dit…

La panique chez Netanyaouh est évidente, mais il a été suffisamment habile pour convaincre son électorat de ses "vertus", l'homme de la sécurité et de l'économie florissante du pays. Si les procès qui l'attendent ne le font pas chuter, il pourait régner encore longtemps...

Véronique Allouche a dit…

Prochain titre d'article encore plus fort dans la caricature : "Netanyahou a exigé sa place au Panthéon".
Bien cordialement

Max HERZBERG a dit…

Apres 10 ans de pouvoir absolu les partisans inconditionnels traitent la justice de "merde", la police "d'incapables" le shin beth de "rentiers peureux qui ne songent que de rentrer a la maison en paix", je ne parle meme pas des autred aspects sub judicie: alirs dites moi : qu'est ce qu'ils on fait pendant ces dix ans: regarder voler les mouches?

Yaakov NEEMAN a dit…

Le Bibi bashing ? Nouvel épisode du masochisme juif. Ils ont un dirigeant capable de retoquer Obama, de défendre la cause d'Israël devant le Congrès américain, et qui s'emploie actuellement à encourager un grand mouvement de soutien diplomatique auprès de plusieurs pays africain... Eh bien non, ils veulent sa peau, parce que c'est trop beau d'avoir un dirigeant comme ça. Pulsion suicidaire. Ils sont prêts à promouvoir un médiocre (ça ne manque pas) parce qu'eux mêmes sont nuls, naïfs, primaires, inconscients, désinformés, et plus que tout : infatués d'eux mêmes. En tout cas, j'admire la retenue de Benyamin Netanyahou. Quant à la comparaison avec Fillon, elle est vraiment injurieuse.

Anonyme a dit…

Netanyahou est aussi inoxydable que le fût Julio Andreoti en son temps en Italie...
Il ne craint personne.