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dimanche 27 août 2017

Le Mossad alerte Poutine sur le risque iranien en Syrie



LE MOSSAD ALERTE POUTINE SUR LE RISQUE IRANIEN EN SYRIE

Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps

            
Yossi Cohen et Netanyahou

          Le Mossad est convaincu à présent que les changements en cours au Moyen-Orient, ne profitent pas à Israël. Selon son chef, Yossi Cohen : «l’Iran, après l’accord nucléaire, n’a eu de cesse d’accroître sa puissance. Mis à part l’Iran et le Hezbollah, sont présentes dans la région d’autres forces de provenance diverse qui leur offrent leur soutien, et notre mission consiste à stopper toutes ces forces. L’Iran avait accru sa présence dans des zones qui étaient naguère contrôlées par Daesh».



            La présence du chef du Mossad, l'un des instigateurs de la stratégie israélienne en Syrie, était donc indispensable pour Benjamin Netanyahu lors de son voyage en Russie. Il a rencontré, le 23 août, le président russe Vladimir Poutine à Sotchi, sa résidence d'été. En l’absence d’un ministre des affaires étrangères en titre, poste cumulé par le premier ministre, Yossi Cohen a évoqué le cessez-le-feu en Syrie négocié par Washington et Moscou. Israël est totalement opposé à un accord qui ne tient pas compte de la présence de plus en plus visible des forces iraniennes dont la capacité de nuisance es avérée. En effet, les services de renseignements révèlent que les Iraniens ont remplacé Daesh dans les zones qu’il a évacuées.

            La présence de Yossi Cohen s’explique par la nécessité de sensibiliser toutes les parties impliquées sur le risque de débordement du conflit sur les frontières israéliennes. Il avait déjà, sans succès le 16 août 2017, fait le déplacement à Washington pour attirer l’attention de Donald Trump sur l’urgence de la situation. Le chef du Mossad avait aussi rapporté les inquiétudes jordaniennes quant à la présence dangereuse de milices pro-iraniennes à la frontière jordano-syrienne. Mais le président américain a décidé de se désengager du conflit syrien pour se consacrer entièrement à la lutte contre les djihadistes de l’E.I.

            La Russie tient à bout de bras le régime syrien. Elle est impliquée dans le soutien aérien aux opérations menées par Bachar Al Assad et ses alliés chiites à Deir ez-Zor à l'est, à Sweida au sud-est, à Hama au centre et au Qalamoun. La stratégie russe consiste à sécuriser les frontières de la Syrie avec ses voisins. Mais Israël voit d’un très mauvais œil des troupes se rapprocher de la Jordanie. Les Israéliens s’inquiètent de la désintégration des groupes rebelles anti-Assad, retranchés au Golan, qui servaient jusqu’à présent de tampons entre Tsahal et les alliés chiites d’Assad. Ils craignent surtout un réchauffement de leurs frontières avec la Syrie si les rebelles étaient déplacés par la force. Yossi Cohen essaie donc d’expliquer la nécessité pour les Israéliens de défendre avec vigueur leurs intérêts.
            Netanyahou et Yossi Cohen veulent convaincre les Russes de coopérer avec les Américains pour freiner la présence iranienne en Syrie. Pour prouver que le thème du voyage était avant tout sécuritaire, le premier ministre a tenu à se faire accompagner du chef du Mossad Yossi Cohen, du nouveau conseiller à la sécurité nationale, Meir Ben-Shabbat, et du ministre de la protection de l'environnement Zeev Elkin. La présence d’Elkin étonne mais Netanyahou le considère comme la caution nationaliste de sa coalition car il refuse la création d’un État palestinien et préconise l’annexion de toute la Cisjordanie. La délégation doit donc convaincre Poutine d’organiser un cessez-le-feu au sud de la Syrie, zone sensible pour les Israéliens, entre l'armée syrienne et les rebelles qui n'appartiennent pas à Daesh ni à Al-Qaeda. Ce cessez-le-feu permettrait de maintenir la présence des rebelles à la frontière d’Israël pour y empêcher l’installation du Hezbollah et des Gardiens iraniens de la révolution. Mais Assad n’est pas prêt à faire ami avec ceux qui ont toujours juré de l’éliminer du pouvoir. Alors, les Israéliens veulent au moins consolider les accords militaires avec l’armée russe pour éviter tout incident aérien durant les opérations de l’aviation israélienne en Syrie.

