Fruits expédiés du Liban contenant des capsules de Captagon saisis par la police saoudienne |
Le Hezbollah
figure déjà sur la liste noire des organisations terroristes des États Unis
ainsi que sur celle de certains autres pays. La France et l’UE font un subtil
distinguo entre la branche armée, organisation terroriste, et la branche
politique qui ne le serait pas et qui a pignon sur rue. Ce qui permet au Quai
d’Orsay, dont on connaît les affinités, d’être tout naturellement en relation
avec une organisation terroriste. Par ailleurs la plupart des pays arabes la
considère comme terroriste. Ce qu’on connaît moins c’est l’activité en cours de
développement de l’organisation : le trafic de drogue. Le Liban devient la
Colombie du Moyen Orient aux cotés de la Syrie. Tous deux y trouvent une source
de financement considérable. Les Talibans n’avaient pas agi autrement.
Attardons-nous sur un épisode récent, peu relayé par les grands médias. Précisons ce qu’est le Captagon également surnommé «la drogue des djihadistes». Une sorte d’amphétamine par ses effets qui fait des ravages dans la jeunesse. La simplicité de sa fabrication, à partir de molécules détournées de l’industrie chimique, et ses effets particuliers en font un potentiel allié des djihadistes, qui doivent résister à la fatigue des combats et donner la mort ou se la donner. L’autopsie du jeune terroriste qui avait tué 39 personnes sur la plage tunisienne de Sousse en juin 2015 avait révélé qu’il en avait consommé avant d’accomplir ce massacre.
Le 6 avril, le
tribunal de Beyrouth s'est réuni pour rendre un verdict dans l'affaire Hassan
M. D, notoirement connu comme le «roi du Captagon» au Liban et pour ses
liens étroits avec le Hezbollah et ses actions de contrebande vers la Grèce, la
Malaisie et l'Arabie saoudite ; il avait été arrêté à Beyrouth en 2021.
Pourtant, au lieu de rendre un verdict le mois dernier, le juge Sami Sidqi a
suspendu la décision indéfiniment. Ce qui s’inscrit clairement dans la
kleptocratie libanaise. Elle permettra au trafiquant et à ses associés de
passer entre les mailles du filet et de retourner librement à leur activité
illicite et mortifère. Le même et ses acolytes ont été arrêtés à plusieurs
reprises et relâchés grâce à l’intervention du Hezbollah.
D. avait été
arrêté pour la première fois après son arrivée au Liban en septembre 2015, à
Baalbek, la capitale de facto du Hezbollah. Bien que les Forces armées
officielles aient trouvé de la drogue chez lui, il a été libéré peu après, avec
l'aide du Hezbollah et peut tranquillement poursuivre son commerce. D a créé
plusieurs sociétés écrans en Syrie, en Jordanie et au Liban pour faciliter
l’importation des matières premières nécessaires à la production du Captagon
sous couvert de production de médicaments. En 2018, il a obtenu la double
nationalité. Au plus fort de la guerre en Syrie, Il a réussi à s’approprier une
zone de 130 km2 à 50 km de Damas, dans un secteur totalement sous contrôle du
Hezbollah près de la ville de Tfail, hors du contrôle de l’État libanais,
promettant la création d'emplois. Au lieu de tenir cet engagement, des cultures
(dont quelque 450.000 arbres fruitiers) et de nombreuses maisons furent rasées.
Les sous-traitants supervisant ces opérations étaient accompagnés d'affiliés
armés du Hezbollah. De nombreux habitants furent contraints de choisir entre
payer ou être expulsés de force.
Une plainte fut
déposée contre ce projet, un juge a tranché et le gouverneur de Baalbek a
ordonné l’arrêt de la construction. Pourtant, les démolitions se sont
poursuivies. Après de multiples péripéties dont l’enlèvement du plaideur en
juillet 2020, ce dernier a à nouveau porté plainte et a accusé D et ses
associés de l'avoir kidnappé dans le but d'intimider les habitants. Ce qui a
entrainé l’arrestation de D, mais une fois de plus, il a été libéré quelques jours
plus tard grâce au Hezbollah et il a continué à superviser la construction de
ses nouvelles usines.
Hassan Dekko le spoliateur de la region de Tfail |
Selon le site
d'information panarabe indépendant Daraj, les terrains nouvellement acquis de D
contiennent des tunnels de contrebande qui atteignent la Syrie. On ne parle pas
officiellement de tunnels ou de contrebande à destination d’Israël mais on a
signalé plusieurs tentatives en vue du franchissement de la frontière
nord. On évoque aussi la collaboration
étroite avec la 4ème division de l'armée syrienne, dirigée par Maher el-Assad,
le frère du président, qui s'est profondément impliqué dans le commerce du
Captagon. Ce trio infernal inclut le Hezbollah, qui assure la sécurité des
laboratoires et superviserait les «points de transit clés» pour assurer
une distribution pérenne de la drogue et son acheminement clandestin vers les
pays du golfe Persique et au-delà aussi vers Israël où le pouvoir d’achat est
autrement supérieur à celui des voisins libanais ou syriens.
On s’étonnait que
l’Arabie Saoudite suspende les importations de fruits et légumes du Liban, pourquoi ?
En avril 2021, elle a déjoué une tentative de contrebande de 5,3 millions de
pilules de Captagon dissimulées dans des fruits, incitant le royaume à
interdire l'importation de fruits et légumes libanais. Un mois auparavant, avec
l'aide du ministère saoudien de l'Intérieur, la Malaisie avait intercepté 800.000
tablettes de Captagon d'une valeur de 94 millions de dollars en provenance de
Lattaquié. Une photo de la facture de cet envoi aurait été trouvée sur le
téléphone de D, ce qui a conduit à une nouvelle arrestation. Le 6 avril 2021,
les forces de sécurité libanaises l'ont arrêté avec quatre associés.
Un journaliste
libanais «bien informé» a laissé filtrer diverses informations sur
plusieurs tentatives de corruption pour faire annuler le verdict non prononcé à
date. Selon des informations locales, le juge Sidqi a été «soumis à de
fortes pressions» avant de suspendre le verdict.
Wafik SAFA chef de la sécurité du Hezbollah sur la liste des sanctions américaines |
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