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vendredi 2 décembre 2022

De Beyrouth à Djerba, les ratés de la Francophonie par Albert NACCACHE

 


DE BEYROUTH À DJERBA, LES RATÉS DE LA FRANCOPHONIE

Chronique d’un papy flingueur Albert NACCACHE



Beyrouth Livres


Du 19 au 30 octobre 2022, Beyrouth accueillait son premier festival littéraire francophone. L'Institut français du Liban invitait le public libanais à (re)découvrir la littérature francophone à travers plus d'une centaine de rendez-vous mêlant écrivains, invités et artistes de la scène.  Acteur essentiel de la politique culturelle extérieure de la France, l’Institut français est investi d’une mission de service public : promouvoir la culture et la langue françaises dans le monde, soutenir la mobilité́ internationale des talents, contribuer à l'accueil des cultures étrangères en France. Plus de 90 auteurs de 8 nationalités différentes s’étaient donné rendez-vous à Beyrouth Livres. Mais voilà.



L'Institut français du Liban

Le Ministre libanais de la Culture, Mohammad Mortada, membre du Mouvement Amal allié au Hezbollah, titulaire d’une licence en Histoire de l’Université islamique, a critiqué le 8 octobre, dans un tweet, la présence d'auteurs «ayant embrassé les projets sionistes dans la pensée et dans la pratique, les soutenant aussi bien dans leurs travaux littéraires que dans leur vie quotidienne». Il poursuivait en s’adressant aux autorités françaises, : «Votre pays ne permettrait pas à des militants du Liban de se rendre dans (votre) pays pour critiquer le droit des pratiques sionistes, et en retour nous ne permettrons pas à des sionistes de diffuser le venin du sionisme au Liban, même si, en apparence, ils semblent détenir les passeports de votre pays».

Mohammad Mortada

Contraint d’effacer son tweet, Mohammad Mortada n'est pas revenu sur ses propos, interrogé par l'Orient-Le Jour, il explique : «Nous avons eu vent de la participation à l’événement d’auteurs connus pour promouvoir une pensée israélienne et nous nous demandons ce qu’ils viennent faire au Liban. Nous avons fait nos recherches et avons effectivement trouvé que plusieurs d’entre eux ont de tels projets et nous avons fait part de nos réserves à l’ambassadrice française».

Les cinq auteurs qui sauvent l’honneur

Éric-Emmanuel Schmitt


Cinq auteurs français ont visiblement pris acte des propos de Mortada, et annoncé l'annulation de leur participation à Beyrouth Livres. Parmi eux, quatre membres de l'Académie Goncourt, à savoir Éric-Emmanuel Schmitt, Tahar ben Jelloun, Pascal Bruckner et Pierre Assouline, qui pointent «la dégradation générale de la situation au Liban» ; ainsi que Selim Nassib, né à Beyrouth dans une famille juive en 1946 et auteur du roman Le tumulte [1], publié récemment par Albin Michel, qui a renoncé lui aussi au déplacement à Beyrouth Livres. Il évoque dans un communiqué une allusion du ministre qui l'a «profondément dégoûté».

Sélim Nassib



L'Académie Goncourt n’a pas condamné les propos du ministre et a maintenu sa participation à Beyrouth Livres.

Les Académiciens Camille Laurens, Philippe Claudel, Didier Decoin et Paule Constant entourant la romancière Salma Kojok qui animait le débat au musée Sursock. Photo Michel Sayegh


  Yaël German, ambassadrice d’Israël en France, a publié un communiqué de presse dans lequel elle s’est émue que les propos du ministre n’aient pas été «fermement condamnés par la direction de l’académie Goncourt» et affirme que «le silence de l’Académie Goncourt est un terrible affront aux valeurs de liberté, de tolérance et d’ouverture qui caractérise la République française. L’histoire nous enseigne que ceux qui détournent le regard face à la bête immonde sont les complices directs de l’antisémitisme». Elle accuse l’Académie Goncourt d’être «les complices directs de l’antisémitisme». 

