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vendredi 2 décembre 2022

Domination politique et économique du Qatar

 

DOMINATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DU QATAR


Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps

 

Carla Bruni-Sarkozy et Nicolas Sarkozy entourent l’Emir du Qatar Hamad Bin Khalifa Al-Thani et son épouse Mozah Bint Nasser Al-Misned lors d’un dîner à l’Elysée en juin 2009

L’Histoire récente rappelle que le président Nicolas Sarkozy a été celui qui a ouvert grandes les portes au Qatar, soutien inconditionnel des Frères musulmans, lui permettant ainsi de s’infiltrer dans les rouages de l’économie française. Il ne s’est pas inquiété des conséquences des liens tissés sous prétexte que ce micro-pays détient une richesse presque illimitée en gaz et en pétrole. Certains pans de l’économie française ont été offerts à un émirat de 1,5 million d’habitants sur une petite péninsule entourée par l'Arabie saoudite au sud et le golfe Persique au nord de la taille de la Corse. Son territoire est désertique avec des températures en été, oscillant à près de 50°, impossibles à supporter pour le commun des mortels. 





Le Qatar doit sa réputation et sa réussite au fait qu’il est le cinquième producteur de gaz naturel du monde après la Russie, les États-Unis, le Canada et l'Iran et qu’il est devenu le premier exportateur de gaz naturel liquéfié. Le pays est aussi un producteur de pétrole, mais de taille moyenne. Les capitaux énormes qu’il a accumulés dans les caisses occidentales le rendent puissant au point d’influencer la politique internationale. Son action s’exprime tous azimuts, militairement en Libye, et sportivement après l’acquisition à prix d’or du club français de football PSG. Grâce à l’influence de Zinedine Zidane, le Qatar a réussi à obtenir, le 2 décembre 2010, dans des conditions douteuses, l’organisation de la Coupe du monde de football en 2022.

Hamad ben Khalifa Al Thani


Le Qatar, Bahreïn et sept autres États avaient formé une fédération qui a explosé après des conflits régionaux, poussant le Qatar à déclarer son indépendance en 1971. Depuis 1995, le Qatar est dirigé par l’émir Hamad ben Khalifa Al Thani, qui a pris les commandes du pays en renversant son père Khalifa ben Hamad Al Thani, alors que celui-ci était en vacances en Suisse. Le Qatar semblait s’orienter vers le modernisme et les réformes sociales mais ce ne fut qu’illusion malgré un nouvel émir plus libéral que son père. Il avait doté le pays d'une nouvelle constitution et créé Al Jazeera, la CNN arabe. Mais le pays est resté féodal, surtout en ce qui concerne les droits des femmes.

Son bras armé économique QIA (Qatar Investment Authority), a été créée en 2005 pour protéger et développer les actifs financiers du Qatar et pour aider à diversifier l'économie. Cette organisation financière mondiale, avec des investissements couvrant tous les principaux marchés mondiaux et avec des équipes de 40 nationalités, gère en 2022 plus de 445 milliards de dollars ce qui en fait une puissance politique plus qu’économique. Mais le régime est fragile parce que le pays est petit et soumis aux appétits étrangers ; c’est pourquoi il cherche en permanence des alliés pour garantir sa survie.



La politique internationale du Qatar est certes opportuniste, voire confuse. Il est légitime de se demander ce que le Qatar cherche dans une politique étrangère de plus en plus interventionniste et comment un pays aussi petit peut être aussi visible. La réponse se trouve à la fois dans la géographie de l’émirat, dans l’histoire immédiate du Moyen-Orient et dans le contexte mondial chahuté. Car si la politique étrangère du Qatar a bénéficié de conditions favorables (revenus exponentiels du gaz naturel, conditions régionales nouvelles liées au déclin des puissances traditionnelles et aux Printemps arabes, conjoncture mondiale crisogène favorisant la montée en puissance de nouveaux acteurs dynamiques), elle demeure le fruit de tendances lourdes : les vulnérabilités démographiques, géographiques et stratégiques de l’émirat.



Exister sur la scène mondiale reste un moyen pour le Qatar de diminuer ses lignes de fragilité. S’intéresser à ce pays revient donc à tenter de cerner les vulnérabilités à l’origine de la stratégie d’internationalisation de l’émirat mais également de montrer les modalités pratiques de sa mise en œuvre. Enfin, il est possible d’étudier le basculement du Qatar dans une diplomatie d’engagement au vu des changements du contexte régional et global. Exister sur la scène mondiale est une nécessité stratégique. Le Qatar est un Etat fragile et de constitution récente : l’environnement géographique et géopolitique y est hostile tandis que l’indépendance ne fut acquise qu’en 1971. En intervenant sur la scène mondiale, l’émirat trouve un moyen de pallier les nombreuses fragilités qui le traversent. 