            Les services de renseignements israéliens, qui disposent d’infiltrés locaux, font état de l’implication de plus en plus ouverte des Iraniens en Syrie ce qui a conduit Israël à s'impliquer lui-aussi malgré la neutralité à laquelle il tient. Des combattants et des mercenaires venus d'Afghanistan, du Liban, d'Irak et d'Iran, commandés par le général Qasem Soleimani et soutenus par la Garde révolutionnaire, sont parvenus en Syrie par voie aérienne et maritime pour renforcer la présence iranienne. Les Iraniens sont visibles autour de l'aéroport international de Damas, de l'ambassade iranienne, près du palais présidentiel et sur les bases sur le mont Qasioun, surplombant Damas. On se souvient que ces bases avaient subi des frappes de l’aviation israélienne pour détruire l’armement à destination du Hezbollah.
Général Soleimani

            Il est prouvé que la Force Al Qods utilise le Croissant-Rouge iranien pour couvrir les agents de la Garde révolutionnaire et pour fournir des matériels. De nombreux conteneurs bourrés de matériel militaire sophistiqué ont été transportés sous couvert d'expéditions commerciales par la compagnie internationale de transport maritime IRISL. L’Iran dispose même d’un avion à ses couleurs, basé à la frontière irakienne, qui exploite les couloirs aériens civils, ainsi que de plusieurs Ilyushin russes volant sous les couleurs de Syrian air. Grâce à ces moyens aériens, des combattants et des armements sont transportés pour soutenir les combats du régime de Bachar Al Assad. Les renseignements font état de 20.000 passagers et de 5.000 tonnes d’approvisionnement transportés de Abadan à Damas. Les vols sont organisés de nuit pour éviter la détection satellitaire. Cependant l’Iran a besoin de plus de moyens et pour cela il a construit en Syrie des usines de fabrication d’armement et de production de missiles à longue portée ce qui change la donne pour Israël. Pour l’instant ces bases sont dans l’œil du cyclone israélien.   
Partition réelle de la Syrie


            En fait les Iraniens se sont implantés partout en Syrie. Des combattants soutenus par l'Iran ont progressivement occupé la région désertique centrale de la Syrie pour tenter de relier Téhéran à la Méditerranée grâce à la création d’un couloir permettant le mouvement des troupes venant d’Irak et pour faciliter le transport des armes vers Damas et le Hezbollah au Liban. Les bases iraniennes sont répertoriées par le Mossad. C’est ce que veut affirmer Yossi Cohen à Poutine.
            Le quartier général et le commandement sont installés dans la zone de l’aéroport international de Damas pour faciliter les communications et les approvisionnements aéroportés. Au centre du pays, un autre poste de commandement a été installé dans la région de Dumayr à proximité des aérodromes Shayrat et T-4, proches de Homs. Les images satellitaires confirment par ailleurs la construction de complexes militaires sur la côte au nord-ouest de la Syrie pour le stockage d’armements. Enfin l’Iran a pris le contrôle de Tanf entre la Syrie et l’Irak pour relier ses bases avec celles d’Irak et pour contrôler la frontière avec Deir Ez-Zor. C’est le moyen pour permettre à l’Iran d’utiliser les routes pour transporter des combattants, des armements sophistiqués et des véhicules blindés récupérés auprès de l’armée irakienne.
Aérodrome Shayrat