Yael German

      L’Académie Goncourt, par l’intermédiaire de son président Didier Decoin, a écrit une lettre à Yaël German, pour lui expliquer son «juste» positionnement. Didier Decoin rappelle qu’«en dépit des allégations du ministre de la Culture, l’Académie Goncourt avait décidé à la majorité, le 15 octobre, de mépriser cette menace et d’honorer les engagements pris, que reculer devant la menace ne peut que renforcer l’agresseur».

«Ne venez pas, nous intime M. Mohammad Mortada? Raison de plus pour refuser de faire le jeu du Hezbollah, et donc y aller malgré ses injonctions inacceptables. Le lieu a été choisi par solidarité vis-à-vis de la capitale du Liban, durement éprouvée par l’explosion dans son port». Une belle hypocrisie car cette fameuse explosion qui a dévasté le port de Beyrouth est sans doute de la responsabilité du Hezbollah qui s’est toujours opposé à ce qu’il y ait une enquête ! Soutien complice de l’ambassadrice française et de la France qui ont choisi de ne pas soutenir ses ressortissants et de ne pas protester contre les déclarations du ministre libanais. Quant au Liban officiel, il conserve sa place sur «la liste de la honte» onusienne, Beyrouth ayant une nouvelle fois voté contre une résolution condamnant le régime iranien pour répression des manifestants et violation des droits de l’homme, le 9 novembre 2022.

Le Sommet de la Francophonie



Sans surprise, Louise Mushikiwabo, l’anglophone à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), a été reconduite à son poste pour quatre années supplémentaires. Officiellement, c’est une réussite «Djerba n’a pas déçu… La Tunisie n’a pas déçu», a estimé la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Louise Mushikiwabo, lors d’une conférence de presse en clôture du sommet. «Nous sommes en route vers une francophonie de l’avenir, modernisée, beaucoup plus pertinente», a-t-elle ajouté.

Des couacs et des absents

Tel n’est pas l’avis de Nicolas Beau. «Sommet de la Francophonie : des couacs et des absents. Après trois ans d’absence liée à la pandémie et à de multiples embûches du côté de l’organisateur tunisien, le Sommet de la Francophonie a pu se tenir à Djerba les 19 et 20 novembre. Sans surprise, Louise Mushikiwabo, l’anglophone à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), a été reconduite à son poste pour quatre années supplémentaires. Officiellement, c’est une réussite : Je dis que c’est un succès clame la patronne rwandaise de l’organisation et d’ajouter «la langue française avance, en termes de locuteurs, grâce à la démographie galopante en Afrique qui a 32 membres sur 88, c’est le bloc le plus important de la Francophonie. Excepté que sur les 300 millions de Francophones, il en manquait plus de la moitié sur la photo finale. En raison des coups d’État survenus au cours des deux dernières années en Afrique de l’Ouest, le Burkina Faso, le Mali, la Guinée Conakry et le Tchad ont été suspendus des instances de l’OIF. Ce qui représentent près de 73 millions de personnes dont le français est la langue principale. La représentante personnelle de Macron, Leila Slimani, a éclipsé la secrétaire d’État française. Autre grande absente, la secrétaire d’État française à la francophonie, Chrysoula Zacharopoulou, physiquement à Djerba, mais privée de parole. Il faut dire que le dernier discours de la gynécologue franco-grecque, en octobre au dernier Sommet de la paix et de la sécurité à Dakar est très loin d’avoir fait l’unanimité. S’exprimant avec un accent grec très prononcé et multipliant les erreurs de grammaire et de syntaxe, celle qui a obtenu la nationalité française juste après sa nomination au gouvernement comme secrétaire d’État à la francophonie, avait mis mal à l’aise toute l’assistance. Français et Africains très attachés à la belle langue française en étaient restés ébaubis. Ceci explique donc cela. Emmanuel Macron a préféré mettre en avant sa représentante personnelle pour la francophonie, l’écrivaine Leïla Slimani, qui représente la jeunesse dorée casablancaise des bords de Seine. Les Français parlent aux Français». [2]