Le Qatar a établi des relations commerciales avec l'État d'Israël en 1996, les premières parmi toutes les nations de la péninsule arabique après Oman. Jusqu'en 2009, le Qatar et Israël entretenaient des relations diplomatiques et financières, mais le Qatar avait marqué sa mauvaise humeur lors de l'opération Plomb durci de Gaza en rompant ses liens avec Israël. Depuis, l’incident est clos.

Visite secrète de l'émir à Jérusalem

Malgré le soutien du Qatar au Hamas, les dirigeants israéliens ont maintenu un contact direct avec l'émirat. En janvier 2007, Shimon Peres avait effectué une visite très médiatisée dans la capitale, Doha. En janvier 2008, le ministre israélien de la Défense Ehud Barak avait rencontré l'ancien Premier ministre qatari Sheikh Abdullah bin Khalifa al-Thani en Suisse, lors du Forum économique mondial. L'existence des pourparlers subreptices a jusqu'à présent été gardée secrète par Israël. La ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni a également rencontré l'émir du Qatar lors d'une conférence de l'ONU en 2008. En avril 2008, elle s'est rendue au Qatar où elle a assisté à une conférence et rencontré l'émir, le Premier ministre et le ministre du Pétrole et du Gaz. Par ailleurs une vidéo montre la visite secrète de l’émir à Jérusalem aux côtés de Tsipi Livni en 2010. Cependant sa politique à l’égard de l’islamisme chiite iranien est très ambiguë parce qu’il cherche des relations avec tous les camps.  En 2010, il avait signé un pacte de défense secret avec la Syrie et l’Iran alors que paradoxalement les États-Unis maintenaient une base militaire dans le pays.  Mais l’ambiguïté réside aussi dans le fait que le Qatar, parrain des Frères musulmans, finance le terrorisme depuis son sol et le Hamas en particulier. 

Tsipi Livni rencontre l'émir du Qatar

            État féodal, le Qatar n’autorise pas les partis politiques. Son objectif en France reste l’acquisition des fleurons industriels et immobiliers. Il finance à tout va ceux qui acceptent ses fonds, la classe politique en particulier. Sans accuser quiconque d’être au service du Qatar, le nombre de politiques français qui se sont rendus au Qatar est éloquent, en particulier Dominique de Villepin, dont le cabinet d'avocats gère les affaires de l'émirat, Rachida Dati, dont la sœur travaille pour le procureur du Qatar, Claude Guéant, envoyé spécial de Sarkozy, Frédéric Mitterrand, Jean-Pierre Chevènement et Jack Lang.

            Nicolas Sarkozy avait reçu à l’Élysée, après son élection en 2007, l'émir Hamad bin Khalifa al-Thani et son épouse, puis l’avait invité le 14 juillet 2007 au défilé des Champs-Élysées. Tout était fait pour ouvrir l’économie française au Qatar. Le président français avait réussi à obtenir la formation de la police qatarie. En échange, le Sénat avait voté en 2008 une loi offrant un statut fiscal spécial pour les investissements qataris en France, en particulier l’exonération des plus-values. La France a par ailleurs fourni une grande partie du matériel militaire de l’armée du Qatar et en particulier des Mirage 2000. Les grandes entreprises françaises se sont installées à Doha, en particulier, EDF, Véolia, Total, GDF, Vinci et Air Liquide. Le groupe QIA a pris des participations dans les groupes Lagardère, Véolia, Suez, et Vinci mais un veto a été imposé pour le nucléaire Areva.

Hôtel Lambert à Paris


            Le Qatar a beaucoup investi dans l’immobilier français : un palais de 4.000 m² à Marnes la Coquette, l’hôtel d’Evreux place Vendôme, les hôtels de luxe Majestic et Royal Monceau et enfin l’hôtel Lambert dans le Marais.

            Cependant une certaine instabilité est perceptible dans un environnement régional hostile et une culture politique du coup d’État. Le défi de l’aridité et les limites d’une économie de rente sont évidents justifiant l’importance de la relation bilatérale américano-qatarie. La politique étrangère du Qatar contraste avec celle des autres Etats du Moyen-Orient. Si le Qatar partage de nombreuses caractéristiques avec certains de ses voisins (économie de rente et forte population immigrée), il a poursuivi une forme très spécifique de politique étrangère – à savoir une diplomatie «de niche» qui a été de plus en plus suivie d’une politique étrangère multidimensionnelle.

 

3 commentaires:

Georges Kabi a dit…

Je n'arrive toujours pas a comprendre comment le Qatar a reussi posseder son gaz et son petrole alors qu'Israel en a ete incapable. Une reponse logique serait la bienvenue

Avraham NATAF a dit…

Le Qatar est hanté par le Koweït qui avait disparu avec l'invasion irakienne et qui, depuis, a choisi la plus grande discrétion.

Anonyme a dit…

Merci pour cet excellent article. Israël n'a hélas pas le choix de ses voisins.
L'antisionnisme compulsif de de Villepin a au moins sa source ds ses prises d'intérêt au Qatar..
Amusant de noter le regard appuyé porté par Sarkozy sur la ravissante épouse de l'emir.