            Le général Soleimani a déployé ses unités d’élite de la Garde révolutionnaire et des forces spéciales Al Qods comptant près de 1.500 hommes en Iran. Des mercenaires étrangers ont été intégrés à ces forces, auprès du Hezbollah et des éléments de l’armée régulière iranienne pour constituer ensemble près de 18.000 combattants prêts à en découdre.
            C’est sur ces faits tangibles que Netanyahou a expliqué à Poutine que la défaite de Daesh a déplacé la menace contre Israël : «Monsieur le Président, avec des efforts conjoints, nous avons battu l'État islamique, et c'est une chose très importante. Mais ce qui est mauvais, c'est que lorsque le groupe d'État islamique vaincu disparaît, alors l'Iran intervient et prend sa place. Nous ne pouvons pas oublier une seule minute que l'Iran menace tous les jours d'anéantir Israël et abrite des organisations terroristes qu’il sponsorise en développant la terreur. L'Iran contrôle déjà l'Irak et le Yémen et, dans une large mesure, dans la pratique il contrôle le Liban».

            Rien n’a transpiré de la réponse de Poutine. Il a seulement utilisé la langue de bois en saluant le «mécanisme efficace de coopération entre la Russie et Israël». Pour Israël il s’agit d’un deuxième échec après le fiasco de la délégation israélienne envoyée à Washington et qui est rentrée sans avoir obtenu le retrait complet des forces iraniennes de Syrie. Pourtant, il a apporté la preuve que l'Iran construit des bases navales, aériennes et terrestres en Syrie ce qui est considéré comme un casus belli. Par ailleurs, le déploiement des forces du Hezbollah et iraniennes à travers tout l’espace syrien constitue une menace qu’Israël est forcé d’anticiper avec toutes les conséquences que cela implique. 
          Certes Moscou a garanti que son influence majeure empêche l'Iran ou le Hezbollah d'ouvrir un nouveau front avec Israël. Mais cela ne rassure pas l’État-Major israélien qui ne veut ni de la présence chiite sur le Golan et ni du transfert d’armes vers le Hezbollah. L’aviation se tient donc prête à intervenir à nouveau dès que le pouvoir politique décide.    

            Cependant les Israéliens sont convaincus que les forces loyalistes syriennes ne les cibleront jamais car Assad est prudent. Depuis 1973, aucun coup de feu n’a été tiré à la frontière avec la Syrie. Ils essaient donc d’obtenir d’Assad soit de ne pas combattre les rebelles installés au Golan, soit de les remplacer par des troupes régulières, faisant tampon. La présence de milices chiites à la frontière, face aux troupes de Tsahal peut dégénérer rapidement en conflit généralisé car le Hezbollah est le véritable bras armé de l’Iran. Israël évite certes toute provocation pour ne pas être condamné par les chancelleries occidentales et être accusé d'être l’instigateur de la guerre. 
          Mais si le Hezbollah réactive sa «brigade pour la libération du Golan» et lance les hostilités, alors la nouvelle division militaire de Tsahal créée à cet effet aurait les mains libres pour agir pour la défense du pays. Netanyahou, dans une lourde menace, a mis en garde Poutine que : «Nous agirons si nécessaire, selon nos lignes rouges». La Russie a donc intérêt à neutraliser l’étincelle chiite.

2 commentaires:

Paul ACH a dit…


Jacques Benillouche explique que le nouveau danger pour Israël est la présence de Troupes Iraniennes en Syrie.
Israël a tenté de faire intervenir les USA et la Russie. Les USA ont répondu négativement.
Il faut espérer que la Russie, support de Bachar Al Assad répondra positivement.
Sinon ...

Yves SCEMLA a dit…

Trump laisse les coudées franches à POUTINE.

Le courant passe assez bien entre Israël et la Russie.

Cette fois, le monde entier est informé qu'il y a une ligne rouge à ne pas dépasser en Syrie, qui est en train de se faire avalée par l'Iran, grand ennemi d'Israël.

En gros, tout devrait aller.

Mais je pense que Tsahal aura à "corriger" quand même quelques failles à risques pour le pays, que ce soit frontière libanaise ou syrienne.
Le Chef d'Etat-Major décidera en fonction de la conjoncture et des événements localement OU par prévention en ce qui concerne les armements.