Exclusion d’Israël

Ftouh Souhail rappelle qu’Israël n’est pas membre de l’OIF du fait de l’opposition…du Liban et de la Tunisie. «Israël est l’oublié de l’OIF, l’entrée lui est refusée. Un pays comme Israël, où un million de personnes s’exprime dans la langue de Molière, est discriminé par des pays antisémites. Si, malgré son million de Francophones, Israël ne fait pas partie de la Francophonie alors que l’Égypte — avec seulement 2% de Francophones — en est membre, c’est à cause d’obstacles politiques et du blocage psychologique de la France, qui table depuis plusieurs décennies sur une politique foncièrement propalestinienne » [3]


Le choix d’Yseult

La chanteuse Yseult

Le dernier couac est la nomination incongrue, par le président Macron, d’Yseult, une chanteuse française d’origine congolaise comme marraine de la Francophonie en 2024. Le choix de cette personne, en qui de très nombreux français ne se reconnaissent nullement est le fait du prince. Yseult qui a eu la chance de naitre et de grandir dans des conditions privilégiées en France, prétend ne rien devoir à la France et critique ouvertement son pays. À peine sacrée marraine de la francophonie 2024 par Macron, le chanteuse Yseult est bannie de twitter pour avoir violé les règles du réseau social.

Le Journal du Dimanche nous apprend le 27 novembre 2022 que le sénateur des Français établis hors de France Damien Regnard, rattaché aux Républicains, déplore ce choix d'Emmanuel Macron. «Vous ne connaissez pas Yseult ? Elle est pourtant bien connue et appréciée de ceux qui critiquent notre pays et son Histoire. Exilée en Belgique, elle considère ne rien "devoir à la France", le pays qui l’a pourtant vu naître. Ses "textes" d’artiste ? Un vague magma entre anglicismes et français approximatif».

 

[1] Le livre «Le tumulte» fera bientôt l’objet d’une recension dans ces colonnes.

[2] Nicolas Beau Mondafrique 21 novembre 2022

[3] Ftouh Souhail le 20 novembre 2022 Dreuz Info 





2 commentaires:

Georges Kabi a dit…

Je ne sais pas d'ou vient ce chiffre d'un million de francphones en Israel. A mon avis, il y en aurait que 200,000 au grand maximum car la grande masse se trouve deja au cimetiere et le renouvelement est negligeable. Je suis francophone, francais meme, mais mes enfants ne comprennebt que quelques mots et mes petits-enfants pas du tout. Et j'en suis fort aise. Je ne me suis pas installe en Israel pour perpetuer la langue francaise, qui n'est meme pas ma langue maternelle ni celle de mes parents et de mes aieux (ceux qui n'ont pas et brules dans les crematoires).
Je deplore, mais je comprends aisement pourquoi Israel n'est pas membre de la francophonie. Peut-etre pourrait-il poser sa candidature au Commonwealth britannique?

Véronique ALLOUCHE a dit…

georges kabi
De culture française il est dommage que vos enfants et petits-enfants ne parlent pas cette langue.
Vous semblez vouer un culte pour la langue anglaise mais rappelez-vous de l’attitude des États-Unis pendant la seconde guerre mondiale qui rejetaient la demande de visas des juifs d’Europe pourtant en grand danger.
Rappelez-vous de l’épisode tristement célèbre de l’Exodus pour lequel les anglais lui interdirent d’accoster en Palestine…
Plus près de nous la Reine d’Angleterre n’a jamais mis les pieds en Israël… alors pour quelle raison souhaiteriez-vous qu’Israël entre dans le Commonwealth sur lequel elle régnait?
Je n’oublie évidemment pas la France qui fut en grande partie abjecte pendant la guerre.
Ceci étant s’il fallait s’exprimer uniquement dans une langue dont le pays n’atteignit jamais les juifs… il ne resterait au mieux que l’hébreu.
A moins de ne se rendre en aucun cas à l’étranger, cette langue aussi belle soit-elle, est par définition un entre soi.
Bien à vous.